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Villes mortes Ce qui reste des cités oubliées

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
14.04.2011
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  • les quatre interprètes de Villes Mortes(攝影: Photographer:Jean-Francois Hamel / Copyright:Jean-Francois Hamelin)

Époque Times a relevé le défi de puiser toute la vie derrière la pièce Villes mortes, une création d’Abat-Jour Théâtre, en résidence à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d'Aujourd'hui jusqu’au 23 avril. Entretien avec Sarah Berthiaume, auteure et interprète de Villes mortes, un amalgame de quatre contes décapant sur quatre villes mortes, joués par quatre filles vivantes.

 

Époque Times (É.T.) : Pourquoi quatre filles pour interpréter Villes mortes?

Sarah Berthiaume (S.B.) : D'abord, il faut mentionner qu'à l'origine, il n'y avait qu'une ville morte et c'était Gagnonville. C’est un conte que j’avais écrit pour un monologue que je voulais faire moi-même. De là, j’ai pensé multiplier le tout. Comme le thème d’une ville morte me touchait, j’ai décidé d’écrire d’autres contes pour deux de mes amies comédiennes dans le cadre du Festival St-Ambroise Fringe de Montréal. Avec le recul, j’aime bien l'idée de donner la parole à des filles sur des thèmes plus sociaux et politiques.

É.T. : Comment le choix s’est-il arrêté sur les quatre villes mortes présentées dans la pièce?

S.B. : J’étais à un souper pour la première d’un spectacle, et une dame m’a approchée en mentionnant qu’elle venait de Gagnonville, ville que je ne connaissais pas du tout. Elle m’a dit que c’était sa ville de naissance, qu’elle n’existait plus aujourd’hui, ce qui faisait que sur les documents officiels, elle était née nulle part. Ça a donc été difficile avec son passeport! Je trouvais l'anecdote assez drôle. Je suis allée faire une recherche sur Internet et je suis tombée sur des photos et des blogues traitant de la destruction de la ville minière. Le premier des quatre contes a vu le jour.

Par la suite, je trouvais que le thème de la ville morte était assez riche pour déployer différentes variantes. J'ai commencé avec une vraie ville abandonnée à cause de la fermeture d’une mine. Ensuite, je trouvais que Pompéi, c’était la ville morte mythique par excellence, elle possède un gros bagage politique, des ruines, des corps les uns contre les autres, la présence du volcan. Pompéi et Gagnonville étaient mes deux incontournables.

Après, j'ai cherché à élargir davantage l’éventail de la ville morte. L’écriture se profilait comme un portrait de fille de ma génération, j'arrivais à cerner les enjeux qui me préoccupaient. Alors, j'ai voulu parler du quartier Dix-30 de Brossard. La manière dont j’ai traité Dix-30 (je l’ai appelé «ville zombie»), c’est en jouant sur la ville d’apparence vivante, mais qui est complètement morte «par en-dedans», un simulacre de vie, mais qui est un monstre de surconsommation, une «bibitte» qui contamine et que l'on ne sait pas trop comment arrêter. C'est une partie du spectacle très très critique et franche. C'est aussi bien ludique. Je me suis beaucoup amusée là-dedans. La forme même de ce conte, c’est un film de zombies, un pastiche de ce style américain. J'en ai regardé plusieurs pour brosser le meilleur portrait qui soit.

La dernière ville que j’ai choisie fut Kandahar. J’avais envie de me commettre et de parler de la présence militaire du Canada en Afghanistan. Pompéi a plus un ton intime, traite d'une peine d’amour, c'est un conte plus replié sur lui-même, tandis que Kandahar est plus politique. Avec Kandahar, je voulais parler des femmes. Je voulais parler du point de vue occidental de la femme mais aussi d'un aspect très manichéen. Les médias nous parlent des «bons», des «méchants», de l’axe du bien, de l’axe du mal, on s’en va là un peu en héros.

Il y a ce côté patriarcal que j'avais aussi envie de critiquer. Ma structure pour Kandahar est rien de moins qu’un conte de Walt Disney : une jeune mère monoparentale qui s’en va travailler dans un Tim Horton de la base militaire pour pouvoir offrir un voyage à Walt Disney World à sa fille qui est obsédée par les princesses. Ça me permettait d’englober des thématiques assez féminines et les obsessions qui lui sont propres. Il y avait aussi tout cet écart de la mentalité occidentale et des conflits au Proche-Orient, la situation des gens là-bas. Un Cendrillon en temps de guerre.

É.T. : Pourquoi avoir choisi Géraldine pour la musique?

S.B. : Avec le metteur en scène Bernard Lavoie, on cherchait un lien formel entre les contes. Au niveau narratif, c’est une variation d'un thème général, mais ce sont quatre contes indépendants. On voulait trouver un lien qui était plus au niveau spectacle. Finalement, Bernard tenait non seulement que ce soit une voix de fille (Géraldine) pour suivre la réflexion des contes, mais que ce soit en français puisqu’il n’y avait rien qui justifiait l’utilisation de l’anglais.

J'ai découvert l'album de Géraldine lors de la dernière période des Fêtes. J'ai tout de suite reconnu dans son écriture des traits de mon écriture. Dans un sens, c'est très différent, elle fait du conte, de la chanson, et ça cohabitait merveilleusement. À ma grande surprise, Géraldine a accepté. Les chansons sont présentées en groupe réduit, donc avec un seul musicien appelé «Navet», avec des chansons tirées de l'album appelé «Sold Out Capitalisme». Mon metteur en scène parle du principe du «trou normand» : c'est comme un «shooter» qui fait de la place pour autre chose, qui change le goût dans la bouche, qui transforme l'atmosphère. On peut pénétrer dans plusieurs univers, sans compter qu'ils font aussi l'univers sonore de chaque conte. Comme on est beaucoup dans la narration, la musique vient vraiment servir de support.

É.T. : Est-ce que Villes mortes a été écrit avec une pulsion de vie ou une pulsion de mort?

S.B. : Une pulsion de vie. Ça parle certainement du désarroi, d'une désorientation, de filles de ma génération aux prises avec toutes sortes d'enjeux et de phénomènes qui leur font violence, avec lesquelles elles ont du mal à gérer. Villes mortes renferme une grande part d'humour, ce qui est très important pour moi. Ce n'est pas une tragédie. On est dans le conte, il y a une fonction de mémoire, de perpétuer quelque chose. C'est vivant.

É.T. : Comment on vit, comment on se sent après avoir écrit et joué Villes mortes?

S.B. : Je suis contente, je suis fière d'avoir donné et possédé cette prise de parole, d'avoir pu faire le bilan de mes préoccupations de fille de 27 ans, de la génération Y.

À surveiller : la nouvelle programmation de la saison 2011-2012 du Théâtre d'Aujourd'hui www.theatredaujourdhui.qc.ca.

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