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Petite histoire du festival de Cannes

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
18.05.2011
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  • Minuit à Paris de Woody Allen (2011) festival de Cannes hors compétition.(攝影: / 大紀元)

CHRONIQUE D’UN OBSERVATEUR DU 7e

Les festivals de cinéma sont des instruments pertinents de mesures de nos sociétés. Ils constituent des galaxies, elles-mêmes habitées de planètes souvent lointaines, juchées dans nos imaginaires: les films.

De la naissance du festival de Cannes à sa construction

Parmi les festivals historiquement connus, trois ont conquis l’espace public. D’abord la Mostra de Venise, Locarno et le festival de Cannes. Cette dernière manifestation après maintes histoires prendra finalement le pas sur les deux autres. La naissance de «Cannes» ne s’est pas faite en un jour.

L’idée est apparue en 1937 au cours de l’exposition internationale spécialisée de 1937, une sorte de réédition de l’exposition universelle qui participera au maintien des amitiés et de la paix entre les nations. C’est du moins ce qu’espéraient les promoteurs tous issus du front populaire. Un souhait avait été émis par des personnalités du monde des arts, d’organiser un festival international de cinéma compétitif où seraient conviés tous les pays qui accepteraient d’envoyer leurs films.

À l’origine, cette future manifestation répondait à un besoin national, les populations ayant été traumatisées à la fin des années trente par l’ingérence des gouvernements fascistes italiens et allemands dans la sélection des films de la Mostra de Venise. Emile Vuillermoz et René Jeanne soumettent à Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts, le projet d’un festival international de cinéma en France. Cette idée enchante l’homme d’État qui la soutien de tout son poids. Les Américains et les Britanniques voient là une bonne revanche sur le clan fasciste. Plusieurs villes posent leur candidature: Biarritz, Cannes, Alger et même Vichy. C’est Cannes qui triomphe de cette compétition, emportant tous les suffrages.

Louis Lumière, l’inventeur du cinématographe

Louis Lumière accepte d’être le premier président de ce nouveau festival. Philippe Erlanger en sera le premier délégué général dont la mission essentielle sera de sélectionner les films pour le festival qui devait se tenir du 1er au 20 septembre 1939. La sélection française comprendra La Charrette fantôme de Julien Duvivier (1939), La Piste du nord de Jacques Feyder (1939), L’Enfer des anges de Christian Jaque (1939), L’Homme du Niger de Jacques de Baroncelli (1939). Dans la sélection étrangère sont présents des films figurant dans l’histoire du cinéma aujourd’hui: Pacific Express (1939) de Cécil B. DeMille, Au revoir Mister Chips (1939) de Sam Wood, Les Quatre plumes blanches (1939) de Zoltan Korda, Le Magicien d’Oz de Victor Fleming (1939).

Le mois d’août 1939 laisse présager qu’une belle manifestation se dessine. La Metro-Goldwyn-Mayer emprunte un transatlantique pour faire voyager dans le confort ses vedettes internationales dont les noms riment avec magnificence des rêves éternels: Tyrone Power, Gary Cooper, Annabella, Norma Shearer, George Raft.

Des fêtes sont prévues dont tous se souviendront. Les Américains avaient l’intention de construire une réplique de Notre Dame de Paris sur la plage de Cannes.

Le 1er septembre, jour de l’ouverture du festival de Cannes, l’armée allemande entre en Pologne. Le 3 septembre, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne. Le festival est mort-né. La douleur et la déception accompagneront les jours suivants.

Avec la guerre froide débute le premier festival de Cannes

Le véritable vrai départ du festival de Cannes a lieu du 20 septembre au 5 octobre 1946 financé par le ministère des Affaires étrangères et la ville de Cannes. Il se déroulera dans l’ancien casino en attendant de faire construire un lieu plus adapté, grâce à la volonté de la Confédération Générale du Travail dont le cinéaste Louis Daquin est membre.

La guerre froide fait obstacle à la sortie de films dont les auteurs dénoncent les méfaits. Les Russes permettent de voir Le Destin d’un homme de Sergueï Bondartchouk ou Quand passent les cigognes de Mikhail Kalatazov mais pas Il était une fois un merle chanteur du Géorgien Otar Iosseliani.

Dans les années cinquante, André Bazin, directeur des Cahiers du Cinéma, exhorte le festival à moins s’occuper de mondanités, de patriotisme et de diplomatie et d’un peu plus de cinéma dans un sens critique. Il remet ainsi le festival de Cannes sur les rails en lui indiquant des voies artistiques et non des pistes dérisoires loin des préoccupations premières d’un tel festival d’art cinématographique. Les critiques de Bazin seront prises en compte et Cannes accueillera d’illustres cinéastes aux œuvres majeures: Roberto Rossellini, Federico Fellini, Luis Buñuel, Michelangelo Antonioni, Robert Wise, Joseph L. Mankiewicz, William Wyler, Vittorio de Sica, Andrzej Wajda, Satyajit Ray, Akira Kurosawa.

Bien que le festival cherche à décrypter des œuvres plus difficiles au langage souvent novateur mais non encore admis par des spectateurs à la pensée statique, les œuvres de Tarkovski arrivent au festival. Elles disent au travers de leurs expressions sensibles toute la douleur contenue dans un monde où des gens vivent des différends. Ces univers géographiques et politiques traverseront le festival de Cannes et permettront des débats constructifs, voire créatifs.

Les obstacles idéologiques et politiques, la censure...

L’un des plus grand scandales du festival de Cannes aura été le retrait du film d’Alain Resnais, Nuit et brouillard (1956), documentaire sur les camps de concentration commandé par Henri Michel, historien. Sur l’intervention officieuse de l’ambassadeur d’Allemagne, soucieux de préserver la nouvelle amitié franco-allemande, il demande et obtient le retrait du film. La France voulait d’autre part alors faire oublier la complicité de la police française dans les déportations. Retiré sur ordre du ministre de la Culture, Nuit et Brouillard obtint en janvier 1956 le prix Jean Vigo. Il est significatif de constater que le texte de l’écrivain français Jean Cayrol déporté à Mauthausen ne fut traduit en allemand qu’en 1997. La musique magnifique du film était composée par le compositeur germano-autrichien Hanns Eisler.

La nouvelle vague et une nouvelle jeunesse cinématographique

En 1959, François Truffaut, le fils spirituel d’André Bazin présente Les Quatre cents coups qui obtient le grand prix du jury. Le festival montrera ainsi sa capacité à recevoir, dans le cénacle des grands cinéastes entrés dans le marché, des auteurs à traiter avec des égards au risque des les voir disparaître à jamais. André Malraux avait fait pression pour que le film de François Truffaut figure dans la sélection officielle.

La grande crise vint en 1968 lorsque François Truffaut et Jean-Luc Godart déclarèrent leur dégoût de parler de cinéma alors que les Français, les travailleurs notamment, faisaient grève et que les étudiants s’étaient mobilisés pour crier leur inquiétude devant l’avenir en face de gouvernants aussi peu créatifs. Jean-Pierre Léaud était là, approuvant les déterminations de ses deux amis cinéastes.

Le festival était touché et le président vint pour annoncer la suspension du festival de Cannes en 1968 face aux événements exceptionnels que traversait la France. Le cœur n’y était plus et les festivaliers, producteurs, réalisateurs, critiques, acteurs, devaient rejoindre leur maison.

Bernardo Bertolucci avait fait un film passionnant sur cette période Les Innocents (2002) avec Eva Green, Louis Garrel et Jean-Pierre Léaud manifestant devant la cinémathèque française du renvoi d’Henri Langlois de son propre musée.

Les relations de pouvoir et les créateurs

Maurice Bessy est nommé délégué général. Pendant son activité, il favorisera les grandes locomotives américaines. L’attachée de presse Louisette Fargette veillera aux retombées médiatiques d’une main de fer faisant parfois pression pour que de grandes productions obtiennent la Palme d’or. En 1977, elle est furieuse de constater que Padre Padrone (1977) des frères Taviani a obtenu la Palme d’or. Elle proteste comme d’ailleurs tous les professionnels, incapables de saisir le chef d’œuvre que le jury avec l’aide de son président Roberto Rossellini avaient réussi à faire admettre.

Roberto Rossellini a été élevé par un père architecte, Beppino Rossellini qui avait construit le premier cinéma de Rome. Rossellini devenu cinéaste est un homme d’une culture exceptionnelle qui a fait bouger les fondations du festival de Cannes retranchées dans ses a priori pas encore disparus. «Cannes est une machine, il ne faut pas lui en vouloir, nous ne possédons que celle-là pour l’instant, c’est à nous de l’utiliser et de la faire évoluer? Que demander à une machine qui s’emballe à la moindre incertitude et dont les usagers sont devenus des esclaves sauf quelques-uns qui par bonheur se sont mis en retrait pour observer et juger après».

  • Rome ville ouverte (1946) de Roberto Rossellini, président du jury du festival de Cannes 1977.(攝影: / 大紀元)

Roberto Rossellini, le père du néoréalisme et de l’humanisme italien

Rossellini était un homme merveilleux. En trois jours, il avait réuni un colloque sur la «responsabilité morale du cinéma». J’avais réussi à obtenir un entretien plus que confidentiel: chaque jour je le voyais et il me confiait ses impressions, les bruits de couloirs et qu’il était obligé, pour ne subir aucune pression, de se réunir dans des bistrots avec les membres du jury. Il disait qu’il devrait faire des polars, que cela le changerait un peu du sérieux dans lequel il avait  baigné sa vie durant. Visitant les grands penseurs, Pascal, Socrate et bien d’autres, il fera des films pour la télévision qu’il savait admirablement domestiquer pour qu’elle puisse vouloir dire quelque chose. Rossellini tourne Rome, ville ouverte (1945). Deux mois seulement après la libération de Rome fin 1943, il travaille sur le scénario du film. Cette période sera marquée par son amitié avec Federico Fellini avec lequel il écrit le scénario. Pour être libre dans la réalisation de son film et afin d’émettre les idées qu’il juge utiles, Roberto Rossellini produit lui-même son film. L’œuvre est un triomphe. Anna Magnani sublime Pina, personnage d’un grand naturel et empreint d’humanité. Le film obtiendra au premier festival de Cannes le grand prix.

«Un homme ne doit jamais apprendre en esclave», disait-il dans l’ouvrage qu’il a publié avant sa mort. «Je me tiens à disposition du savoir pour mieux connaître l’homme et moi-même, l’art n’est qu’un passage, une façon de parler à l’autre sans trop le heurter. C’est une poignée de main à un autre être qui vous regarde un moment avec intérêt pour enfin parler...»

Dans les faits, il respectait et se conformait à ses idées. Aux derniers moments de sa vie, il tourne Beaubourg, Centre d’art et de culture (1977). Éprouvé par les insultes qu’il avait reçues à Cannes pour ses prises de position politiques et artistiques, il quitte le festival déçu. Je ne serais pas surpris que toute cette émotion aura eu une influence sur sa mort prématurée le 3 juin 1977 peu après la fin du festival de Cannes. J’ai été enchanté par cet homme qui m’avait amené une portion d’âme humaniste que je n’aurais pas soupçonné exister dans les milieux que je croyais tout à fait fermés du cinéma.

Vivre grâce à Woody Allen qui nous réconcilie avec notre beau passé

Avec Minuit à Paris de Woody Allen, le cinéma montre son côté magique qui a toujours été le sien avec Méliès, l’enchanteur. Là en 2011, c’est notre bien aimé Woody Allen, celui qui acteur nous faisait rire, et devenant réalisateur, crée la frustration par son absence. Dans une recherche d’un Paris mystérieux qui se cache derrière des monuments et des œuvres, existe un Paris que l’écrivain Herbert George Wells aurait découvert avec sa machine à explorer le temps. Sur le modèle de La Rose pourpre du Caire les personnages arrivent tout naturellement dans l’espace à peine éclairé des rues de Paris et dans les années 30, recontrent le Tout-Paris culturel. Ils s’appellent Ernest Hemingway, Picasso, Stein. Ils savent donner d’eux mêmes, échanger des idées généreusement, et faire la fête en compagnie de Toulouse Lautrec, Luis Buñuel, Scott Fitzgerald et les autres.

Woody Allen est notre cœur, notre respiration, notre humour. Peut-on se passer de sa fraîcheur et continuer notre petit bonhomme de chemin? Vraiment, non!

apenso@hotmail.fr

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