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Pourquoi le cinéma cherche-t-il ses sujets dans le passé?

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
04.05.2011
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  • Detective Dee, le mystère de la flamme fantôme (2010)(攝影: / 大紀元)

  CHRONIQUE D’UN OBSERVATEUR DU 7e

De la crise des sociétés à l’histoire

Les récents conflits – la crise libyenne, le changement de chef d’État en Égypte, la révolution tunisienne, les conflits d’Irak et d’Afghanistan –, sont autant de raisons pour que les spectateurs ne soient plus intéressés que par le pur divertissement. Ils portent leur intérêt cinéphile sur l’actualité brûlante et l’histoire qui les passionnent.

Les réalisateurs, les producteurs ainsi attentifs et influencés, produisent des films de fiction et des documentaires ancrés dans l’Histoire, autant d’histoires que les scénaristes développeront souvent en se faisant eux-mêmes témoins in situ et recueillant le fruit de leurs écrits auprès de protagonistes locaux.

Le film ne reste pas sourd aux conflits qui se trament dans le monde. À titre d’exemple, les disparitions de soldats français en Afghanistan et les attentats en Irak ou en Israël: Balle à blanc de Haïm Bouzaglo (2011) met en scène des extrémistes israéliens et palestiniens déterminés à assassiner le Premier ministre.

Dans Démineurs (2009) de Kathryn Bigelow, des soldats reçoivent pour mission de désamorcer des engins explosifs au péril de leur vie et de celle des soldats américains et des civils irakiens. C’est un film étonnant de sensibilité qui sera nominé aux Oscars dans la catégorie meilleur film.

La guerre d’Algérie au cinéma

À l’inverse des institutions françaises censurant presque tous les sujets sur la guerre d’Algérie, la réaction américaine face à la guerre du Vietnam a été à l’opposé. Les producteurs se sont battus avec succès pour livrer tous les secrets de leur «sale guerre», ne dissimulant rien sur le plan des idées et des actions. Cette attitude leur a permis de passer un cap difficile en révélant des vérités souvent insupportables où la cruauté était livrée sans phare.

Dans les films français, le thème de la guerre d’Algérie a peine à se montrer. Une conspiration du silence a lieu, le Centre National du Cinéma reste vigilant, brandissant la menace de la censure à tout film tentant une quelconque critique vis-à-vis de la politique algérienne passée. Citons La Guerre d’Algérie d’Yves Courrière (1972) avec la voix de Bruno Cremer, R.A.S. réalisé par Yves Boisset (1973), Avoir vingt ans dans les Aures (1971) de René Vautier, et enfin Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010) qui met en scène différentes factions rivales cherchant légitimité et crédibilité dans la construction du jeune État algérien. Chassés de leurs terres algériennes, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s’engage en Indochine et Abdelkader prend la tête du mouvement pour la libération de l’Algérie.

Elise ou la Vraie Vie ou l’intimité dans le conflit

Les cinéphiles sont d’autant plus intéressés par l’histoire qu’elle a longtemps été confisquée par le biais de la censure directe ou indirecte, ou par auto-censure. Les distributeurs craignent de distribuer dans leurs circuits des films qui pourraient mettre un frein à leur activité pour cause de tracasseries judiciaires.

Une Nation, l’Algérie de René Vautier (1953) et L’Algérie en flammes (1958) du même réalisateur, sont des films restés pratiquement invisibles. Au début des années 1970, Michel Drach montre la condition d’un Algérien en France pendant la guerre d’Algérie, un amour impossible, voire défendu, entre deux êtres humains appartenant à deux ethnies différentes en pleine guerre. Nous parlons d’Elise ou la Vraie Vie (1970). Ce sera le départ d’une longue période de réflexion sur cette guerre qui ne dit pas son nom et la réalisation de plusieurs films importants qui culminera avec le film de Mohammed Lakhdar-Hamina, Chroniques des années de braise (1975).

Dans les années 1990, le sujet sur la guerre d’Algérie sera regardé avec plus de sérénité et de pertinence avec des films comme La Question de Laurent de Heynemann (1977), film clé sur la réalité de la torture en Algérie. Dans L’Honneur d’un capitaine, Pierre Schoendoerffer (1982) montre que l’histoire continue même après la mort d’un protagoniste accusé de crimes. Afin de rendre l’honneur bafoué de son mari, le capitaine Caron, au cours d’un débat télévisé par un professeur, Patricia, sa veuve, intente un procès où seront analysés les états de service de son mari.

Avec un peu plus de légèreté, Mahmoud Zemmouri dans Les Folles années du twist raconte l’histoire de deux adolescents qui en 1960 au cours d’une manifestation contre les Français, prennent opportunément position pour les futurs vainqueurs de cette révolution algérienne.

Dans La Guerre sans nom, Bertrand Tavernier (1991) analyse au travers de témoignages d’appelés et de rappelés, cette guerre sans nom, appelée bien plus tard guerre d’Algérie. Ils ont été trois millions entre 1954 et 1962 à être obligés de se rendre en Algérie malgré eux.

Histoires de vies brisées: les double peine de Lyon de Bertrand Tavernier (2001) décrit les excès du pouvoir judiciaire qui juge de façon excessive des petites affaires rendues tragiques parce que réprimées deux fois, lorsqu’il s’agit d’Algériens souvent nés en France et ayant des enfants. Le préfet a le pouvoir de les interdire de rester sur le territoire français et de les expulser en Algérie qu’ils ne connaissent souvent pas du tout et où ils n’ont plus aucune attache. Partisan de la suppression de cette loi, Tavernier tente de donner à ses convictions politiques et dans ses films une vision efficace, loin des théories idéologiques ennuyeuses.

La guerre d’Algérie est un gros morceau d’histoire qui passionne pour ses analyses et ses fictions, touchant souvent des points forts de notre sensibilité. La conscience individuelle qui anime les cinéastes permet de mieux appréhender l’histoire et d’extraire le poison que constituent notre ignorance et notre refus de nous pencher une énième fois sur notre passé.

  • Cyclone à la Jamaïque d’Alexandre Mackendrick (1965)(攝影: / 大紀元)

La guerre d’Indochine

Pierre Schoendoerffer réalise Le Crabe tambour (1976) et La 317e section (1965). Le réalisateur obtiendra le prix du scénario au festival de Cannes. Ces deux films sur la guerre d’Indochine sont des œuvres essentielles pour la compréhension de ce conflit.

Concernant la représentation de l’histoire, le cinéma américain reste maître en la matière. La filmographie de la guerre du Vietnam est considérable. On peut retenir tout d’abord Voyage au bout de l’Enfer de Michael Cimino, (1978), Apocalypse Now de Ford Francis Coppola (1979) et Rambo de Ted Kotcheff (1982). Ce film affirme que personne, avant d’y avoir été confronté, ne peut comprendre la douleur ressentie face à la mort qui rode.

Dans M.A.S.H., Robert Altman (1970) décrit l’horreur et prend de la distance pour y installer un humour qui fait parfois grincer des dents. Sur un autre sujet plus subjectif bien que réel, celui de la conquête de son histoire: La Porte du paradis de Michael Cimino (1980). Deux anciens élèves de Harvard se retrouvent en 1890 dans le Wyoming. Averill est shérif fédéral tandis que Billy Irvine, rongé par l’alcool, est membre d’une association de gros éleveurs en lutte contre les petits immigrants venus pour la plupart d’Europe centrale. Averill s’oppose à l’intervention de l’association sur le district. Film interprété par d’immenses acteurs tels que Christopher Walken et John Hurt ainsi qu’une actrice française talentueuse Isabelle Huppert. Ce film est d’une beauté rarement atteinte dans un tel genre. Le film, à cause de sa mauvaise exploitation et gestion, n’a pas connu le succès qu’il aurait dû avoir. C’est à partir des résultats de son exploitation à l’étranger que l’on peut se permettre de telles affirmations. En France, le film a connu un franc succès auprès du public et de la critique.

Aujourd’hui, le cinéma exploite beaucoup la filière historique. Il se retourne sur son passé sans cesse grâce aux ressorties de films mal distribués une première fois et qui tout naturellement retrouvent un public qu’ils n’avaient jamais rencontré à leur première sortie. Les cinémas Art et Essai, à l’occasion regrettable de la disparition de vedettes talentueuses comme Elizabeth Taylor ou de cinéastes comme Sidney Lumet ou Stanley Kubrick, ressortent leurs films.

La filmothèque est le cinéma idéal pour suivre le répertoire d’une actrice ou d’un cinéaste ou tout simplement la sortie d’un vieux film en copie neuve souvent inédite depuis longtemps.

Cyclone à la Jamaïque d’Alexander Mackendrick (1965) d’après le roman éponyme d’Arthur Warren Hughes, traite de la vision d’un enfant au XVIIIe siècle sur des événements graves qu’il ne peut guère analyser de façon rationnelle. Il ne dispose que de ses cinq sens. Il voit, il sent et évalue comme la nature le lui permet. Cinq enfants se retrouvent à bord d’un navire de corsaires poursuivi par la marine britannique. Le film est interprété par de grands acteurs internationaux tels que Anthony Quinn, dont le jeu est très fin, et James Coburn qui amène des nuances humoristiques très anglaises.

Lorsque l’on pense aux films traitant de l’enfance, Cyclone à la Jamaïque est sans hésiter une belle réussite où l’authenticité traverse le film. On pourrait le rapprocher sans se tromper du film de Fritz Lang Les Contrebandiers de Moonfleet (1955) avec Stewart Granger, George Sanders et Joan Greenwood. Au XVIIe siècle, un petit enfant arrive à Moonfleet et repère des contrebandiers à la recherche du vieil ami de sa mère défunte. Jeremy Fox est le nouveau propriétaire du domaine de ses parents. C’est un aristocrate chef des contrebandiers. Fritz Lang avec ce film a fait une œuvre admirable mettant en scène l’enfance plongée dans des désirs d’aventure.

Les différentes catastrophes qui se sont abattues récemment sur la planète, les tragédies écologiques, les conséquences sur la sécurité des centrales nucléaires au Japon, la menace de fuite du réacteur arrêté de Tchernobyl. Les monstres du cinéma avaient mis en garde la société japonaise dans de nombreux films, le plus célèbre étant Godzilla qui est le fruit des essais nucléaires de 1954. Dans la conscience collective, il incarne la peur et les monstres portent les stigmates et les angoisses à jamais des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki. Au Japon également, l’histoire est partout présente. Le premier de cette longue série de films est de Ishirô Honda, il s’agit de Godzilla (1954). Pluie noire est un film admirable de Shohei Imamura (1989) traitant des conséquences réelles, psychologiques et physiques d’une guerre atomique.

Le ciéma de Hong Kong produit des films surprenant d’une qualité exceptionnelle. À titre d’exemple, Detective Dee, le mystère de la flamme fantôme de Tsui Hark (2011) avec Andy Lau, Bingbing Li, Tony Leung Ka Fai. C’est un film de mystère entrant dans la catégorie des films d’histoire tentant de transmettre les épopées chinoises riches en aventure et en symboles.

L’histoire se situe en l’an 690. L’intrigue n’est pas compliquée mais son traitement est complexe et riche en rebondissements: la veuve du dernier souverain chinois Wu Ze Tian s’apprête à monter sur le trône. Elle va devenir la première femme à acquérir le titre d’empereur de Chine. Dans la ville de Chang-An, tout est prêt pour célébrer cet événement exceptionnel. C’est alors qu’un certain nombre de décès viennent troubler les festivités. La cité est frappée par un mal mystérieux...

Le film est magnifique, des lumières de toutes les couleurs ponctuent le film. Les trouvailles esthétiques, la beauté des décors, les prises de vues font rêver. Rien d’étonnant à cela, le réalisateur Tsui Hark est un représentant des films de sabre – Wu Xia Pian –, style populaire en Chine. Le film repose sur un héros de renommée internationale, le détective Dee. Ce personnage a vraiment existé au VIIe siècle, il fut chancelier de l’impératrice et devint une légende.

Elizabeth Taylor est plus qu’un personnage de l’histoire. Comme un caméléon, d’un film à l’autre, elle change d’aspect physique et psychologique. Elle a été la femme d’un grand comédien, Richard Burton, qui lui a disputé la vedette toute sa vie sans parvenir à ses fins. La meilleure illustration de ce fait est Qui a peur de Wirginia Wolf ? de Mike Nichols (1966). Richard Burton le comprendra une fois sa vie écoulée. Dans Soudain l’été dernier de Joseph Mankiewicz (1959) d’après la pièce de Tennessee Williams, Elizabeth Taylor parvient à montrer que l’extériorité peut devenir ami de l’intériorité car l’esprit se loge dans toutes les cavités de notre corps. C’est ce que la médecine réfléchie définit comme somatisme. Le plus important, dit le psychiatre Cucowicz interprété par Montgomery Cliff, c’est de dire la vérité. Sa tante ne veut pas l’entendre et elle refuse d’admettre que son fils n’est pas un homme ordinaire capable de se marier. Mme Veneble veut financer les recherches du chirurgien venu à sa demande que si elle lobotomise la nièce qu’elle a fait interner depuis un tragique week-end avec son fils à Villa de Lobo. Le médecin parvient à extraire la vérité à Catherine Holly que tous auraient gagné à ne pas entendre.

L’histoire et le passé immédiat se trouvent être les meilleures thématiques cinématographiques par ces temps de crise. Et sans doute un moyen efficace de se replonger dans une réflexion approfondie sur l’avenir de nos sociétés.

apenso@hotmail.fr

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