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Entretien avec Hubert Reeves

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
04.05.2011
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  • L’astrophysicien Hubert Reeves(攝影: / 大紀元)

Guide éminent pour le futur

S'il y a bien un homme qui est continuellement d'actualité et qui sait y voir clair, c'est bien Hubert Reeves. Époque Times l'a rencontré dans le cadre de la promotion du documentaire Du big bang au vivant disponible dès le 3 mai au Québec.

Époque Times (ÉT): Après avoir visionné le documentaire Du big bang au vivant, on peut comprendre que bien des réponses à propos de l'humanité ont été trouvées, mais que bien d'autres sont à venir, des réponses qui seront de plus en plus stupéfiantes. Quelles sont les qualités primordiales que le scientifique doit posséder face à ce qui s'en vient?

Hubert Reeves (H.R.) : Ça reste les mêmes exigences qu'autrefois : être prêt pour des choses étonnantes, des choses imprévues. Ne pas avoir de préjugé au départ, c'est-à-dire, ne pas chercher à confronter les idées qu'on a déjà. Il faut faire attention à cette question qui peut nous traverser l’esprit : «Qu'est-ce qui me ferait plaisir de découvrir?»

Il y a des idées qu'on aime, des idées qu'on n’aime pas, mais ça n'a aucune importance. Elles sont ce qu’elles sont. Je parlais un peu plus tôt avec quelqu'un qui me disait : «L'Univers ne peut pas être infini, ça n'a pas de sens.» Je lui ai dit : «Ça dépend ce que veut dire pas avoir du sens.» Si on découvre que l'Univers est infini, ça n'a pas beaucoup d'intérêt que quelqu'un affirme que ça n'a pas de sens. Il y a cette intrusion des goûts, des affects dans la science. C'est important d'être lucide et de ne pas seulement pêcher dans les eaux des poissons qu'on a envie de prendre.

ÉT : Les scientifiques ont quand même leur côté affectif qui les guide dans leur quête. Où votre côté affectif vous guide-t-il?

H.R. : Ce qui m'intéresserait de savoir, c'est si nous sommes seuls dans l'Univers. Y a-t-il des gens qui vivent sur les planètes et, si oui, se posent-ils des questions? Il y a cette comparaison intéressante avec un avion. Vous voyez passer un avion dans le ciel, c'est un petit point lumineux et vous imaginez très bien qu'il y a des gens qui sont en train de prendre un repas à l'intérieur. On sent, quand on voit un point dans le ciel, que c'est habité. Il serait fascinant de découvrir qu'il y a d'autres formes de vie intelligentes qui nous regardent et qui se demandent les mêmes choses à notre sujet.

ÉT : Pourquoi tarde-t-on comme espèce à mettre à jour nos livres d'histoires, les nouvelles connaissances aux programmes institués, par exemple, par les écoles?

H.R. : C'est certain que ça prend un certain temps à s'intégrer. C'était la même chose à l'époque de Galilée, il a fallu une bonne période de temps pour que les gens puissent se faire à l'idée que la Terre n'est pas le centre de l'Univers. On parle de plusieurs décennies. C'est ce que Freud appelle le choc astronomique. Il y a aussi le choc psychologique, dont le travail de Freud, l'inconscient, etc. Nous ne sommes pas seuls à bord! Ça a pris bien du temps avant d'actualiser le tout à la pensée humaine.

ÉT : Pourrait-on parler du choc écologique?

H.R. : Là, c'est plus grave, il y a des délais. Quand on voit la détérioration de l'écologie, il faut faire vite si on veut prendre de revers cette détérioration.

ÉT : Vous démontrez une grande ouverture sur ce qui est à découvrir, entre autres, par rapport aux formes de vie intelligentes ailleurs dans l'Univers. Est-elle aussi grande chez vos collègues?

H.R. : Il y a de tout. C'est comme dans toutes les communautés humaines. Je lisais récemment un article d'un scientifique connu qui se mettait en colère contre les gens qui prétendent que l'Univers pourrait être infini. Il y a bien des raisons qui pourraient justifier que certaines personnes sont si offusquées à l'idée que l'Univers pourrait être infini. Pourquoi certains trouvent-ils ça indigne? D'un autre côté, il peut y avoir des scientifiques très religieux, comme il y a de parfaits athées. Il y a parmi eux des catholiques, des bouddhistes, etc. Il n'y a pas beaucoup de musulmans. Il y a comme une sorte de contradiction, il me semble, entre les certitudes imposées par l'Islam et l'attitude scientifique, contrairement au bouddhisme.

ÉT : Y a-t-il des choses qui vous offusquent dans votre travail? Votre ouverture d'esprit a-t-elle ses limites?

H.R. : Quand les gens ont des certitudes… J'aime bien l'adage qui dit : «Ça répugne à la raison». Ça m'irrite quand je vois les gens qui veulent prouver, qui veulent vous amener vers l'idée qu'ils ont derrière la tête, autrement dit à leur propre façon de penser. Je n'aime pas la langue de bois. Tout se joue à comment on se situe par rapport à son ego, à l'idée d'avoir tort, comment on vit avec. On aime bien avoir raison.

ÉT : Presqu'à la mi-2011, quelles seraient les priorités humaines selon vous?

H.R. : Sans conteste, résoudre la crise écologique. Stopper la détérioration planétaire. S'assurer que la vie va rester vivable, ce qui est loin d'être évident. Aujourd'hui, les menaces sont tellement graves qu'on peut s'inquiéter. Il est important de se mobiliser. Malheureusement, les sceptiques dans ce domaine sont souvent des incompétents. C'est capital qu'il y ait des hérétiques, mais on doit avoir des hérétiques compétents. Par exemple, les gens qui ont des opinons catégoriques sur le réchauffement climatique : c’est de la foutaise, c'est irresponsable, ça démobilise la population. Si les scientifiques ne sont pas d'accord, les gens ne seront pas motivés à se mobiliser. Ça aggrave la situation. C'est suffisamment clair pour qu'il n'y ait plus de doutes raisonnables sur l'impact de l'humanité sur la planète, impact très négatif. Il y a de l'espoir, il y a du progrès, mais il faut faire bien et faire vite.

ÉT : Est-ce que de faire une découverte assez saisissante amènerait l'humain à sortir d'une léthargie, par exemple, si on peut prouver qu'il y a d'autres forme de vie intelligentes dans l'Univers?

H.R. : Ça aurait un effet intellectuel, philosophique, énorme, mais est-ce que ça aurait un effet sur le comportement, est-ce que ça empêcherait, par exemple, les ingénieurs japonais de construire des sites nucléaires sur des lieux hautement sismiques? Je ne suis pas sûr. Malheureusement, ce sont des catastrophes qui font prendre conscience de l'essentiel chez l'être humain. S'il y a un accident à trois coins de rue, on se hâtera de placer un feu rouge. Pour le nucléaire, c'est la même chose. Si on regarde le passé de l'humanité, c'est par le malheur qu'on change de regard.

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