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Le cinéma peut-il survivre sans ses monstres sacrés?

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
01.06.2011
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  • THE TREE OF LIFE(攝影: / 大紀元)

  CHRONIQUE D’UN OBSERVATEUR DU 7e

Un chef d’orchestre...

Le metteur en scène ou le réalisateur, chef d’orchestre d’une équipe choisie à chaque film, est le vrai créateur du film, le chef de tous les artisans du film. Son rôle est à l’égal d’un dieu qui crée le monde, la vie, parti du vide, il compose tout et lui donne du sens. Il invente la parole qu’il rend sublime par son style. Il attire à lui des adeptes, les spectateurs, qui croient en lui et en son génie.

Le cinéma n’est pas un art du passé

Sa forme, sa présentation, son procédé lui interdisent tout vieillissement. Il lui suffit de se situer dans le temps pour que son art se déploie sans difficulté et prenne le présent pour allié.

Un bon film ne se déprécie pas, ne prend pas d’âge, sauf si le façonnage connaît des imperfections que le temps ou le recul soulignent.

Les films classiques sont les œuvres qui ont traversé brillamment le temps, emportant avec elles le limon pour les nouvelles générations, c’est-à-dire les enseignements que les anciens ont su communiquer et laisser brillamment dans leur ouvrage au-delà du temps qui passe cruellement.

Les disparitions produisent un déséquilibre

La disparition des cinéastes, dont les films constituent un patrimoine indépassable, déséquilibre la vision que l’on a du cinéma. Tout à coup, un membre de la communauté disparaît et c’est un déséquilibre presque irrémédiable qui se produit. «Je sens un déséquilibre dans la force», dit un héros de La guerre des étoiles (George Lucas, 1977) lorsque l’un des membres de la congrégation disparaît.

Signalons que le premier président du festival de Cannes a été Louis Lumière. Le festival, qui avait été programmé du 1er au 30 septembre 1939, n’a finalement pas eu lieu à cause de l’invasion de la Pologne par les Allemands, entraînant la déclaration de la guerre par la France. Louis Lumière avait été l’inventeur du cinématographe. Ainsi la paternité, l’accompagnement des œuvres d’art à visionner est fondamental, tout comme une présentation de film avant une projection.

De Fellini Roma à Gabrielle Bonheur dite Coco Chanel

Les anciens metteurs en scène devraient permettre aux nouvelles générations, après avoir assimilé le savoir-faire des aînés, de fabriquer des films meilleurs encore. En fait, l’art n’accepte pas ce genre de règles, ignorant le contexte et le personnage du créateur. Après Federico Fellini, il n’y a jamais eu d’équivalent à La Strada (1954) ou Fellini Roma (1972). Certes les copies sont nombreuses mais n’arrivent que rarement au niveau du modèle. Ainsi pourrait-on dire qu’une disparition c’est tout un pan d’art oublié à jamais, sauf si des artistes conscients de la valeur de certaines œuvres s’en inspirent, puis tentent de mener l’expérience plus loin. L’imitation d’un procédé relève de la mode, «c’est-à-dire ce qui se démode», disait Gabrielle Bonheur dite Coco Chanel (1883-1971) célèbre pour ses créations de haute couture et ses parfums. Le film d’Anne Fontaine Coco avant Chanel (2009) avec Audrey Tautou est un film remarquable retraçant l’époque précédant la naissance d’une ligne de mode.

Un procédé peut-il s’apparenter à de la création?

Au festival de Cannes 2011, le jury présidé par Robert de Niro, acteur hors pair, a attribué un prix d’interprétation masculine à Jean Dujardin pour le film muet The Artist de Michel Hazanavicius. Il s’agit là d’un procédé ancien que peu de cinéastes reprendront. C’est une sorte de retour en arrière, une perversion du modernisme, qui au lieu de retourner vers les films muets oubliés, se targue de pouvoir en faire autant... Peut-être même une sorte de moquerie inconsciente ou bien trop consciente sur le passé... Dujardin ne possède pas les qualités d’un Jean-Paul Belmondo auquel certains journalistes veulent le comparer. Une façon simpliste de parler d’un cinéma qui préfère tirer son chapeau de peur d’être dénaturé.

Le polar par excellence

Robert de Niro est un excellent acteur. Ses plus grands films restent Taxi Driver (1976) avec Jodie Foster et Casino avec Sharon Stone (1995). Deux films fabuleux par leur qualité d’interprétation dans une mise en scène exceptionnelle de Martin Scorsese.

Dans Heat (1995) de Michael Mann, la violence meurtrière est à son comble. Deux acteurs légendaires s’affrontent dans deux rôles rigoureusement opposés: Al Pacino, le policier et Robert de Niro, le braqueur. L’action est la sève qui fait vivre les personnages au détriment de leur propre vie et des sentiments qui se consument dans des destins impossibles à détourner. La mort rode comme un fantôme attendant son heure pour intervenir une seule fois et définitivement...

François Truffaut, symbole de la foi cinématographique

La disparition de François Truffaut laissera un vide jamais comblé, du moins d’un point de vue artistique. Son sens critique, sa propension à considérer la lecture en face du cinéma, à savoir discerner un bon metteur en scène d’un opportuniste, François Truffaut savait même parfois cruellement le faire. Il avait été élevé dans le sens critique et ce sens du discernement qui manque tant aux artistes trop sûrs d’eux-mêmes.

Dans Les Moissons du ciel, Terrence Malick (1978) utilise les éléments de la nature qui influent sur le sens des personnages. Aidé en cela par la photo du grand opérateur Nestor Almendros, il fait ressortir les couleurs mystérieuses des blés et les visages des acteurs sculptés par leurs émotions et pris dans le relief de la lumière. Dans The Tree of Life, Terrence Malick (2011) est entré dans un autre système au lieu de demeurer dans le sien, celui de ses aspirations profondes. Pris dans la machine hollywoodienne, il semble s’être dessaisi de ses profondes convictions au profit d’effets spéciaux, à la recherche d’émotions comparables à celles de Stanley Kubrick dans 2001: L’Odyssée de l’Espace (1968).

François Truffaut, avec environ 26 films, réussit à faire un tour des éléments qui le préoccupent. Il disparaît bien trop tôt, à l’âge de 52 ans, le 21 octobre 1984. Vivement dimanche (1983), son dernier film, obtiendra un beau succès. Présenté à la Cinémathèque française de Chaillot, Truffaut dira sur scène de Fanny Ardant, son épouse, qu’elle ne pouvait être présente parce «qu’elle avait un gros empêchement». Ainsi disparut-il peu de temps après être retourné à la Cinémathèque, berceau de son enfance, présenter son dernier film et annonçant la naissance de son dernier enfant...

Selon François Truffaut, il n’est pas nécessaire de dire le nom de celui qui vient de faire un film, car disait-il, les spectateurs viennent pour voir une œuvre, pas un auteur. Il soutint longtemps cette idée que le film, une fois tourné, appartenait à tout le monde. Il dégageait de Truffaut une sorte de générosité liée à son identité. Il apprendra que son père biologique était un dentiste juif de Belfort, Roland Levy. Ses parents adoptifs ne l’ont pas bien traité. Il n’hésitera pas à les montrer avec tendresse pourtant dans Les 400 coups (1959). Ils viendront se plaindre lors de la présentation du film.

François Truffaut a su voir clair dans son enfance qu’il est parvenu à transposer dans ses films (Les aventures d’Antoine Doinel) et dans le repérage d’œuvres cruciales souvent passées inaperçues qu’il a su faire découvrir grâce à son regard pertinent.

  • 2001, L’ODYSSÉE DANS L’ESPACE(攝影: / 大紀元)

Jean Vigo, le cinéaste de l’enfance, l’artiste du devenir

L’Atalante de Jean Vigo (1934). Ce jeune cinéaste, dit Henri Langlois, l’un des artisans fondateurs de la Cinémathèque française, est le seul à avoir réussi la fusion entre le muet et le parlant, sorte de synthèse entre l’image et le son. Jean Vigo a été le fils d’un anarchiste emprisonné et assassiné mystérieusement avec des lacets dans la prison de la Santé. Son fils, comme lui renvoyé de son lycée, pensait à faire des films. Vigo tournera d’ailleurs en 1933 Zéro de conduite après avoir déjà réalisé en 1930 À propos de Nice et le court-métrage documentaire Taris, roi de l’eau en 1931.

Dans le mouvement de la nouvelle Vague, Claude Chabrol considère ses camarades et tourne Les cousins (1958). Il tentera de se trouver un genre personnel avec Le Boucher (1970) tout en se référant à Alfred Hitchcock dont il avait écrit un livre avec Eric Rohmer. Les entrées de ce film seront conséquentes: un million cent quarante-huit mille. Il s’éloignera ainsi de ses thèmes précédents: les mythes comme dans Que la bête meure (1969) avec des entrées loin d’être négligeables, un million cent mille entrées. Il tentera d’aller vers le maître du suspense sans toutefois y parvenir vraiment. François Truffaut, comme Chabrol, n’ont jamais ignoré le travail de ce géant d’Hollywood qu’était Lumet. Critiques tous deux, ils découvrent Douze hommes en colère avec Henri Fonda (1957) acclamé par la critique mondiale. L’un des plus beaux films sur la justice.

Sidney Lumet est un metteur en scène modeste qui n’a jamais eu l’ambition de figurer dans le livre des Records. Il a réussi contre vents et marée à réaliser plus de cinquante grands films en un demi-siècle. C’était un homme simple empreint de respect pour les autres, personne ne l’ignorait. Il a tourné dans tous les genres de films, souvent à New York qu’il a filmé sous toutes les coutures.

Injustement, malgré une carrière avec des films époustouflants, il n’aura pas beaucoup de récompenses sauf en 2005 où il obtiendra un Oscar d’honneur pour les services rendus aux scénaristes et à l’ensemble de la profession cinématographique. Il est mort le 9 avril 2011.

Sidney Lumet, un grand Monsieur du cinéma à la conscience éclatante

Sidney Lumet est né le 25 juin 1924 à Philadelphie. Son père Baruch Lumet et sa mère Eugenia Wermus sont acteurs et se produisent sur les scènes de théâtres yiddish sur la côte est des Etats-Unis. À la suite des multiples immigrations d’Europe Centrale, des Juifs ashkénazes s’installent à New-York, font du commerce, ouvrent toutes sortes d’affaires, des cinémas, des théâtre... La famille Lumet va profiter de cette dynamique. Il n’y a pas moins de quatorze théâtres sans compter les espaces rudimentaires où il est possible de jouer contre rémunération: les cafés-concerts par exemple, les propriétaires des lieux sentent l’émulation que dégagent ces nouveaux arrivants. Les parents du petit Lumet le font monter sur scène dès l’âge de cinq ans. Il séduit son entourage et les metteurs en scène prennent plaisir à le faire jouer. Le metteur en scène Max Reinhardt le fait jouer dans Eternal Road, l’opéra de Kurt Weill. Il s’engage en Birmanie et en Inde, comme technicien radar. À son retour, il fait des mises en scène à Broadway, puis dans les années cinquante à la télévision comme Arthur Penn et Sidney Pollack, à l’époque où les grand réseaux américains n’ont pas de craintes à produire des adaptations de classiques du théâtre ou de la littérature à des heures de grande écoute.

Sacco et Vanzetti

Sidney Lumet se montre courageux politiquement et artistiquement en 1960, non loin d’un mac-carthysme dont les méfaits sont encore présents et qui avaient sonné les créateurs de films. Il décide d’adapter pour la télévision l’affaire Sacco et Vanzetti (1951). Tout cela répond aux convictions développées dans son enfance grâce à ses parents et à la présence de la responsabilité politique des auteurs que la famille fréquente, intellectuels et artistes. Lumet est un artiste. Son métier lui permet de communiquer et de transporter des idées dans ses films, dans ses pièces. Cinquante ans après l’exécution en 1920 de Sacco et Vanzetti, Giuliano Montaldo réalise un film sur cette affaire avec pour interprète principal Gian Maria Volonté et Riccardo Cucciolla, Sacco et Vanzetti (1971) sur une musique d’Enio Morricone. Les chansons sont interprétées par Joan Baez.

Il ne faut pas oublier deux films excellents de Sidney Lumet, Le Prêteur sur gages (1964) premier film américain à parler de la Shoah et Une étrangère parmi nous (1992) une enquête policière menée par une femme dans un milieu religieux juif.

Tous les cinéastes du monde se sont inspirés de Un après-midi de chien (1975), ce film unique qui fait penser par certains côtés à À bout de souffle (1959).

Le cinéma des anciens inspire les cadets qui tentent d’amener leur petite pierre, ainsi va le cinéma, ainsi va la vie. Une publicité pour le cinéma disait dans les années soixante-dix: «quand on aime la vie, on va au cinéma.»

apenso@hotmail.fr

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