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Le cinéma s’accroche-t-il à la réalité plutôt qu’à la fiction?

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
22.06.2011
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  • (攝影: / 大紀元)

  CHRONIQUE D’UN OBSERVATEUR DU 7e

Jean-Luc Godart s’ouvre sur la réalité

Au tout début du cinéma, dans ses studios de Boulogne, Georges Méliès (1864-1948) concoctait des fictions très proches de la réalité qui, pour l’époque, constituaient une sorte de miracle. L’Affaire Dreyfus (1899) a été l’un de ces films qui ont passionné les foules de curieux. D’une durée de dix minutes, il a montré tout l’intérêt du réalisme politique appliqué à l’image en mouvement.

Jean-Luc Godart, dans ses premiers films, pose le problème du sujet, élément trop formel pour pouvoir être filmé naturellement sans contrainte avec des effets esthétiques propres au septième art. La théorie du cinéaste est que le cinéma possède sa propre respiration. C’est elle qui donne tout son sens au film, tout comme dans des œuvres comme Pierrot le fou (1965) avec Jean-Paul Belmondo, Raymond Devos et Anna Karina et À bout de souffle (1960) avec Jean Seberg. Ces deux films sont filmés par Raoul Coutard qui deviendra le chef opérateur le plus en vue de la Nouvelle Vague et produits par Georges Beauregard, déterminé à montrer une autre réalité au cinéma. Nous sommes en pleine Nouvelle Vague, loin des rêves hollywoodiens où tout paraît féerique, même l’histoire sociale si elle n’était pas traitée par le John Ford des Raisins de la colère (1940) plutôt que le Franck Capra de La Vie est belle (1946) avec James Stewart et Donna Reed.

Le Cinéma français, à l’inverse d’autres cinéma nationaux, a su maintenir son niveau de créativité sans perdre le contact avec la réalité sociale, grâce à son système de production unique au monde et à l’obtention de subventions par le biais du Centre National du cinéma qui retient 30% du prix du billet.

Des dangers de l’arme atomique à l’invention du cinémascope

Le paysage politique, la crise économique mondiale, les catastrophes naturelles, la course aux nouvelles énergies indispensables suite aux catastrophes nucléaires, les guerres successives entre minorités, les dictatures utilisant le crime de masse pour dissuader les révolutions... tous ces thèmes que nos vies traversent écrasent toutes les fictions, aussi imaginatives soient-elles.

Le Jour où la terre s’arrêta de Robert Wise (1951) avec Michaël Rennie et Patricia Neale, exprime à juste titre toutes les tensions entre l’URSS et les États-Unis. Ce premier film est largement explicite sur la guerre froide qui est une menace pour Hollywood même. Steven Spielberg met en scène un remake de ce film en 2008 avec Keanu Reeves et Jeniffer Connelly où cette fois l’hyper-technologie est mise en cause. La sagesse pour arrêter les hostilités fait pâle figure à côté de la détermination des ennemis d’un autre monde qui perçoivent les moindres faiblesses humaines.

Dans Planète interdite, Fred M. Wilcox (1956) s’inspire de l’œuvre de William Shakespeare La Tempête. Le cinéaste utilise la psychanalyse pour démontrer que le mal est une affaire humaine et non exclusivement politique. La part d’Ombre est décrite dans les personnages interprétés par Walter Pidgeon et Anne Francis, et dans un personnage clé du film, Robby le robot. Sur la planète Altaïr II se passent de curieux phénomènes. L’œuvre fait allusion aux travaux de Carl Gustav Jung, fondateur d’un des courants de la psychanalyse – la psychologie analytique - mais aussi aux mythes grecs avec la Gorgone, le nom du générateur d’énergie, ou Pégase, mythe narré par Pindare.

Explorer le temps

En rencontrant des artistes, Scott Fitzgerald, Toulouse-Lautrec, Ernest Heminguay et après avoir assimilé son ouvrage Pour en finir une fois pour toutes avec la culture, cette fois il était bien déterminé à dîner avec toutes ses frustrations culturelles. Woody Allen, comme H. G. Wells imaginait pouvoir modifier le cours de la vie en se faisant maître du temps. Il imaginait une société rejetant ses connaissances au point de laisser les livres se décomposer en poussière, puis sombrer dans l’oubli. George Pal avec La Machine à explorer le temps (1960) projetait des images et des trucages exceptionnels. Il faut savoir regarder le passé, s’en inspirer, puis savoir adapter la littérature pour construire un discours où la sensibilité existe pour faire sens.

Le monde est tellement défriché de ses fictions qu’il n’a plus le temps de les planter, comme dans Bienvenue Mister Chance de Hal Ashby (1979) avec Peter Sellers et Shirley MacLaine, et perd ainsi toutes ses possibilités de représentations de la réalité économique symbolisée ici par cette savoureuse fable.

  • (攝影: / 大紀元)

Le triomphe de la politique, la malchance de la célébrité

La Conquête de Xavier Durringer (2011) insiste sur les poncifs dégagés par un homme dont la fonction ne peut échapper à un bon observateur. On peut constater sans se tromper que les hommes politiques dans leur ensemble, à part quelques rares personnalités comme Mendès France, sont des comédiens hors pairs qui peuvent dire tout et leur contraire. Il n’est pas question pour autant de les qualifier de «tous pourris». Le film se situe dans une critique pertinente sans relever de la grande caricature. Le thème tout en étant simple est très astucieux. Il fait défiler toutes les figures politiques qui ont émaillé la vie de Nicolas Sarkozy à la veille de devenir président. Interprété par Denis Podalydès, Bernard Lecoq et Florence Pernel. L’histoire et l’humour permettent de goûter à une page sensible de politique.

Dans un autre ton plus sérieux mais non sans humour, Le Promeneur du champ de Mars de Robert Guédiguian (2004) conte les derniers jours de François Mitterrand qui se confie à un journaliste. Le ton est proche de la réalité mais nous sommes encore dans une fiction avec un très grand acteur, celui de La Femme infidèle (1968) et de Juste avant la nuit (1970), Michel Bouquet.

Divorcer afin de pouvoir vivre de réalité et non de miracle

Une Séparation d’Asgar Farhadi (2010) avec Leila Hatami et Peyman Moadi a été récompensé de l’Ours d’or de Berlin. Nous entrons immédiatement dans une réalité de tous les instants qui assaille aujourd’hui l’Iran, mais pas seulement. Tous les pays d’Europe se voient confrontés à une donnée abstraite qui ralentit considérablement les mœurs, créant conflits et pauvreté, créant des lobbies politiques à moindre frais. Dieu est partout, mais il sert les desseins des riches contre les pauvres. La morale appartient aux riches qui en abusent aux dépens des faibles et de ceux qui ne peuvent déjà plus se nourrir. La séparation analyse admirablement l’atmosphère de la justice qui règne dans les pays musulmans.

Dans Umut (L’Espoir) de Yilmaz Guney (1970) un homme est renversé par une voiture dont le conducteur est reconnu comme étant la victime de l’accident par les policiers, plus sensibles à la richesse qu’à la justice. Dès lors, dans l’esprit des hommes victimes d’injustice se forme la révolte, voire la violence. Guney a obtenu la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1982 pour Yol, film interdit en Turquie qui n’accepte pas la critique politique, plus soucieux de mémoire religieuse que de libre pensée dont les Turcs faisaient pourtant toute l’admiration de l’Europe pour sa tolérance et son éclectisme dès la fin du quinzième siècle avec Bajazet II.

  • Une Separation(攝影: / 大紀元)

Le chat savait tout sur le monde mais qui le savait?

Le Chat du rabbin d’Antoine Delesvaux et Joann Sfar (2009) prend le phénomène religieux avec un humour parfois grinçant mais aussi savoureux. Divertissements et réflexions font bon ménage, analysant le phénomène religieux qui n’est qu’une suite de malentendus entre personnes guidées par des dossiers trop compliqués.

Film argentin et espagnol, L’Œil invisible de Diego Lerman (2010) a lieu pendant la dictature militaire en Argentine. Une surveillante veille à bien faire son métier. Le monde extérieur influe sur la vie du lycée. L’année 1982 semble être le temps de tous les dangers et de toutes les représentations. Il devient de plus en plus difficile de prévoir, de faire des projets. Des hommes puissants sont impliqués dans quantité d’affaires.

Les institutions ne cessent d’être mises en cause devant les inégalités intérieures et extérieures. Alors que se joue l’affaire Strauss-Kahn, la comparaison entre les justices française et américaine ne cesse d’être faite. Douze hommes en colère de Sidney Lumet (1957) montrait que si les douze membres du jury n’étaient pas unanimement d’accord avec une résolution, le jugement ne pouvait être rendu. Très beau film avec Henry Fonda.

Ecrire ou la vie

Une lumière s’est éteinte, celle de la beauté, du savoir, de l’humanisme et de l’esprit. Ce personnage est simple à trouver car il a toujours été ouvert au monde, à toutes les propositions intellectuelles. Jorge Semprún (1923-2011) laisse des empreintes partout. Résistant, il a connu toutes les peurs et toutes les émotions. Il a été déporté à Buchenwald.

Dès 1966, il écrit le scénario de La Guerre est finie d’Alain Resnais et travaille au scénario de Costa Gavras avec Z (1969). Il écrira le scénario de Stavisky (1974) et celui de Les Routes du Sud de Joseph Losey (1978).

Entre l’écriture et la vie, il choisit l’écriture

Le cinéma de Jorge était proche de la réalité. Il avait vécu une grande partie de ce qu’il avait écrit. Ses pages étaient chargées d’humanisme. Il savait écrire sur la mémoire, disant que l’oubli est à l’origine de tout. Son beau livre Ecrire ou la vie répond à bien des questions, mais pas à celle-ci: que va-t-on faire sans lui?

apenso@hotmail.fr

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