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Au cinéma: de la prison à l'enfermement psychologique et politique

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
28.07.2011
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  • Amnistie d'Alimani Bujar (2011).(攝影: / 大紀元)

  La prison pour punir ou surveiller?

Le climat délétère qui entoure nos sociétés guidées souvent par la richesse et l'argent facile provoque toutes sortes de crimes réprimés par les lois. La gestion des prisons est un indice significatif pour mesurer le niveau de civilisation d'une société. Elle diffère d’un pays à l’autre. Dans les pays scandinaves, l'enfermement et la privation des libertés n’apparaissent pas essentiels pour régler le problème de la délinquance mais comme une possibilité de se réadapter à la société. L'aide de personnel spécialisé fait partie de la peine.

Aux Etats-Unis, la prison est une industrie et il n'est pas question de réduire le nombre de prisonniers qui représentent la matière première de cette industrie. En France, peu de choses ont changé depuis les années 70 et l'intervention de Michel Foucault et de la publication de son ouvrage Surveiller et punir (éditions Gallimard, 1975) ont lancé un débat sur la légitimité de l'enfermement et sur la réintégration des hommes et femmes qui ont dérapé, devenant ainsi des êtres asociaux et indésirables au sein de la société.

Pour qui, pourquoi les prisons?

Le cinéma s'est emparé de cette mine dramaturgique que renferment les sujets liés à la prison. Les détenus politiques de droit commun, les grands criminels, toutes les catégories de prisonniers et de prisons ont déferlé sur le septième art, ajoutant au passage des films d'action, d'aventure ou la prison rime avec évasion. Citons Quand les aigles attaquent de Brian G. Hutton (1968) avec Clint Eastwood: un général est retenu prisonnier des nazis qui veulent connaître les plans du débarquement. Un petit groupe d'Anglais commandé par un Américain tente de le libérer dans des conditions très périlleuses.

Le comité d'action des prisonniers a tenté d'établir un dialogue avec les institutions sans grand succès. En 1977, Elia Lenasz réalise un documentaire Pour qui les prisons? (1977) sélectionné au festival de la Colombe d'Or 1979 à Saint-Maur. Ces tentatives constructives mais infructueuses montrent le retard des mentalités sur la Suède, la Norvège et le Danemark. La réponse vient d'un ministre de la Justice contesté par l'ensemble des magistrats: Rachida Dati, par ses propos négatifs, trahit un manque de constructivité: «La prison n'est pas un hôtel». Parmi ses projets innovateurs, elle proposera la possibilité d'appliquer des peine de prison ou des sanctions pénales à des enfants de moins de 13 ans.

De la violence à la méditation

Jacques Audiard révèle avec subtilité dans Le Prophète (2009) l'état d'esprit d'une institution corrompue de l'intérieur et dont l'équilibre tient grâce au partage des lieux entre clans, sans que ces arrangements ne soient déclarés officiellement à l'administration. Dans une œuvre de deux heures et demie, Jacques Audiard avec des acteurs comme Niels Arestrup, le chef de la bande des Corses et l'acteur principal Tahar Rahim, le spectateur, sorte de voyeur, est accompagné par une partition astucieuse d'Alexandre Desplat qui soutient l'attention du spectateur désormais devenu un critique.

Steve McQueen est une figure majeure de l'art contemporain britannique. Ses œuvres vidéos sont achetées par le Guggenheim Tate Gallery et le Centre Pompidou. Il obtient en 1999 le prix Turner pour Deadpan en noir et blanc, muet et transféré sur vidéo, dans lequel il détournait et revisitait une scène de Steamboat Bill, Jr. (1928, 71 minutes) de Buster Keaton et Charles Reisner.

Esthétique, prison, et politique

Le premier long métrage de Steve McQueen, Hunger conte le calvaire de Bobby Sands (Michael Fassbender) et de ses camarades de l'Irish Republic Army, l'IRA, dans le quartier H de la prison nord-irlandaise dite The Maze (le «labyrinthe»)en 1981. Les images diffusées à la télévision sont restées gravées dans l'esprit de l'artiste qui a voulu retrouver les témoins pour restituer cette violence inadmissible faite par d'autres hommes qui prétendent détenir la clé de la morale et de l'humanisme.

La prison dispensée injustement et sans jugement est exposée dans la fiction de Claude Autant-Lara, Le Comte de Monte-Cristo (1961) avec Louis Jourdan dans le rôle d'Edmond Dantès. Robert Vernay réalisera une version de trois heures en deux parties La Trahison puis La Vengeance avec Jean Marais. Pendant l'occupation Robert Vernay tourne en 1943 une version plus proche du roman avec Pierre Richard Willm et Michèle Alfa.

Ces trois versions sont les plus connues. Elles permettent de mesurer la force de répression qui peut exister. Les artistes ne vivent pas en autarcie, ce sont des hommes qui ressentent ce qu'ils créent, ils analysent leur entourage et perçoivent la sensibilité afin d'en faire leur miel. Il existe une symbolique de l'enfermement dans cette fiction universelle. En 1968, année de la révolte étudiante, André Hunnebelle tourne Sous le signe de Monte-Cristo, comme si cette histoire pouvait relancer avec ce divertissement une réflexion sur la liberté.

Peu après la crise de 1929 qui met sur la paille des millions d'Américains, Rowland V. Lee fait le choix de tourner Le Fils de Monte-Cristo (1934). La prison survient dans une pauvreté où des millions de citoyens américains, ruinés, se retrouvent à la rue. Les faibles seront exploités par les nouveaux riches, peu soucieux de voir des enfants affamés et des parents appauvris.

John Ford réalise Les raisins de la colère en 1940 avec Henry Fonda. Il fait un film d'une beauté plastique et dramatique où le sentiment apparaît vrai comme celui de l'homme face à son destin, dépouillé de tout espoir. Cette histoire humaine rapportée par le romancier John Steinbeck met en lumière de pauvres gens honnêtes enfermés dans des histoires infernales et injustes, risquant de voir l'un des leurs aller en prison.

Dans Luke la main froide, roman de Donn Pearce, un homme emprisonné, se souvient des mauvais traitements qu'on lui avait infligés pour avoir cassé des broutilles. En accord avec Stuart Rosenberg, il adapte son roman et en fait un film.

Luke la main froide (1967) est tourné avec Paul Newman et George Kennedy. Lalo Schifrin écrira la musique originale du film qui restera célèbre. L'histoire est bouleversante: pour avoir détruit des parcmètres, Luc est condamné à deux ans de prison, mais il ne peut pas supporter l'autorité des matons. L'autoritarisme face à la rébellion est le symbole du film.

Le Trou réalisé par Jacques Becker (1960) d’après un scénario de Jean Aurel et José Giovanni, et le roman de José Giovanni est un film brillant qui met en lumière le climat et l'amitié entre les hommes retenus par l'enfermement: une vision exceptionnelle de la souffrance d'hommes privés de liberté.

Le Prisonnier d'Alcatraz de John Frankenheimer (1962) avec Burt Lancaster met en scène un prisonnier, Robert Stroud qui cherche sa rédemption en devenant ornithologue. Il sait parler aux oiseaux mais a des difficultés à parler aux hommes. Dans L'Evadé d'Alcatraz de Don Siegel (1979) avec Clint Eastwood, Robert Stroud décide de s'échapper de cette prison qui broie tous les détenus.

La prison politique est affaire courante. Bien des pays l'ont utilisée à commencer par les Américains sous la présidence de Bush.

Vol au-dessus d'un nid de coucou est un film de Milos Forman (1975) adapté d'un roman anglais de Ken Kessey paru en 1962. Le terme de cuckoo désigne en anglais l'oiseau «coucou» mais aussi une personne mentalement dérangée à l'image des patients de l'hôpital psychiatrique du film.

Cette œuvre permettait d'exposer comment un personnage à peu près en bonne forme psychologique pouvait parfaitement ressortir d'un hôpital psychiatrique dérangé où ne pas sortir du tout. Kirk Douglas avait joué le rôle de Murphy dans une production de Broadway (1963). Il avait acheté par la suite les droits du film qui ont été transmis plus tard à Michael Douglas.

Milos Forman avait pensé proposer le rôle à Jack Nicholson qui était alors sous contrat. Le personnage a donc été proposé à Marlon Brando, Gene Hackman et James Caan. Finalement Nicholson obtiendra le rôle. Milos Forman ne voyait personne d'autre que lui pour interpréter le rôle de Randle Patrick MacMurphy. Le rôle de l'infirmière Ratched a été offert à Faye Dunaway, Collee Dewhurst, Geraldine Page, Jeanne Moreau, Anne Bancroft, Ellen Burstyn, Jane Fonda et Angela Lansbury. Finalement Louise Fletcher a été choisie une semaine avant le début du tournage.

Toujours dans la psychiatrie, Qu'est-il arrivé à Baby Jane réalisé par Robert Aldrich (1962) raconte l’histoire d’une actrice, injustement soupçonnée de tentative de meurtre sur sa sœur désormais handicapée. Elle tente par tous les moyens, jalouse de ses réussites passées, de la supprimer en l'enfermant dans leur appartement.

Le Médaillon de John Brahm (1948) avec Robert Michtum et Laraine Day, est un film noir produit par la RKO qui fait partie des films majeurs des années 1945-1949 qui fondent le genre.

Dans La Maison du docteur Edwardes d'Alfred Hitchcock (1945), un homme, interprété par Gregory Peck, prisonnier de son intériorité emprunte l'identité d'un médecin. Le film de Jack Tourneur Pendez-moi haut et court traite l'intériorité mouvante des femmes dans laquelle les hommes équilibrés se perdent et se trouvent enchaînés dans leurs amours au risque de perdre de leur vie.

Dans le film de Georges Franju, La Tête contre les murs (1959) avec Jean-Pierre Mocky, Pierre Brasseur et Paul Meurisse, un bourgeois fait enfermer son fils qui profite trop de sa vie. Il veut l'empêcher de s'épanouir en le rendant prisonnier d'une institution dont il est le seul à avoir la clé. Ce film rend bien compte du climat de fermeture intellectuelle qui règne dans la société de la fin des années cinquante.

Dans La Grande illusion, Jean Renoir évoque l'absurdité des situations que la prison fait naître et ses rapports à la culture. Pierre Fresnay et Eric von Stroheim, chefs des armées ennemies, se parlent en anglais montrant ainsi leur point commun: ils appartiennent à la même classe sociale. Jean Gabin lui, est un homme du peuple et il s'entend avec tout le monde. Dans cette prison militaire, il ne se reconnaît plus depuis qu'il a fréquenté des hommes d'autres classes que la sienne.

L'Albanie, un pays libéré de l'enfermement

Dans une vision plus résistante d'une France que seul le combat pour la liberté préoccupe, L'Armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969) est un chef d'œuvre indépassable avec Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse, Paul Crauchet, Claude Mann et Jean-Pierre Cassel. Tout est dangereux dans la froideur de la résistance et l'enfermement ne pardonne pas.

Amnistie (Amnistia) est un film albanais d'Alimani Bujar co-produit par la Grèce et la France. Une nouvelle loi promulguée par le gouvernement albanais, afin de se conformer aux normes européennes, permet désormais aux prisonniers mariés de rencontrer leur conjoint une fois par mois dans la plus stricte intimité. Elsa se rend ainsi auprès de son époux, incarcéré pour loyers impayés. De même Shepetim rejoint son épouse détenue pour usage de faux. Une réciproque attirance rapproche ces deux êtres esseulés. Le film analyse le retard des mentalités dans un contexte tragique où la transition se fait difficile entre l’Albanie et l'Europe. Le film défend évidemment la cause de la liberté de pensée qui ne va pas sans la liberté d'aimer. Amnistie est un film sobre distillant une émotion qui nous dit que si un pays est malheureux, tous les autres doivent tout faire pour le remettre sur les rails du bonheur. N'est-ce pas ce que devrait être cette merveilleuse union qu'est l'Europe? Un partage du bonheur entre les peuples et les hommes?

apenso@hotmail.fr

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