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Le Sud tunisien, mirage des sables

Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux
04.11.2012
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  • Les ruelles effondrées de la vieille ville de Tamerza. (Mahaux Photography)

La Tunisie, baignée par les eaux tièdes de la Méditerranée, attire toujours les vacanciers sur ses plages dorées, cernées de bouquets de palmiers. Pourtant, du Nord au Sud, les paysages et les hommes ont dessiné une terre de contrastes qui alternent oasis luxuriantes et déserts salés encadrés de djebels, montagnes ocres ou rouges, où des Berbères vivent encore dans un habitat troglodyte. L’aventure surgit alors, inattendue et superbe, au cœur d’une steppe aride, creusée par les mines d’extraction du phosphate.

Le Sud tunisien, mirage des sables

Dans le brouhaha des cris des voyageurs impatients de partir et des coups de sifflet stridents du chef de gare, le train s’ébranle lentement sur les voies qui mènent aux gisements miniers, à la sortie de la ville de Metlaoui. Quelques gamins intrépides tâchent de poursuivre les quelques wagons rouges striés de bandes dorées, en courant le long de la ligne, trop heureux de s’attirer les bravos des passagers qui applaudissent leur agilité.

Le tortillard du désert

L’histoire de ce train mythique appelé Lézard Rouge remonte au début du XXe siècle, à l’époque où la Tunisie était dirigée par les princes de la dynastie husseïnite, plus connus sous le nom de Bey ou de Pacha Bey. Pendant les mois d’hiver, les Beys séjournaient dans leur palais d’Hamman-Lif et les déplacements depuis Tunis se faisaient en train. Véhicule royal, le Lézard Rouge assurait au prince et à sa suite un confort empreint de luxe et de raffinement: boiseries de bois de rose et d’acajou, velours grenat, marqueterie, revêtement de sol en zeliss, cuivres rutilants… Remisé sur une voie de garage après la proclamation de la République et l’avènement de l’automobile, l’ancien train beylical a repris du service pour le plus grand plaisir des touristes. Six wagons ont été restaurés en leur conservant leur lustre d’antan. Chaque jour, ils emmènent les touristes à la découverte des gorges de Selja, canyons inaccessibles autrement.

À chaque courbe de la ligne, la locomotive actionne sa trompe qui déchire la torpeur du paysage fondu de blanc par les poussières de gypse, étincelantes dans la lumière du soleil de midi. Les fenêtres et les portes ouvertes sur la steppe assurent une aération bienvenue pour les passagers, enfoncés dans de larges fauteuils de velours, qui se laissent aller à rêver aux fastes de la cour tunisienne. Le Lézard Rouge rejoint enfin le lit d’un oued aux crues lourdes de limon. Avec lui, il s’engouffre entre des falaises roses et abruptes qui dessinent les gorges de Selja. Tracé sinueux qui laisse des souvenirs impérissables, particulièrement lorsque le train franchit un pont tendu au-dessus des gorges autrefois traversées par les caravanes de sel. Au-delà des falaises, là où s’arrête le parcours du train, l’horizon se laisse embrasser à perte de vue : le chott El Djerid scintille au loin et les oasis de Tamerza et de Chébika se devinent, taches vertes suspendues aux flancs des montagnes qui séparent la Tunisie de l’Algérie.

Plongée dans le royaume du silence

Comme un fil rompu, la ligne de chemin de fer s’interrompt aux portes du désert. Ni gare, ni quai, ni centre d’accueil. Seule, la plaine brûlante du Sahara, et quelques véhicules 4x4 qui attendent leurs passagers, nomades d’un jour, coiffés d’une chèche blanche ou jaune. La piste file droit vers les oasis, morceaux de paradis dans un écrin aride.

Chebika, village de pierre et de terre mêlées, niché au creux d’une vallée ravinée par la coulée limpide d’une cascade. Tamerza, autre village perché au sommet d’une crête, enraciné dans les vestiges d’une forteresse romaine qui rappelle qu’il fut un temps où il fallait se défendre contre les razzias. Labyrinthes aux murs de terre effrités, partiellement abandonnés depuis les crues violentes qui ont dévasté les villages de pisé. Aujourd’hui, ces cités ruiniformes, cernées par l’impassible majesté du désert et rongées par le vent, ressemblent à des châteaux de sable à la marée montante. S’y perdre le soir, au cœur des ruelles effondrées et des places envahies par le sable, pour assister à la fuite du soleil sur l’horizon, c’est éprouver l’implacable solitude du désert. Chacun se sent alors grain de sable parmi les grains de sable et cette sensation d’exister devient si forte qu’elle s’imprime au plus profond de soi. Absorbé par l’espace immense, le temps semble suspendu à une autre dimension, il ne compte plus, seul importe le silence, d’une qualité exceptionnelle.

Quand les traditions s’enracinent dans les dunes

Douz est une autre oasis cernée d’un côté par le chott et de l’autre, par un océan de dunes que le vent, maître des lieux, déplace à sa guise. Pour éviter que le sable n’afflue jusqu’au cœur de l’oasis, les hommes ont dressé à l’entrée de la palmeraie des digues de feuilles de palmiers, fragiles murailles de verdure, recouvertes d’un manteau de sable à la première tempête.

Une clameur s’élève dans la foule pour saluer les bonds gracieux d’une gazelle blonde qui vient d’être lâchée dans les dunes, poursuivie par un chien sloughi. Les bêtes affolées zigzaguent, bifurquent, échappent soudain à la vue des spectateurs, elles viennent de s’écrouler essoufflées au pied de la tente ouverte d’un chef nomade. Pendant quatre jours, le festival de Douz attire toutes les tribus nomades ou semi-nomades du Sud tunisien pour s’y mesurer dans des joutes d’agilité, que ce soit à cheval ou sur des méharis. Courses et combats de dromadaires, chasses au fennec, fantasias endiablées, tout concourt à donner à cette fête traditionnelle une aura d’authenticité qui séduit tout un chacun. La fête se poursuit tard dans la nuit, autour des feux disséminés dans les dunes, à l’entrée des tentes qui veillent sur les troupeaux de dromadaires.

«J’ai mis sur ton dos des butins, j’ai dispersé sur tes flancs des trésors, je te donne sans en avoir les ailes le vol de l’oiseau.» C’est ainsi que les nomades racontent comment Allah donna vie au dromadaire, véritable miracle du désert. Originaire de l’Arabie Méridionale, il aurait été domestiqué entre 3000 et 2500 avant Jésus-Christ et introduit quelques siècles plus tard sur le continent africain. Depuis, alors qu’Allah ne possède que 99 noms, 5.744 mots désignent cet animal providentiel. Sa laine permet de se couvrir, sa chair et son lait servent de nourriture et ses excréments, de combustible et même de cataplasme. Pour louer les beautés d’une femme, les poètes évoquent volontiers la grâce des chamelles et le charme de leurs yeux… Indissociable compagnon du nomade, le dromadaire lui permet de se déplacer dans ce paysage de hautes dunes blondes à l’arête acérée, au profil sans cesse remodelé par le vent.

Tozeur, le mirage du Sud

Pour quitter Douz et rejoindre Tozeur, il faut traverser le chott El Djerid, une large dépression croûtée de sel. En été, l’horizon vibre sous l’ardeur du soleil et le ciel brumeux semble se noyer dans un paysage de sel et de sable aussi étincelant que du métal. Le seul repère est le noir ruban d’asphalte de la route qui s’enfonce au cœur de cet océan minéral. Le soleil, diffus dans le ciel, pompe le peu d’humidité qu’offre cet immense lac desséché dont la croûte de sel et de boue argentée accentue les réverbérations.

  • Le souk de Tozeur. (Mahaux Photography)

Le désert joue alors les illusionnistes, la lumière scintillante dissout les formes et les mirages surgissent quand on s’y attend le moins. Un palmier, qui semble se réfléchir dans une nappe d’eau, laisse espérer la proximité d’une palmeraie. Des rochers de grès, disséminés sur une argile craquelée par la sécheresse, se transforment en un archipel baignant dans une mer agitée par la marée. Visions mensongères. Car sur cette surface chauffée à blanc, l’air semble pris de frémissements et l’image d’un objet réel s’inverse ou se dédouble, parfois les deux en même temps.

Avec son million six cent mille palmiers dont plus d’un quart produisent les succulentes dattes deglet en-Nour, ou «doigts de lumière», Tozeur surgit comme une promesse inespérée, voire irréelle. Un océan de verdure où jaillissent deux cents sources cristallines chaudes ou froides qui irriguent l’oasis et appellent à la promenade à l’ombre des arbres fruitiers. Les familles aiment à s’y retrouver en fin d’après-midi, pour bavarder autour des points d’eau en pataugeant dans les canaux d’irrigation.

Adossée à la palmeraie, la ville rythme son activité au gré de la course du soleil. Tôt dans la matinée, le marché s’ouvre autour de la place Ech-Chabbat, les échoppes déroulent leurs tapis ou proposent des épices odorantes, les hommes accroupis discutent des heures durant autour d’un verre de thé ou disputent d’interminables parties d’échec. Les femmes rasent les murs de brique de terre crue et font crisser les dalles des ruelles ensablées. Toute l’architecture de la ville construite en briques jaunes, à peine cuite, décline des motifs géométriques berbères que l’on retrouve aussi sur les tapis. Il faut se perdre dans les ruelles de la vielle ville où sont imbriquées des petites maisons dont les façades abritent des patios intérieurs bordés de portiques où s’organise la vie de la famille, à l’abri du regard du passant. Aux heures chaudes de midi, la ville s’assoupit à l’ombre de ses murs, noyée dans les senteurs orientales des jardins de jasmins et d’orangers, de roses et de lavandes.

Charles Mahaux, photographe. Christiane Goor, journaliste. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.

Infos pratiques:

Le festival International du Sahara à Douz a lieu normalement fin décembre. Toute information  peut se découvrir sur le site www.bonjour-tunisie.com

Le peuple tunisien est reconnu pour être accueillant avec un grand sens de l’hospitalité et il est fier de ses 3.000 ans d’histoire. Il est en grande partie francophone, ce qui rend les contacts d’autant plus aisés entre les touristes francophones et les Tunisiens.

La gastronomie tunisienne a la saveur de la Méditerranée avec des fruits et les légumes gorgés de soleil. À découvrir aussi le vin de Tunisie qui compte 7 AOC dont le Château Mornag velouté et généreux et le délicieux rosé de Bizerte!

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