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Du film d’espionnage au film politique

Écrit par Alain Penso, apenso@hotmail.fr
19.02.2012
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  • La taupe (2011) de Thomas Alfredson: comment retourner la situation lorsqu’un de mes agents est double?(攝影: / 大紀元)

Le thème de l’espionnage parcourt l’histoire du cinéma comme s’il s’agissait d’une ponctuation au milieu des films psychologiques, des comédies, des films policiers ou bien encore des films noirs. Le film d’espionnage se place entre le film policier et le film politique. Le policier permet souvent d’analyser les membres d’une société en faisant courir une histoire qui maintient l’intérêt du spectateur. Toutes les notions sociologiques sont destinées à enrichir les scénarios.

Les explications psychologiques

Dans La femme infidèle (1968) de Claude Chabrol, avec Stéphane Audran et Michel Bouquet, Charles Desvallées a toutes les raisons de croire à  l’infidélité de sa femme Hélène, vivant pourtant dans un confort et une sérénité. Hélène a besoin de plus, elle rencontre un écrivain Victor Pégala et devient sa maîtresse. Dans Que la Bête meure (1969) Claude Chabrol aborde l’histoire d’une tragédie: un jeune garçon revenant d’une partie de pêche est écrasé sur la place d’un village breton par un chauffard qui prend la fuite. Le père de l’enfant René Thenier est écrivain, il mène l’enquête pour retrouver le coupable de la mort de son fils. Méticuleusement, il mène une enquête exemplaire. Il veut assouvir sa vengeance dans l’honneur, comme les héros grecs. Il se rapproche de sa future victime, la fréquente, l’observe, essayant de trouver des réponses à son questionnement: comment un homme peut-il ôter la vie d’un enfant sans aucun remords? Dans Baisers volés (1968), de François Truffaut, Antoine Doinel se fait engager par une agence de détective, l’agence Blady. Il espère ainsi transposer ses rêves dans des aventures qu’il avait lues enfant, contraint et forcé, dans des livres: des scènes évoquées dans L’homme qui aimait les femmes (1977) de François Truffaut, cet observateur de l’enfance face aux femmes.

Tous les films d’Alfred Hitchcock hésitent entre le film policier et le film sociologique avec quelquefois un soupçon de politique discrètement bien dissout dans l’intrigue, donnant ainsi un goût étrange à l’ensemble.

Les films policiers ou noirs

Dans Les 39 marches (1935) d’Alfred Hitchcock, le mélange des genres est flagrant et pourtant le dénouement fait apparaître, qu’une fois élucidée, cette affaire policière s’avère être une affaire d’espionnage. Il y a une filiation entre les deux genres que sont le policier et l’espionnage, largement explicitée dans des films comme La mort aux Trousses (1959), une production américaine de 4 millions de dollars, un film à gros budget pour l’époque, avec dans les principaux rôles James Mason (l’espion à la solde de l’Allemagne), Cary Grant (le publicitaire victime d’un malentendu), Eva Marie Saint (l’espionne américaine, maîtresse, pour la bonne cause, de James Mason). Pour le scénario, de grands écrivains ont été mis à contribution comme John Michael Hayes qui a écrit le scénario d’après une histoire de Charles Bennett et D.B. Wyndham-Lewis. L’espion est une nécessité, car le contre-espionnage est vital. Pour ne pas laisser sombrer son pays dans le chaos, Eve Kendall s’engage à épouser une cause qui lui est chère, faute de trouver un mari. Roger O. Thornhill, divorcé d’une femme qui lui reprochait d’être casanier, tombe dans une aventure inimaginable à cause d’un stupide malentendu. Il doit éclaircir sa situation sinon sa vie sera gravement mise en danger. Bernard Hermann dirige une musique efficace qui ajoute une dimension dramaturgique à l’ensemble du film. Le scénario exceptionnel, où tous les détails sont décrits avec précision et ne laissent rien au hasard, permet d’aboutir à un film efficace et passionnant. Il est étonnant que ce film soit classé dans la catégorie des films policiers et également dans le rayon de la comédie: peut-être s’agit-il d’une confusion? Alfred Hitchcock développe en permanence l’humour, dans des films graves, pour diminuer le trop grand sérieux que subissent à tort les films d’espionnage.

Les films d’espionnage à tendance policière

L’Homme qui en savait trop (1956) est une production britannique d’Alfred Hitchcock, interprétée par Peter Lorre, Leslie Banks et Edna Best. Alfred Hitchcock avait tourné une première version en 1934. Entre les deux versions de cette même histoire réalisée à vingt-deux ans d’écart par le même cinéaste, il est passionnant de constater le glissement de sens et l’évolution du langage de ces deux représentations d’une même intrigue. Le temps semble être le point essentiel du film, le glissement de genre aussi. Dans la version de 1934, le policier prend le pas sur l’affaire d’espionnage alors que dans la seconde version de 1956, le film est ouvertement une affaire d’espionnage qui débarque dans une famille ordinaire américaine. Ben McKenna (James Stewart) est médecin et sa femme Jo (Doris Day) est une chanteuse de jazz qui a laissé sa carrière de côté pour élever leur enfant Hank (Alain dans la version française). Un attentat doit avoir lieu à Londres, dans l’Albert Hall pendant le concert du London Symphony Orchestra dirigé par Bernard Hermann qui interprètera Storm Cloud Cantata, composé par Arthur Benjamin et D.B. Wyndham-Lewis. Le suspens est merveilleusement amené à l’aide de l’iconographie de la partition magnifiquement filmée.

L’espionnage de gouvernement

Le Rideau déchiré (1966) avec Paul Newman, Julie Andrews, Lila Kedrova, est non seulement un film d’espionnage mais aussi un film politique qui, à sa vision aujourd’hui, peut permettre de comprendre quelques éléments de la vie à l’Est, mais aussi des idées reçues à l’Ouest concernant les mentalités des habitants de ce pays: l’Allemagne de l’Est perdue dans un océan de propagande. Le manichéisme fonctionne à ravir dans cette œuvre savoureuse où les interprètes jouent, tantôt les gentils, tantôt les méchants.

En 1966, nous sommes en pleine guerre froide et les idéologies disposent de tous leurs pouvoirs. Il y a un chevalier blanc et un chevalier noir, mais à cet instant il n’est plus possible de les départager honnêtement sans tomber dans un conflit mondial, où les deux superpuissances n’hésiteraient pas à se mesurer. Les risques de dérapage sont grands dans Docteur Folamour ou: comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe (1964) de Stanley Kubrick avec Peter Sellers. Les films, leurs réalisations, leurs sorties permettent de mesurer, voire de comprendre, le cheminement de l’actualité et de faire ressurgir des dossiers souvent douloureux, oubliés volontairement ou par négligence. Pour comprendre la société, il faut savoir s’intéresser à des sujets auxquels on peut paraître éloigné mais qui, à leur connaissance, ouvrent des champs d’actions et d’intérêts insoupçonnés.

La violence des gouvernements n’a rien de commun avec la violence des gouvernés qui la plupart du temps n’aspirent qu’au bonheur et au partage. Les hommes politiques, même dans les démocraties, n’aspirent qu’au pouvoir et à la jouissance de moyens supplémentaires pour leur propre vie. C’est si avantageux de gouverner que cela explique la présence de tant de dictateurs et de si nombreux morts afin d’obtenir toujours davantage de moyens volés aux peuples. Le cinéma anglais est subtil, cela semble un cliché de l’affirmer.

L’espionnage et le contre-espionnage

La Taupe (2011) est un film d’espionnage mis en scène par le Suédois Tomas Alfredson, auteur du film de vampires Morse (2008) un Roméo et Juliette fantastique. Le film est éblouissant, il traite des dessous sordides de l’espionnage en pleine guerre froide. Les services secrets des grandes puissances se tiennent sur leur garde. Le M16 britannique subit de graves échecs, son chef est écarté ainsi que son bras droit Smiley, mais le chef est secrètement réengagé par le gouvernement pour débusquer un agent double qui révèle des renseignements fondamentaux pour la défense. Réalisé d’après l’œuvre du maître du roman d’espionnage, John Le carré, le film a la beauté de la complexité du livre. Comme un film d’Ingmar Bergman pour la psychologie de l’être humain dans son histoire intime, le réalisateur transporte le cheminement de l’action dans des méandres impossibles à comprendre si l’attention n’est pas profonde et permanente.

Il faudrait employer de nombreuses pages pour faire le tour des genres liés à l’espionnage. Le plus célèbre d’entre eux reste James Bond, dont le premier film d’une longue série sort en 1962, James Bond 007 contre Docteur No, et Bons baisers de Russie (1963): ces deux films seront réalisés par Terence Young. Il est à noter que Docteur No traite de l’écologie autoritaire instituée par un milliardaire tourné vers la protection de la nature mais pas des hommes. Goldfinder de Guy Hamilton (1964) est à la frontière du fantastique. Ces films d’espionnage sont attendus avec impatience par un large public qui manifeste son désir de voir encore d’autres James Bond comme Opération Tonnerre (1965) et enfin avec On ne vit que deux fois (1967) réalisé par Lewis Gilbert, le dernier rôle de James Bond pour Sean Connery qui reviendra avec Jamais plus jamais d’Irvin Kershner (1983). Le dernier de la liste est Quantum of Solace (2008) de Marc Forster avec Daniel Craig.

Le film d’espionnage est une plate forme unique pour faire passer toutes sortes de messages politiques, parfois même subliminaux, car il est le seul genre qui fait adhérer toutes sortes de publics pour des raisons obscures qu’il faudrait minutieusement étudier pour obtenir des réponses crédibles à cette question: pourquoi le film d’espionnage séduit-il et passionne-t’il encore?

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.