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La Bourgogne, au fil de l’eau

Écrit par Christiane Goor
22.02.2012
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  • Le canal latéral de la Loire est bordé par un ancien chemin de halage transformé en vélo-route.(攝影: / 大紀元)

Voguer sur l’eau, c’est un peu réaliser un rêve d’enfant

Louer un house-boat, ces embarcations qui se pilotent sans permis, c’est s’offrir la promesse d’une escapade paisible avec pourtant un petit goût d’aventure. Oubliez les autoroutes encombrées, les rumeurs de la ville, les effervescences du quotidien. Pour s’évader, il suffit de larguer les amarres et de se laisser filer doucement sur l’eau…

Le crépuscule d’été jette un voile doré sur les villages dont les clochers appellent à lever le regard vers le ciel. Le canal flâne le long des berges herbeuses, sous le regard impavide de grosses vaches charolaises chatoyantes dans leurs robes blanches. Surpris, un héron cendré prend son envol dans un cri rauque et se pose un peu plus loin avant de répéter son manège, comme s’il voulait nous montrer le chemin à suivre. Se laisser dériver au fil de l’eau, c’est fêter les épousailles de l’aventure et de la contemplation, de l’action et de la poésie. Les rêveries se perdent dans un sentier liquide de roseaux et d’iris sauvages, de silence et de quiétude. Fabuleux trésor offert à l’homme pressé pour qui la nature et les heures qui s’égrainent sont autant de sources de réconciliation avec la vie.

Petit topo de la situation

Avec ses 1200 km de canaux et de rivières administrés aujourd’hui par les Voies Navigables de France (VNF), la Bourgogne tisse – entre collines douces, vallées riantes et plaines agricoles - une somptueuse toile, formée par des chemins liquides qui se relient entre eux pour unir les bassins de la Seine, de la Loire et du Rhône.

On a toujours navigué en France, la navigation fluviale est une vieille histoire dans ce pays. Les plus anciens canaux datent du XVIIe siècle, comme le canal du Midi, certains du XVIIIe siècle, comme le canal du Centre, mais la plupart furent construits au XIXe siècle lorsque la révolution industrielle fit exploser le marché des matières premières. La France entreprit alors un ambitieux programme d’interconnexion de tous ses fleuves. Le plan Freycinet, du nom du ministre des Travaux publics qui le mena à bien, a créé un vaste maillage entre les mers et océan dont la France est riveraine. Toutefois, l’essor du chemin de fer et de la route ont peu à peu installé un quasi-monopole sur le transport terrestre des marchandises et les Français ont alors tourné le dos à leurs canaux.

Il fallut attendre les années 1960 quand des opérateurs britanniques, séduits par le charme des canaux français, mirent sur pied une nouvelle forme de tourisme en proposant la location de house-boat, des bateaux habitables. Le succès rencontré par la formule sur le canal du Midi s’est rapidement étendu à d’autres voies navigables. En Bourgogne, le canal du Nivernais fut pionnier dans ce domaine, bientôt suivi par d’autres. Cependant, au vu de la saturation du trafic routier, on envisage aujourd’hui de reconstruire au gabarit Freycinet des péniches en matière composite afin de réhabiliter la navigation commerciale sur certains canaux déclassés.

Ce qui laissera toutefois libres la plupart des voies d’eau de petit gabarit, pour le plus grand plaisir des marins d’eau douce.

Entrez dans la civilisation canal

Mis en service en 1843, le canal de Nivernais sert d’abord à acheminer vers Paris du bois de chauffage coupé dans les forêts du Morvan et du Bazois. Halés par des hommes puis par des chevaux ou des mulets et plus tard par des tracteurs, les bateaux qui l’empruntent ne se contentent pas de transporter du bois. D’une génération à l’autre, une civilisation prend racine sur les rives : des travailleurs flottants qui vivent de la batellerie, des relais charretiers qui louent leurs services pour tirer les péniches, des éclusiers qui entretiennent le canal et troquent leurs légumes et poulets contre du grain et du charbon transportés par les mariniers. Des villages se créent, autant d’étapes techniques importantes pour les bateliers. Si le rail a eu raison des péniches, il n’a pas pu éteindre cette culture qui se renouvelle grâce au tourisme fluvial.

  • La Loire enferme la vieille ville de Decize (攝影: / 大紀元)

Les éclusiers sont aujourd’hui employés par les VNF et nombreux sont ceux qui ne souhaitent pas habiter sur leur lieu de travail, préférant la vie bourdonnante des villages. Toutefois, certains ont choisi de s’y installer, faisant de leurs petites maisons des refuges personnalisés accueillants et fleuris : dégustation de produits locaux, berges transformées en merveilleux jardinets, collection d’objets anciens, autant d’activités qui font des éclusiers de véritables ambassadeurs de leur région. La plupart des écluses sont encore manuelles, les gestes d’hier sont toujours d’actualité et si le troc a disparu, l’ouverture et la fermeture des portes au passage de l’embarcation reste l’occasion d’un échange entre les touristes et l’éclusier, d’autant plus que celui-ci suit le bateau sur les trois ou quatre écluses qui lui sont attribuées. Si certains restent des préposés discrets, d’autres plus bavards deviennent de véritables guides touristiques ou historiens du canal.

Bien sûr, on ne risque pas de se perdre sur un chenal qui ressemble à une longue route fluide que l’on ne quitte pas si ce n’est pour rejoindre éventuellement un autre canal. Ce qui n’exclut pas l’aventure, d’autant plus qu’il n’existe aucun Routard ni autre ouvrage équivalent pour guider les mariniers occasionnels d’une étape à l’autre. Autour du bateau, tout n’est que marqueterie de verts, entre champs cultivés et pâtures où paissent quelques vaches placides, hauts arbres alignés qui assurent une ombre bienfaisante et collines boisées où surgissent fermes ou châteaux isolés. Chaque méandre offre une surprise pour les naturalistes en herbe : une poule d’eau qui fuit sous les roseaux, un couple de canards qui s’ébattent, un héron cendré à l’affût, perché sur ses hautes pattes, un martin-pêcheur à moins que ce ne soit un milan noir qui cisaille le ciel… De loin en loin, une petite route qui serpente, un village assoupi qui attire le regard. L’occasion d’amarrer le bateau à même la berge et de mettre pied à terre pour plonger dans le terroir, à la découverte de murs de pierre usés par les ans, de produits locaux savoureux et de gens accueillants, mais toujours surpris par la passion de ces étrangers pour leur canal.

Au rythme de l’escargot

Tout commence par une initiation aux rudiments de la navigation fluviale et par un écolage de notre yacht miniature doté d’un pont surélevé, de deux postes de pilotage, d’un grand carré, de trois cabines pourvues de cabinets de toilettes avec douche et WC. Pour la conduite, rien de bien difficile, car les manœuvres sont réduites à leur plus simple expression. Le capitaine d’occasion n’a besoin d’aucun diplôme et deux petites heures suffisent pour se familiariser avec le gouvernail et le levier qui commande les marches avant et arrière. Voguer sur l’eau, c’est un peu réaliser un rêve d’enfant, et ce n’est pas sans une certaine excitation et même une petite pointe d’inquiétude qu’on largue les amarres. La vitesse est réduite, un grand maximum de 6 km/heure. Avec ce train de sénateur, l’équipage s’adapte très vite à son nouveau jouet.

À l’approche de la première écluse, chacun se demande comment on va pouvoir se faufiler dans le sas sans toucher les bords de cette enclave où tout se joue sur quelques centimètres. Une répartition des rôles s’établit entre les moussaillons, il y a celui qui manie la gaffe, puis les spécialistes de l’aussière qu’il faut jeter d’un geste sûr autour du bollard pour maintenir le bateau durant la manœuvre. Un coup de main à l’éclusier pour activer les manivelles, le temps de bavarder avec lui et les portes s’ouvrent, on est passé sans encombre!

Le ton est donné, la croisière est rythmée par la répétition de gestes inusités, sur un espace tout aussi inhabituel, dans un environnement tellement éloigné du quotidien de chacun. C’est que la terre vue de l’eau offre une nouvelle mise en scène et les repères familiers disparaissent. Entre les manœuvres, on a le temps de laisser vagabonder le regard et l’esprit, surpris par le silence qui baigne le paysage à l’esthétique intemporelle. Loin du tumulte des villes et de la promiscuité des plages, on remonte le temps à la découverte d’un patrimoine méconnu. Écluses, ponts, barrages et autres ouvrages se succèdent pour évoquer le passé industriel ou social de la région. La magie opère, les heures s’étirent et une semaine plus tard, chacun a l’impression d’avoir parcouru un long périple bucolique qui, bien souvent, ne compte que quelque 180 kilomètres.

D’un jour à l’autre, la partition est inchangée : ode à la lenteur. En aval de Châtillon-en-Bazois, le canal du Nivernais se tortille comme un ver en suivant le tracé sinueux de l’Aron. C’est le pays des verts horizons, des cours d’eaux vives où le pêcheur est à la fête, des chemins propices à la balade lors d’une halte. À l’aurore, les petits matins brumeux se savourent. Très vite, le bleu du ciel éclairé par un soleil encore timide se reflète dans l’eau lui donnant une couleur un peu délavée. C’est le moment que choisit un ragondin pour traverser le canal.

Magie des petits matins.

  • Chaque passage d’écluse est l’occasion d’une rencontre bavarde avec l’éclusier.(攝影: / 大紀元)

Decize l’insulaire, lovée entre deux bras de la Loire, annonce l’entrée dans le canal latéral à la Loire. La vieille ville enserrée de remparts était autrefois un actif port charbonnier qui inspira les vers de Maurice Genevoix, un enfant du pays. Fleuve capricieux et imprévisible, la Loire ne s’est jamais laissé dompter pour permettre d’assurer un marché continu au fil de son eau. La création du canal latéral qui longe la rive gauche du fleuve sur 196 kilomètres s’est rapidement avérée indispensable, l’alimentation en eau étant assurée par la Loire elle-même. De longs biefs rectilignes traversent un paysage de prairies cachées par un rideau de peupliers qui lui donnent une allure majestueuse. Le chemin de halage transformé en vélo-route suscite des envies de pédaler d’une écluse à l’autre pour les matelots en mal d’activités tandis que le bateau trace doucement son chemin, dans une plénitude propice à la rêverie.

À Garnet-sur-Engièvre, une route tracée au cordeau mène à Bourbon-Lancy, une coquette station thermale qui accueillait déjà les Romains pour y soigner leurs douleurs rhumatismales. La petite ville s’affirme comme la plus charmante des étapes pour s’approvisionner en produits du terroir et pour y muser au gré des ruelles pavées, des arches séculaires et des patios fleuris. Le retour au port se fait en douceur au cœur d’un paysage bucolique. Une dernière nuit paisible sur le canal avant de rendre le bateau le lendemain matin à Digoin, un bourg animé installé au confluent de trois canaux, véritable petit paradis pour les amoureux de la pêche.

La Bourgogne, pays de cocagne

Rêveuses ou méditatives, les croisières s’enrichissent toujours de nourritures terrestres. Pays d’accueil des marins d’eau douce, la Bourgogne permet aussi de plonger dans deux millénaires de tradition viticole. Si l’on peut s’étourdir de quiétude et de verdure, autant que ce soit le verre à la main, d’autant plus que le seul nom de Bourgogne sonne rond comme un ballon de vin, rouge ou blanc.

La vigne importée par les Romains a trouvé ici sur quelques collines un exceptionnel terroir d’expression. La conjonction d’un climat adapté, de sols déclinant toutes les palettes de calcaire et de marne ainsi que le travail intelligent et incessant des hommes a donné aux vins un éclat inversement proportionnel à la taille du vignoble : à peine 1 % de la surface agricole. Chaque village, chaque coteau est fier du trésor sorti de ses entrailles.

Depuis le XIIe siècle, le chardonnay et le pinot noir règnent en grand seigneur au pays du Chablis et de l’Auxerrois. St-Bris-le-Vineux, gros bourg viticole accroché à flanc de colline au sud d’Auxerre, mérite que l’on flâne au gré de ses venelles avant de descendre dans la cave médiévale de Jean-François Bersan. Une famille présente sur le site depuis 1453, soit six siècles de passion viticole. La visite permet de découvrir d’abord des caves médiévales qui dessinent un réseau inextricable de souterrains qui courent sous les pavés du village. Jean-François se fait ensuite le chantre de ses productions, pour le plus grand plaisir des gourmets et des amateurs. Ici on mise sur le chardonnay et l’aligoté pour élever un bourgogne blanc, un bourgogne aligoté et un pétillant crémant de Bourgogne travaillé selon la méthode champenoise, sans oublier la spécialité du village, un sauvignon exubérant qui éclate en bouche. Pays béni des dieux, la Bourgogne évoque un art de vivre à découvrir sans modération.

Informations touristiques : auprès de www.bourgogne-tourisme.com ou encore http://fr.franceguide.com

Compagnies et bateaux : Plusieurs compagnies se partagent les services de location. Les Canalous, du nom des anciens bateliers du canal, est une compagnie de plaisance fluviale familiale créée en 1982 à Digoin d’où est originaire la famille Carignant. Dans les années 1990, ils ont créé leur propre chantier naval qui leur permet de lancer la gamme Tarpon que nous avons testée, la référence du tourisme fluvial. Hissés aujourd’hui au premier rang des loueurs-constructeurs français, ils proposent aussi des destinations dans d’autres pays européens. www.lescanalous.com

Coût d’une croisière : Il est toujours abordable quand il se divise par 4 ou par 6, d’autant plus que le voyage est plus confortable si l’équipage est plus important pour partager les manœuvres. Par ailleurs choisir de faire son marché et de cuisiner soi-même les produits du cru évite de coûteux frais de restauration. Enfin, sachez qu’on peut amarrer partout le long du canal pour zéro euro, au pied de villages qu’on ne découvrirait jamais pour leur éloignement des routes. Il suffit simplement de bien gérer le ravitaillement en eau et en électricité en choisissant des points gratuits ou peu onéreux signalés dans le livre de bord. Pour un supplément modique, des VTT peuvent être mis à votre disposition, ils s’avèrent pratiques quand il faut partir à la recherche d’une boulangerie pour assurer le petit-déjeuner ou tout simplement pour rayonner autour du lieu d’amarrage.

Quel canal choisir : Chaque tronçon possède ses attraits qui lui sont propres et une analyse des sites d’intérêt proposés dans la documentation du loueur mérite d’être faite. La bonne formule est sans doute d’allier la promenade bucolique et la visite d’une ville le temps d’une croisière.

Quand y aller : La plupart des canaux et rivières sont ouverts dès la mi-mars, et ce, jusque fin octobre, mais une croisière agréable demande un minimum de douceur climatique. Sachez toutefois qu’au cœur de l’été et selon les canaux, cela bouchonne un peu aux écluses et il faudra se souvenir que rien ne sert de courir comme le disent les vieux loups de rivière.

Les caves du domaine Bersan : www.domainebersan.com Au cœur du village, une excellente table du terroir, Le St-Bris, 13 rue du Tardieu à St-Bris-le-Vineux (à partir de 15 €). À 6 km à peine, Auxerre mérite une halte d’une nuit au moins. Une étape séduisante dans un hôtel particulier, Le Parc des Maréchaux, cerné par des arbres centenaires qui veillent sur un vaste jardin, véritable havre de paix www.hotel-parcmarechaux.com.

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