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L'affrontement des différentes sortes de justices au cinéma

Écrit par Alain Penso, apenso@hotmail.fr
03.02.2012
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  • Nostalgie de la lumière de Patricio Guzmán: une façon d'éloigner le spectre de la mort et de restaurer le souvenir des disparus.(攝影: / 大紀元)

Le cinéma institutionnel rend t’il la vraie justice?

Depuis les débuts du cinéma, toutes les variétés de tribunaux rivalisent à l'écran. D'abord, les cours de justice officielles comme dans ce film extraordinairement interprété par Henri Fonda, Douze hommes en colère (1957) de Sidney Lumet et Le Verdict (1982) du même réalisateur, avec Paul Newman. Des films français montrent une justice sujette à des soubresauts critiques vis-à-vis de la façon convenue dont sont menés les débats, tel que dans Les Inconnus dans la maison (1941) d'Henri Decoin. Dans ce film, l'alcoolique avocat de l'accusé, interprété par Raimu, critique le système judiciaire basé sur les ouï-dire, sur les idées reçues. Il retourne une situation qui aurait pu mener vers une erreur judiciaire, laissant fuir le vrai coupable du crime d'un fait divers.

Le policier et la justice

Dans la justice institutionnelle qui est celle de la République admise de tous, nombre d'erreurs judiciaires dont le système est responsable ont lieu. Souvent le temps en est le principal ennemi, tel que dans le film d'André Cayatte Les Risques du métier avec Jacques Brel (1967). Dans Magnum force de Ted Post (1973) avec Clint Eastwood, l'inspecteur Harry constate que dans la police certains de ses collègues se livrent à une justice expéditive, protégés en cela par leurs supérieurs. Des crimes de tous ordres sont punis par le citoyen qui se substitue aux autorités auxquelles il ne fait plus confiance. Parmi les méfaits qui sont à l'ordre du jour et qui habitent les esprits, la pédophilie occupe une place importante.

Où commencent les tribunaux d'exception?

Les Crimes de Snowtown de Justice Kurzel (2011) avec Lucas Pittaway, est un thriller basé sur des faits réels qui décrit dans une banlieue australienne pauvre, des personnages guidés par un individu charismatique qui prennent plaisir à chasser les pédophiles de leur ville en leur infligeant des supplices comparables aux tortures pratiquées par les Khmers rouges. Dans Le pacte de Roger Donaldson (2011), Nicolas Cage, protagoniste principal dont la femme a été violée, est contacté par une organisation sécrète qui lui propose de supprimer les criminels responsables de ce méfait. Pris dans un engrenage, il s’ensuit une série d'assassinats où le but reste de défier publiquement la justice officielle incompétente face à des cas extrêmes. Cette forme de justice in situ comporte de nombreux inconvénients, dont l'acceptation d'un pacte d'échange de service, afin de ne pas être inquiété par la police qui perd ainsi le mobile pour chaque victime. On reconnaît là le scénario à peine modifié mais moins spectaculaire du film d'Alfred Hitchcock L'Inconnu du Nord-Express (1951) avec Farley Granger et Ruth Roman.

La justice éludée

Dans une autre approche cinématographique, le film d'histoire documentaire, dont Marcel Ophuls est le spécialiste, révèle des figures hors normes qui parviennent par la séduction à échapper à la peine de mort devant la plus haute juridiction internationale. En effet The Memory of justice, film anglo-américain de quatre heures et demie réalisé en 1976, demeure son film le plus personnel et le plus ambitieux. Au moyen d'images d'archives, il rapporte le Procès de Nuremberg et entre autres les témoignages des ex-procureurs Telford Taylor (États-Unis) et Edgar Faure (France) ainsi que de l'ancien architecte officielle du Troisième Reich, Albert Sperr, ministre d’alors de la Guerre. Ce film évoque les prolongements politiques, philosophiques et moraux de ce procès exemplaire ayant eu lieu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946, à la lumière des conflits de la deuxième moitié du XXe siècle (Algérie, Vietnam...).

La délation, une justice pour assouvir sa vengeance

Dans Ici-bas de Jean-Pierre Denis (2011), l'armée allemande, craignant le débarquement de 44, devient plus féroce que jamais face à la résistance. À Périgueux, une nonne tombe amoureuse d'un prêtre qui, après avoir couché avec elle, l'éconduit. Malheureuse, instable et désorientée, elle dénonce son amant et le réseau à la milice. Admettant la délation et refusant l'exil au Carmel, elle est fusillée.  Quelques jours plus tard, trente cinq résistants qu'elle avait dénoncés sont également fusillés. Rejeté par son amour, le réalisateur semble souligner que la passion peut entraîner la mort, non seulement de l'intéressé, mais  encore celle des autres. Il faut noter l'excellente l'interprétation de Céline Sallette et d’Eric Caravaca ainsi que cette merveilleuse actrice pas assez connue au cinéma, Maud Rayer, qui fait souvent sensation au théâtre. Il est intéressant de revoir Le Cœur froid d'Henri Helman (1977) où, jeune femme, elle tourne dans ce film sélectionné à Cannes dans la section Perspective et primé dans le Festival international Colombe d'Or.

Millenium: Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, film de David Fincher, traite d'une enquête dans une famille d'industriels impliquée dans l'assassinat de jeunes femmes. Millenium est le titre d'un magazine d'investigation attaqué en justice pour faute de preuves dans une enquête concernant des meurtres. Au cours de ce film sont analysées certaines situations limites, notamment celle concernant une très jeune femme interprétée par Rooney Mara, mise sous tutelle depuis l'âge de 12 ans, devenue enquêteuse pour Millenium, hackeuse hors pair, obtenant tous les renseignements confidentiels en s'introduisant dans les ordinateurs les plus protégés. Cette investigatrice de génie, à la personnalité trouble et violente, est victime de plusieurs viols de la part de ses différents tuteurs. Incomprise, jamais vraiment protégée, elle doit, pour garder son équilibre précaire, faire justice elle-même à cause de la carence indubitable des forces judiciaires institutionnelles qui parfois utilisent des voix sinueuses pour permettre à certaines victimes de survivre.

La perversion de la justice sous un régime de dictature comme celui de Pinochet soutenu par le gouvernement américain peut mener les êtres humains vers des sommets d'injustice. L'immensité de l'univers décrit dans Nostalgie de la lumière, film documentaire de Patricio Guzmàn (2010) montre l'étendue d'incompréhension et d'insensibilité du gouvernement chilien actuel devant les méfaits de Pinochet qui s'était livré, pour des raisons politiques et personnelles, à des assassinats en masse de civils. Que penser de ces femmes qui vouent toute leur existence à retrouver dans les terres arides du désert d'Acatama, fosses communes de ce régime de terreur, les ossements et les vestiges de leurs proches assassinés. Une jeune femme, devenue astronome, cherche dans son télescope une planète sur laquelle elle trouverait le souvenir des siens, une façon d'éloigner les spectres de la mort qui rôdent, malgré elle, autour de sa vie et de rendre justice à la mémoire des disparus. La Nostalgie de la lumière a obtenu le prix du meilleur documentaire 2010 par le jury de l'European Film Academy (EFA).

La sortie récente du livre Cinéma et engagement, Jorge Semprún scénariste sous la direction de Jaime Céspedes Gallego, édité en 2011 aux éditions Charles Corlet pour le numéro 140 de CinémAction, permet de retrouver une personnalité exceptionnelle par sa richesse et son engagement politique et culturel. Dès son plus jeune âge, il s'est intéressé à tout l'aspect social de son pays, l'Espagne, et de son influence artistique et intellectuelle. La vie de Jorge Semprún traverse des périodes historiques marquantes dont il sera quelquefois le héros. En 1943, il s'engage dans la résistance rejoignant le groupe Jean-Marie Action, réseau reliant les maquis à la résistance. Il n'a pas le temps de s'installer, car quelques mois plus tard, il est arrêté par la Gestapo. En janvier 1944, il est déporté au camp de Buchenwald près de Weimar. En 1988, remplaçant Javier Solana, il devient ministre de la Culture en Espagne. Toutes ses expériences humaines et politiques lui inspireront des essais, de la prose, une pièce de théâtre, lui permettront de réaliser un film et d’écrire des scénarios pour des cinéastes de renom tels que Alain Resnais, Costa-Gavras, Yves Boisset, Joseph Losey, Pierre Granier-Deferre... Jorge Semprún s'est penché toute sa vie sur les ressorts de la justice. Il a fait une priorité de traiter des histoires où les dictatures règnent en maître dans le seul but de jouir du pouvoir. Auteur des scénarios et dialogues de L'Affaire Dreyfus d'Yves Boisset (1994) et scénariste de Z (1969) et de L’Aveu (1970) de Costa-Gavras.

Aujourd'hui, il semblerait que la justice française, en se privatisant et en imitant le système américain, risque fort de perdre son objectivité que nombre de pays lui enviaient. La police se démobilise et laisse des zones de non-droit rendre leur propre sentence au bénéfice de la loi du plus fort. Il est à craindre que se développent des sortes de comités de vigilance, comme par le passé aux États-Unis. Le cinéma permettra t’il encore de doter le citoyen d'un sens critique afin d'échapper à la barbarie?

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.