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Le Cameroun, un concentré d’Afrique

Écrit par Christiane Goor
06.02.2012
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  • Des enfants rieurs(攝影: / 大紀元)

Le Cameroun, c’est un peu l'Afrique qui hante nos rêves d'enfants : des cases en torchis, des chefs de tribu, des marchés colorés, une prairie sans fin, des acacias épineux, des couchers de soleil dorés et des animaux sauvages que l'on peut observer dans leur milieu naturel. Passer la nuit dans un boukarou à l'abri d'un moustiquaire, à l'écoute des bruits de la savane, est une autre expérience inoubliable : rêve enfin réalisé de communion profonde avec une nature encore intacte et sauvage.

Avec ses immenses plages encore vierges, avec ses montagnes arrondies tapissées de cultures à l’ouest, avec ses forêts denses aux arbres gigantesques au sud, avec ses larges horizons de savanes herbeuses et arbustives au nord, avec, encore plus au nord, sa steppe épineuse sahélienne, avec ses fleuves navigables une partie de l’année seulement, avec ses 240 ethnies, ses chefferies et ses royaumes centenaires, le Cameroun est une terre de contrastes qui apparaît comme la synthèse de toutes les merveilles que recèle le continent africain.

Que la fête commence!

Soudain, des nuages de poussière s’élèvent au bout de l’esplanade, des groupes de destriers surgissent dans le fracas d’un galop assourdi par les cris des guerriers et la clameur de la foule. Les montures galopent vers une tribune d’honneur où elles arrêtent leur course débridée en piaffant, retenues d’une main ferme par leurs cavaliers qui saluent leur roi en levant leurs sabres.

Il ne s’agit ni d’un défilé folklorique pour égayer le peuple ni d’une reconstitution historique. Les fantasias, tout comme les autres festivités traditionnelles, se répètent d’année en année depuis près de deux siècles, un peu partout dans le pays. Chaque fois, c’est l’occasion pour les grandes chefferies de perpétuer la mémoire des sociétés traditionnelles, garantes de paix et de cohésion sociale.

À Douala, port commercial situé à l’embouchure du fleuve Wouri, le peuple sawa, encore appelé le «peuple de l’eau», célèbre en décembre la fertilité du fleuve lors d’une cérémonie empreinte de rites sacrés, le Ngondo, qui illustre le souci de valoriser le patrimoine ancestral et son identité. Dans la province de l’ouest, la ville de Foumban magnifie les traditions de la population bamoum lors de la fête du Nguon, une occasion unique d’admirer les masques perlés, les costumes ornés de fétiches et de gris-gris du peuple au serpent à deux têtes. Dans le nord, les Lamidos régentent l’existence de leurs sujets qui viennent signifier leur allégeance à l’occasion de fantasias flamboyantes pour rappeler que c’est à cheval que les ancêtres peuls ont mené la guerre sainte.

Comme les distances sont grandes dans ce pays où les voies de communication ne desservent pas aisément toutes les régions, chaque village forme un sous-groupe singulier au cœur de son ethnie, il possède sa propre histoire et ses propres codes culturels qui se manifestent dans l’architecture de la chefferie, à la fois salle de réunion et habitat pour le chef et sa famille. À Idool, l’entrée est masquée par un portique dont les piliers sont décorés de peintures aux couleurs vives, à motifs géométriques, toutes réalisées par les femmes. Les murs de torchis sont chapeautés par un toit de chaume dont les pans descendent jusqu’au sol. Un premier vestibule mène à une petite cour intérieure qui donne accès à la salle de réunion plongée dans la pénombre. De légères cavités sont creusées dans le sol pour y recevoir des feux qui permettront d’éclairer la salle lors de la réunion hebdomadaire que le chef tient avec ses notables pour prendre les décisions selon les grandes orientations qu’il impose. Au-delà s’ouvre la cour des sarés, le royaume des femmes qui évoluent à l’abri des regards.

Un tourbillon d’images

Pour visiter le nord du pays, le train est la seule option raisonnable pour joindre Ngaoundéré, terminus du Transcamerounais affrété par la Camrail au départ de Yaoundé. Il faut dire qu’aucune route directe ni aucune voie totalement bitumée ne relie la capitale au chef-lieu de l’Adamaoua. Un voyage sur le Transcam, c’est à coup sûr s’offrir la chance de partir à la rencontre du peuple camerounais, des hommes et des femmes avenants, diserts et curieux. C’est aussi vivre un long tracé dans la nuit qui laisse des souvenirs impérissables, entre scènes burlesques, insolites et exténuantes.

  • D’immenses plages encore vierges(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

Il est vrai qu’il n’est guère aisé de dormir en raison des arrêts fréquents (une quinzaine de gares), des ralentissements et haltes intempestives, qu’il s’agisse d’un encombrement des voies par des troupeaux de zébus ou encore de l’attente du passage d’un train de marchandises. Chaque arrêt suscite un mouvement de foule. En quelques minutes, tout un marché s’organise sur l’unique quai de la gare. Les uns se précipitent vers les voyageurs qui descendent pour les aider à porter valises et paquets. D’autres, un plateau garni de victuailles sur la tête, longent le train en courant, à peine éclairés par les wagons. Ils sont à la recherche des passagers affamés qui les interpellent, penchés aux portes des wagons, avides de bananes plantains, de beignets, d’arachides ou de bâtons de manioc. Des enfants proposent des sachets bariolés qu’ils signalent en criant «sac, sac, sac…», une complainte qui s’éteint dans la pénombre quand le train s’ébranle, quelques minutes plus tard.

Au bout de la nuit, chacun se sent amoindri, épuisé par le vacarme vrombissant des essieux. Pourtant, quand enfin le jour se lève, toutes les fatigues du voyage s’évanouissent devant le charme indicible du paysage qui s’ouvre dans la brume matinale : une vaste savane arbustive sillonnée de pistes rouges, des chaumières rondes en terre battue coiffées d’un toit de chaume, des troupeaux de bœufs et de moutons, des ânes que tirent des femmes vêtues de boubous chamarrés, des enfants rieurs au passage du convoi … Perdu dans la contemplation de cette Afrique de cartes postales, on ne voit pas passer le temps.

Les réserves animalières

Une dizaine de parcs et autres réserves sont disséminés dans le pays. Toutefois, la vedette du Cameroun, c’est le parc national Waza, érigé réserve de la biosphère par l’UNESCO en 1982. Aujourd’hui, le parc s’étend sur près de 170 000 hectares et abrite d’immenses troupeaux d’éléphants, de girafes et d’antilopes. Sur un territoire aussi vaste, rien ne peut toutefois garantir la rencontre avec l'un ou l'autre représentant de ces espèces qui, de plus, ne se laissent pas aisément repérer.

Lorsque l'on sillonne en voiture le réseau de pistes aménagées pour le plus grand bonheur des voyageurs, la lenteur est de rigueur si l'on veut repérer un animal. Une excellente paire de jumelles et une bonne dose de patience sont encore les atouts indispensables de cette fabuleuse chasse à l'image. Le parc se laisse découvrir comme une incroyable arche de Noé. Une famille de pintades déboule sur la piste, un troupeau d'antilopes barre le chemin, un craquement de branchages annonce l'approche d'un groupe d’éléphants. Il faut emprunter les chemins de traverse qui mènent au bord des points d’eau où se donnent rendez-vous des bancs d’oiseaux : outardes, grues couronnées, hérons cendrés, jabirus. Silencieux et immobile, le véhicule se fond dans le paysage écrasé de soleil. Un troupeau de cobs de Buffon paît paisiblement dans la plaine herbeuse. Immobiles, des girafes fixent longuement l’étranger avant de se retourner soudainement et de partir en courant. Les phacochères sont les plus vigilants, qu'un moindre bruissement effraie. Ils détalent alors ventre à terre, la queue surmontée d'une houppette dressée en l'air, en forme de point d'interrogation.

Le sud du pays est le domaine de la grande forêt équatoriale où se dressent des arbres gigantesques de 30 à 50 mètres de haut qui se disputent la lumière en emmêlant leurs feuilles. Royaume des singes, ceux-ci sont encore trop souvent traqués pour proposer le long des routes et sur les marchés de la viande de brousse dont sont friands les Camerounais. Le parc de la Méfou − né d’un partenariat entre le gouvernement camerounais et une ONG, la Cwaf (Cameroon Wildlife Aid Fund) − accueille des primates récupérés lors de saisies des douanes ou retrouvés mutilés au bord des routes. Soignés dans un milieu naturel grillagé, ils sont parfois dirigés vers de grands zoos étrangers, mais le but avoué de l’association est de pouvoir les réintroduire un jour dans leur habitat autochtone. Une visite au parc offre une occasion unique d’observer des primates familiarisés à l’homme et de découvrir la campagne de sensibilisation organisée dans les écoles contre le braconnage.

  • Liman et son animal (攝影: © charles Mahaux / about this image please contact : Charles Mahaux: 28 Gelivaux B4877 Olne Belgium: charles@mahaux.com)

Le parc de la Bénoué, du nom du fleuve qui le traverse, est le territoire des hippopotames qui y trouvent des lieux propices à leur survie, surtout en saison sèche. Cependant, le spécimen le plus extraordinaire se rencontre à Garoua, ville baignée par le fleuve. Chaque jour, Liman Boucar, un pêcheur d’une quarantaine d’années, a rendez-vous avec son hippopotame, une femelle qu’il a apprivoisée quand elle avait à peine deux mois et lui dix-huit ans. La mère de l’animal avait été tuée par les villageois, excédés de voir leurs cultures potagères saccagées une fois de plus. Liman s’est apitoyé du sort du bébé hippopotame et a pris l’habitude de venir la nourrir chaque jour. «Ouarlé! Ouarado!» crie-t-il en fufulde, la langue des Peuls. «Viens, viens!», lance-t-il au loin en regardant le fleuve. Il faut parfois attendre une demi-heure pour que surgisse l’animal qui remonte le fleuve en se laissant glisser dans l'onde rafraîchissante. Seuls émergent ses yeux globuleux et la courbe de son échine lorsqu’il s’approche de la rive où l’attend son ami. Liman pénètre alors dans l’eau, un sac de jute rempli de farine et de pommes de terre sur le dos. Il caresse d’abord la grosse tête de la bête qui ouvre la gueule, impatiente de recevoir sa pâtée. Liman n’hésite pas à gratter le palais de l’hippopotame qu’il a baptisée «Africa» tout en lui jetant sa nourriture dans la gueule. Petit à petit, Africa jaillit hors de l’eau, suivant pas à pas son maître qui ne cesse de lui parler tout en jouant avec elle. Gourmande, elle ingurgite près de 80 kg de maïs salé par jour! Quand elle a enfin vidé le sac, elle se laisse escalader par son ami avant de rejoindre le fleuve où au loin l’attendent ses congénères. Chaque jour, cet étonnant spectacle attire sur les berges des foules de curieux, fascinés par cette étrange amitié entre un homme et un mastodonte de quatre tonnes, chacun aidant l’autre puisque Liman vit aussi de son extraordinaire phénomène de foire.

Une histoire d’amour

C’est à Garoua que nous avons rencontré Christophe Droeven. Une douce soirée africaine sur la terrasse de notre hôtel à savourer une bière fraîche à la santé de Liège. Lorsque Christophe égrène les souvenirs de son enfance, c’est à croire qu’il avait déjà rendez-vous avec le continent africain. Pourtant ses racines sont liégeoises, ses attaches aussi, mais enfant il rêve d’élargir son horizon, de dépasser les collines doucement vallonnées du pays de Herve. Lorsque Christiane, la jolie Burundaise, débarque dans sa classe au Collège Royal Marie-Thérèse de Herve, il tombe instantanément sous le charme. Grâce à lui et à cet amour d’adolescent, Christiane supportera mieux son exil obligé en famille d’accueil loin des siens retenus dans un pays agité par une guerre civile sans nom. Grâce à elle, Christophe découvre la réalité de l’Afrique noire. C’est dit, ils feront leur vie ensemble, dans un pays africain encore à définir, le temps de boucler des études qui leur offriront un bagage indispensable pour entamer cette aventure.

Liège les accueille durant leurs études, ils choisissent de vivre en Outremeuse, «là où bat le cœur ardent de la ville», insiste Christophe. Tous deux apprécient particulièrement l’accueil et la convivialité des Liégeois qui ne s’offusquent pas de leur couple mixte. Leurs souvenirs les ramènent aux fêtes du patrimoine ou aux festivités du 15 août et encore, plus simplement, à la terrasse animée du café Randaxhe où, quelle que soit la saison, les conversations vont bon train autour des meilleurs croque-monsieur de la ville.

Avec un diplôme d’agronome versé en culture tropicale pour lui et un diplôme de juriste pour elle, ils décident de s’expatrier d’abord à Bujumbura, au Burundi, pour y soutenir un programme d’aide agricole chapeauté par le groupe Caritas. Durant huit années, Christophe se spécialise dans la gestion de la sécurité alimentaire dans les zones dévastées par la guerre. Ses qualités intéressent la branche américaine du groupe, le CRS (Catholic Relief Services), qui l’engage et l’envoie au Tchad pour encadrer les services d’aide aux populations locales déplacées. Christophe met sur pied le premier camp de réfugiés au Darfour, ce qui lui vaut aujourd’hui l’étiquette d’urgentiste de service en situation de crise! Il œuvre aussi activement, souvent avec l’aide de son épouse, dans des domaines divers comme la réinsertion des enfants soldats ou la sensibilisation des populations à de meilleures exploitations des ressources locales.

En 2008, pour protéger sa famille, il est obligé de fuir le Tchad secoué par des conflits internes graves, le CRS le nomme directeur représentant le groupe au Cameroun où il continue toutefois à suivre de près la réalité tchadienne comme celles de la République du Congo et de Guinée équatoriale. Depuis plus de deux ans, Christophe a pris la mesure de son nouveau pays d’accueil. La stabilité politique du Cameroun n’exclut pas d’autres soucis importants. «La corruption est active au Cameroun et elle gangrène tous les secteurs de l’administration», reconnaît-il. Avec l’aide du Minesec (ministère de l’Enseignement secondaire), Christophe a lancé un ambitieux projet de lutte contre la corruption à travers l’école. «Aujourd’hui, on ose mettre des mots sur cette mauvaise gouvernance et la pointer du doigt.» Il est vrai que son impact sur la vie quotidienne du peuple camerounais est important et trop souvent source d’injustices qui, à terme, pourraient déstabiliser le pays. «Heureusement, précise Christophe, la volonté de changer est présente, mais les mauvaises habitudes qui sévissent en toute impunité depuis de nombreuses années sont difficiles à éradiquer.» L’espérance n’a jamais quitté Christophe et Christiane qui poursuivent la main dans la main leur chemin commencé à deux sur les bancs de l’école. «Le Cameroun a d’énormes atouts et mérite d’être soutenu!»

Informations : auprès de www.mintour.gov.cm ou encore www.cameroun-infotourisme.com

Formalités : En plus du certificat international de vaccination contre la fièvre jaune, il faut un visa à obtenir auprès de l’ambassade du Cameroun.

Y aller : Plusieurs compagnies aériennes assurent la liaison avec Douala ou Yaoundé. Depuis fin mars 2011, la Cameroon Airlines est née de ses cendres et assure un vol entre Paris et Douala : www.camair-co.cm. À retenir pour son excellent rapport qualité-prix la compagnie Ethiopian Airlines, même si le vol qui fait escale à Addis Ababa est plus long. Le train affrété par la Camrail (www.camrail.net) est une aventure en soi à vivre pour rallier Ngaoundéré depuis Yaoundé.

Monnaie : Les cartes de crédit sont rarement acceptées en dehors des grandes villes. Prévoyez des francs Cfa à acquérir dans les grands hôtels ou tout simplement à la banque à Douala ou à Yaoundé.

Se loger : L’hôtellerie du pays laisse à désirer dans la mesure où les anciens hôtels de qualité n’ont guère été entretenus. Toutefois, le ministère du Tourisme met en place une politique de privatisation des sites qui devrait à terme porter ses fruits. Ne vous attendez pas à un service de luxe et vérifiez votre chambre avant de l’accepter. Il est relativement aisé d’en changer. Généralement, les hôtels proposent une restauration tout à fait correcte qui permet de passer la soirée en toute quiétude sur le site, en terrasse, un vrai bonheur!

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.