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Pourquoi le colonialisme et l'immigration occupent-ils une place importante au cinéma?

Écrit par Alain Penso, apensodelavega@gmail.com
31.03.2012
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  • Octobre à Paris de Jacques Panigel (1961): La sensibilité a ses raisons que la guerre méconnaît.(攝影: / 大紀元)

L’immigration en France

La France est un pays d’immigration dont le passé est colonial et qui a construit sa puissance sur des terres lointaines, dont il a exploité les richesses. Par ailleurs, la guerre de 1914-1918 a provoqué une telle saignée chez les jeunes hommes, qu’il s’agissait pour la France de remédier à cette tragédie en ouvrant les frontières afin de faire entrer une main d’œuvre étrangère bon marché.

Les origines de l’immigration en Europe

Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1958) et Les Hommes contre (1970) illustrent les carnages de ces guerres de position dans lesquelles 2.800 Italiens furent fusillés pour refus d’obéissance à des ordres absurdes. Du côté de la France, 2.500 de ses soldats seront suivis de 600 exécutions. Parallèlement, les patrons organisent eux-mêmes le recrutement de travailleurs étrangers en fonction de leurs besoins par l’intermédiaire de la Société générale d’Immigration. Elle introduit 400.000 étrangers de 1924 à 1930. Dans les mines de la Lorraine, 80% de la main-d’œuvre est étrangère. Durant cette période, la classe dominante est opposée à tout contrôle des flux migratoires: l’immigrant entre librement dans le pays, seul ou avec sa famille. Aucune autorisation n’est requise. En 1927, la législation facilite l’accès à la nationalité française.

Pépé le Moko et la poésie coloniale

Pépé le Moko (1936) de Julien Duvivier montre que la France s’est installée dans des pays au-delà de ses frontières et qu’elle y a déposé ses affaires. Sur ces lieux qu’elle s’est appropriée, elle a intégré ses ressortissants, ici Jean Gabin (Pépé le Moko), caïd de la pègre parisienne, braqueur de banques, se réfugie en Algérie dans la casbah où il règne en maître échappant ainsi aux condamnations de la métropole. Le film emprunte des éléments de ses personnages à Scarface (1932) d’Howard Hawks. En 1938, John Cromwell adapte Pépé le Moko sous le titre de Casbah (Algiers). John Berry, admirateur de Duvivier, entreprend d’adapter son œuvre sous le même titre Casbah (1948). La série des adaptations de Pépé le Moko ne s’arrête pas là. En 1949, le célèbre comique italien Antonio Lumaconi prend la place de Jean Gabin dans un film parodique réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia Toto le Moko (1949). Les Américains comme les Italiens sont sensibles à la problématique du colonialisme qui éloigne, tout à la fois, les êtres dans un romantisme presque fleur bleue et les rapproche, tout à la fois, grâce aux souvenirs romantiques de l’amour.

La douleur se fomente dans l’impossibilité de vivre libre sous l’occupation de son pays par une armée étrangère illégitime mais qui a le pouvoir de vie ou de mort à l’aide d’une simple lettre de cachet.

La guerre d’Algérie a suscité des films en bien moindre quantité que les films américains sur le Vietnam.

La bataille d’Alger et la censure

Pour tourner La Bataille d’Alger (1965), Yacef Saadi, ancien cadre militaire du FLN (Front de Libération Nationale) devenu acteur et producteur grâce à son entreprise Casbah, propose une collaboration au réalisateur italien communiste, Gillo Pontecorvo. Le cinéaste est aussi journaliste et compose, avec l’aide de Yacef Saadi, un témoignage portant sur un épisode de la guerre d’Algérie particulièrement impitoyable.

Le film est diffusé brièvement en 1970 et retiré des écrans sous la pression de manifestations d’extrême droite. Le film sortira finalement en 1971 mais, en réalité, ne circulera normalement qu’en 2004, considéré jusque-là comme un film de propagande éliminant les tabous sur le comportement militaire français sur ce qui s’est nommé longtemps la guerre sans nom ou les événements que l’on peut voir dans Certaines nouvelles de Jacques Davila (1979) avec Micheline Presle. La Bataille d’Alger fut tournée trois ans après la fin de la guerre. Huit cent mille pieds noirs et juifs furent rapatriés en France dont la plupart n’avaient jamais foulé le sol de la métropole. Les harkis qui avaient donné toute leur fidélité à la France, pendant toute cette période de guerre, furent internés dans des camps à l’écart de la population métropolitaine. Yves Boisset sera inspiré par le film de Gillo Pontecorvo et tournera RAS (1973). Il avait été, dans les années 1970, l’un des meilleurs cinéastes parlant des institutions souillant la démocratie avec leurs jongleries financières avec profit personnel.

La permanence dans les esprits du souvenir de la guerre d’Algérie

Concernant la guerre d’Algérie et ses retentissements dans la société française, Yves Boisset met en scène Dupont la Joie (1974) qui décrit l’intérieur et l’extérieur de la guerre d’Algérie, avec Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle, Jean Bouise et Isabelle Huppert. Yves Boisset parvient à ne jamais oublier le contexte politique des événements et les conséquences sur les individus. Dans Le Juge Fayard dit le shérif (1977), il démontre que le pouvoir n’a d’autres buts que de dominer les individus sans partage. Le prix Louis Delluc, qui récompense depuis 1937 le meilleur film français de l’année, lui sera attribué en 1976.

Il faut se rendre à l’évidence que l’immigration et le colonialisme sont étroitement liés, le premier est la conséquence du second.

Octobre à Paris (1962) illustre la partie bestiale du pouvoir prêt à tuer pour souligner à qui il faut obéir sous peine de perdre la vie : le 17 octobre 1961 des milliers d’Algériens et Algériennes défilent dans la rue pour protester contre le couvre-feu. Ils étaient environ 30.000 défilant pacifiquement à l’appel du FLN. S’ensuivirent, sur ordre du tristement célèbre préfet de police Maurice Papon, 11.000 arrestations et des dizaines d’assassinats, voire des centaines selon certains historiens, dont de nombreux manifestants jetés à la Seine après avoir été tabassés, des centaines d’expulsions et des plaintes classées sans suite.

Un massacre en mai à Paris

Octobre à Paris de Jacques Panigel (1961), fut tourné à chaud quelques semaines après. Le film n’a pas pu être visible avant 1973, après une grève de la faim de René Vautier, le réalisateur du film Avoir vingt ans dans les Aurès (1972). Avec le souci de faire le point sur le conflit qui a opposé les Algériens fraîchement immigrés, Ici on noie les Algériens de Yasmina Adi (2010) traite cette période douloureuse de l’histoire de l’immigration avec des documents pour restituer l’ambiance de l’époque. Les témoignages prenants des acteurs du drame amènent une dimension étrange d’un passé lointain. Dans Welcome de Philippe Lioret (2009) avec Vincent Lindon, deux histoires se chevauchent. Celle de l’anti-héros Simon tente de reconquérir sa femme en se montrant plus humain qu’il n’y paraît, face à la situation limite et inhumaine que rencontrent ces immigrés dont le but est de se rendre peut-être à Londres où se trouvent leurs familles déjà parties. Mais aussi celle des hommes et des femmes déterminés à fuir leur pays d’origine devenu dangereux pour leur vie. Philippe Lioret rapporte dans son film tout l’aspect politique et humain de ces immigrés échoués sur le territoire français.

La solidarité entre minorités sociales

Terraferma d’Emanuele Crialese (2011) avec Filipp Pucillo et Donatella Finocchiarro, prix du jury à la Mostra de Venise, conte l’histoire exemplaire d’une famille vivant de la pêche sur une petite île au large de la Sicile. Des Africains débarquent régulièrement sur les côtes italiennes et sur les îles souvent à la limite de leur force, beaucoup meurent d’épuisement. L’humanisme des pêcheurs prêts à affronter la loi pour sauver des hommes et des femmes qui sont d’autres dimensions que le ciel à créer pour mettre à l’épreuve le cœur des hommes fait penser au très beau film de Luchino Visconti, La Terre tremble (1948) d’après le roman de Giovanni Verga, les pêcheurs d’un petit port de Sicile subissent l’exploitation de ceux qui leur louent leurs barques et leur achètent leurs poissons, jusqu’à ce qu’un syndicat des pêcheurs apparaisse enfin.

Pierre Schoendoerffer (1928-2012), immense cinéaste français, a quitté le navire, le 14 mars 2012 à l’âge de 83 ans. Il avait un don extraordinaire, celui de savoir raconter des histoires tout en étant très précis grâce à une mémoire qui ne lui faisait jamais défaut, du moins pour ses films, où chaque détail était soigneusement réfléchi avant d’être conçu définitivement. La 317e section (1964), film tourné au Cambodge, est l’un des rares films sur la guerre d’Indochine. Pierre Schoendoerffer a été cinéaste aux armées pendant cette guerre et a notamment participé au siège de Dien Bien Phu. Il a voulu donner une expression réaliste, quasi documentaire, à son film. Pendant un mois il a obligé, acteurs et techniciens, à vivre et à bivouaquer au cœur de la forêt cambodgienne.

Le western lui-même illustre, de façon brillante et sans équivoque, la dureté et l’égoïsme qui a présidé à la construction des États-Unis. John Ford, regrettant d’avoir filmé l’indien comme le méchant, essaye de se faire pardonner en tournant l’un de ses plus beaux films: Les Cheyennes (1964).

Alain Penso est historien et journaliste de cinéma. Il a dirigé la revue Cinéma des événements. Documentariste, il tourne des films ethnologiques, notamment sur Salonique. Il a publié la première biographie de Patrick Dewaere (Patrick Dewaere, collection Têtes d’affiche).

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.