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Les élections au cinéma

Écrit par Alain Penso, apensodelavega@gmail.com
27.04.2012
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  • La Conquête de Xavier Durringer (2011): Les électeurs ont-ils des idées fixes?(攝影: / 大紀元)

Un choix des producteurs pour réduire les pertes financières

Le cinéma regorge de films où il est question d’élections ou de pouvoir politique. Les scénaristes sont friands de ce type de thème, les producteurs ne demandent pas mieux, car souvent le film retrace une bataille dans laquelle il ne sera pas indispensable d’habiller les mots d’atours coûteux ou de réaliser des mouvements de caméra compliqués, comme dans les grands classiques décrivant la conquête de Rome puis sa chute nécessitant des milliers de figurants et une équipe importante faite de centaines de techniciens. Car les producteurs n’arrivaient pas à maîtriser des budgets de films comme Ben-Hur de William Wyler (1959), Spartacus de Stanley Kubrick (1960) ou Cléopâtre de Joseph Mankiewicz (1963) qui provoqua la faillite de la Twentieth Century Fox.

Le cinéma politique est un cinéma de pouvoir où souvent, des élections sont mises en scène. Ces histoires politiques où interviennent des élections sont devenues pour Hollywood une manne de bénéfice, car les moyens nécessaires sont plus modes- tes que les films à grands spectacles.

La conquête

Il est significatif de constater que les films traitant des élections sont de plus en plus proches de la réalité et collent à l’actualité. Le 11 mai 2011, quatre ans presque jour pour jour après l’élection de Nicolas Sarkozy, un film revient sur la campagne qui l’a porté au pouvoir, La conquête de Xavier Durringer (2011). Il fait réfléchir sur les moyens utilisés pour arriver efficacement à conquérir le pouvoir. La séduction est ici utilisée plus que la raison.

Il faut noter que c’est la première fois en France qu’un président en exercice devient le héros d’un film. La conquête est interprétée par Denis Podalydès qui construit un personnage plus vrai que nature. L’acteur a étudié l’image du chef de l’Etat dans tous les détails: il a incarné ce personnage sans jamais exagérer et glisser vers la caricature. Nicolas Sarkozy est montré, grâce à cet acteur exceptionnel, comme un homme obsédé par le pouvoir, colérique, pétaradant lorsqu’il n’est pas satisfait. Il se révèle mégalomane: «Je suis une Ferrari, quand vous ouvrez le capot». Le film exprime et souligne que les mots choisis par le président ne sont pas innocents, il choisit de parler d’une Ferrari mais pas d’une Clio de chez Renault. Il déploie une vulgarité incompatible avec le statut de président de la République.

Les films sur les élections sont souvent en harmonie avec la politique qu’il s’agisse d’élections présidentielles ou syndicales.

Les agences de communication

Il est admis aujourd’hui qu’aucun prétendant à des fonctions importantes ne peut se passer d’agences de communication qui, au-delà de la propagande, tentent de faire passer, par des moyens techniques détournés, l’information que l’homme politique désire faire passer dans l’opinion.

Hénaut Président de Michel Muller (2012) conte les déboires d’un petit candidat à la présidentielle qui pense arriver à être le troisième homme du premier tour. Ses conseillers en communication lui font avaler des couleuvres qu’il rejette d’abord puis qu’il accepte, face à des perspectives de réussites. Olivier Gourmet dépasse le cadre de son texte par la prise en main de son rôle. Le film parvient à décrire le dérisoire de cette situation hors norme que constitue l’élection d’un homme qui aura un pouvoir exorbitant, tel un monarque d’un autre temps aidé par les institutions. Il fera ce qu’il voudra et souvent, pas de façon démocratique. Ainsi l’humeur primera parfois plus que la raison, c’est ce qu’a montré aujourd’hui l’étude des pouvoirs qui a tendance à prouver que les candidats naviguent souvent loin «d’une idée talentueuse de la démocratie».

L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller (2011) avec Olivier Gourmet décrit de façon pertinente, avec force et détails au niveau de l’observation, le quotidien du ministre des Transports. Aucun point n’est laissé au hasard. L’auteur décrit comment le pouvoir se redresse chaque jour après avoir essuyé des déconvenues ou des contrariétés de la part des opposants. Le film décrit les stratégies utilisées par les uns et les autres, sans se soucier pour autant du point essentiel pour lequel ils ont été élus: le sujet de leur action. Il semblerait que le film décrive des hommes et des femmes hors du commun dont la préoccupation première est de naviguer au dessus de la mêlée. Il y a néanmoins, et cela est bien décrit, une solidarité des décideurs qui savent très bien depuis leur prise de fonction qu’il ne faut pas «cracher dans la soupe»: le pouvoir est le pouvoir et il faut le respecter pour continuer à s’y hisser toujours un peu plus haut. Il y a d’emblée dans le discours sur le pouvoir, que Machiavel lui-même ne nierait pas, la conscience de la fluctuation du pouvoir. Il ne passe qu’une seule fois, il faut le saisir où y renoncer définitivement.

Votez McKay

Les États-Unis produisent des films sur la politique sans pour cela négliger le côté spectaculaire. Là aussi les élections permettent de montrer des spectacles issus de fêtes indispensables pour que les candidats puissent communiquer avec «le peuple». Dans Votez McKay (The Candidate) de Michael Ritchie (1972), avec Robert Redford et Peter Boyle, Bill McKay est un jeune avocat libéral réputé pour son intégrité. Il se présente à l’élection de l’État de Californie.

Ce film met en scène des hommes de pouvoir obsédés par les immenses possibilités matérielles qui s’ouvrent à eux. Pris dans leurs certitudes, ils ne peuvent pas s’imaginer un seul instant que leurs postes de pouvoir puissent leur être ravis par des hommes honnêtes dont les buts, avoués et sincèrement réels, sont de constituer une communauté heureuse et riche qui pourra avoir accès à des décisions importantes pour le bien commun et non plus individuel comme c’est souvent le cas.

Le film de Michael Ritchie brille par son côté documentaire qui lui donne une réelle crédibilité. Les personnages sont parfois filmés, comme s’il s’agissait d’un tournage avec une caméra à l’épaule.

Les films font partie de nos rêves, ils se déclenchent dans nos esprits et stimulent nos émotions longtemps après avoir été visionnés. Ils servent de modèles actifs et s’ajoutent à nos pensées pour constituer un puzzle qui peut nous permettre de faire nos propres mises en scène sans utiliser de pellicules, ou de «défilement numérique». Nos fantasmes opèrent dans certaines réalités et prennent souvent un statut d’absolue authenticité.

La violence pour exister, Taxi Driver

En 1976, Martin Scorsese tourne Taxi Driver qui contient toute une partie de l’histoire que traverse l’Amérique, d’abord les élections, la morale, la violence, le souvenir de la guerre du Vietnam qui continue de faire des victimes même psychologiques. Pour exprimer ou expulser tout cela, sans dommage, il fallait un film où il était possible de parcourir tous les problèmes évoqués. Taxi Driver (1976) est l’histoire d’un chauffeur de taxi de New York. Robert de Niro accepte le rôle que lui propose Martin Scorsese et de diminuer son salaire de 35.000 dollars, alors que pour Un Pont trop loin (1977) de Richard Attenborough, avec Robert Redford, on lui proposait un cachet cinq fois plus important. Il va sans dire que le rôle de Travis Bikle est passionnant. Il est l’émanation tout en nuance du destin d’un Américain rescapé d’une guerre dont il ne savait rien, mais qui l’a déséquilibré et transporté par la suite dans une société dont il ne maîtrise rien et surtout pas l’amour pour une femme. C’est un homme blessé. Travis, après son épreuve dans les marines, ne peut plus dormir et croise une jeune femme, belle, cultivée et rusée, Betsy, interprétée par Cybill Shepherd. Cette jeune femme est l’assistante du sénateur Palantine. Travis, le chauffeur de taxi, aimerait sortir avec Betsy y parvient, mais néglige sa relation par manque de réflexion. Il n’arrive pas à se concentrer.

Il pense un moment à la politique grâce au sénateur Charles Palantine qu’il veut aider, pour séduire et conquérir Betsy. Il veut assassiner le sénateur, se remémorant sans doute l’attentat de Kennedy dont il a le souvenir, mais n’y parvient pas et jette son dévolu sur de petits truands qui séquestrent une jeune prostituée de 12 ans, interprétée par Jodie Foster. Le scénario écrit par Paul Schrader est autobiographique: sa copine l’avait quitté et il broyait du noir, il était allé voir des films pornos et se passionnait pour les armes à feu.

La jeune prostituée est sauvée. Le film au travers de Travis signifie clairement l’impuissance de la police devant ces manquements à la morale et à la sécurité fondamentale: laisser les enfants dans les mains des exploiteurs de sexe pour en tirer du profit. De Niro va utiliser ce qu’il a appris à la guerre pour réhabiliter son âme perdue sur les champs de bataille, il va faire de la politique et se faire élire par le public pour de bonnes actions et de bonnes raisons. Il va se faire plébisciter. Palantine ne cesse de dire qu’il va donner le pouvoir au peuple en se disant «je suis le peuple».

Robert de Niro, Travis Bikle, va inverser la vapeur et prendre le pouvoir par les armes pour sauver les enfants et leur restituer tout ce à quoi ils ont droit: le rêve, la liberté et l’aventure. Charles Palantine ne sera pas élu. Son programme n’était pas assez convaincant. Peut-on attendre cela de la politique et des politiciens? Seul le cinéma et ses films créatifs pourraient le dire.

Reflets de nos sociétés, images de nos vies, le cinéma restitue tout ce qui est illisible.

Alain Penso est historien et journaliste de cinéma. Il a dirigé la revue Cinéma des événements. Documentariste, il tourne des films ethnologiques, notamment sur Salonique. Il a publié la première biographie de Patrick Dewaere (Patrick Dewaere, collection Têtes d’affiche). Directeur du festival international, Colombe d’or, du jeune cinéma.

 

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