Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Cordoue et ses paradis cachés

Écrit par Christiane Goor, The Epoch Times
15.05.2012
| A-/A+

  • L’eau est au cœur des jardins de l’Alcazar(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

En Espagne, alanguie sur les rives du Guadalquivir, Cordoue a conservé du sang maure dans ses veines andalouses. Elle mêle aux raffinements de l’art mauresque, hérités de 700 ans de présence arabe, le subtil parfum de ses jardins et la volupté poignante d’une mélodie flamenco. Un irrésistible pouvoir de séduction qui lui vaut d’être un joyau classé Patrimoine mondial par l’UNESCO.

Marcher au hasard, s’asseoir sur un banc, se laisser envoûter par la douceur sucrée de l’après-midi qui s’étire. C’est l’heure tiède. La ville s’éveille de la torpeur dans laquelle la plonge le soleil de midi. Cordoue est là, à portée de sens plus que de savoir. Dans les effluves des oranges amères et la pénombre des jalousies, dans l’alignement des pots de géraniums et le parfum entêtant des grappes de jasmin, dans le brouhaha des nuées enfantines qui ont envahi les rues, comme si elles s’ébattaient dans une cour de récréation. Se lever et épouser le rythme tranquille de la foule : des couples enlacés, des familles plus que nombreuses, des badauds oisifs, tous se fondent dans l’obscurité mauve des venelles qui semblent tourner sur elles-mêmes pour revenir à leur point de départ.

Une flamme dans la nuit

Soudain une voix jaillit dans le crépuscule qui enveloppe doucement la ville. Une lente mélopée rauque et mélancolique qui semble appeler à se réunir autour d’elle. Les passants guettent les accords de guitare qui l’accompagnent et s’engouffrent dans une impasse, le long de murs épais, blanchis à la chaux et percés de rares fenêtres occultées par des buissons fleuris qui dégringolent en cascade le long de la façade. Une porte ouverte découpe un carré de lumière dorée et invite à pénétrer dans une cour intérieure bruissante. Deux guitaristes, assis sur une chaise de paille, grattent leur instrument en tâchant de suivre le rythme d’une danseuse aux yeux sombres qui virevolte et frappe le sol de ses talons. D’autres femmes claquent des mains, attentives aux pas vifs, capricieux et légers de la jeune femme.

Le flamenco, lorsqu’il devient musique, est comme un feu dans les ténèbres, avec des comparses qui l’entourent, saisis par le sortilège de la guitare qui pleure au cœur de la nuit. Au mois de mai, Cordoue célèbre le printemps et l’éveil de la nature. Pendant 15 jours, le Festival des Patios ouvre les portes de nombreuses maisons privées. Une occasion exceptionnelle de découvrir la vraie Cordoue, celle qui se retire derrière d’épais murs blancs creusés d’ombres volatiles. Et la nuit se fait fête, car la ville devient un théâtre dont les acteurs improvisent leur rôle au gré des rencontres, dans une course joyeuse qui les promène d’un patio à l’autre, d’une taverne à l’autre.

  • Il suffit de traverser le pont romain qui enjambe le Guadalquivir pour découvrir une vue unique sur la mosquée.(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

Paradis cachés

Cordoue, une ville masquée où une baie dans un mur cache un passage qui débouche sur une placette en cul-de-sac, abondamment fleurie de jardinières accrochées aux murs chaulés. Au fil des rues, des grilles en fer forgé laissent apercevoir des cours ornées de colonnes, de fontaines, d’arcades, de pots de fleurs et de tableaux. Havre de paix et de tranquillité, le patio cordouan offre un lieu de vie clos où il fait bon se retrouver en profitant d’un ombrage bienvenu lors des étés toujours chauds dans le Sud andalou.

À l’époque romaine, le patio servait d’agora, de lieu de rencontre. Quand les Arabes ont conquis la péninsule ibérique, ils ont conservé le modèle de la maison romaine, mais ils ont décoré les cours de parterres de fleurs et y ont creusé des puits. Ces jardins clos sont devenus des espaces de repos et de divertissement. Toutes les pièces de la maison donnent directement sur la cour, soit à travers les fenêtres et les balcons, soit à travers les arcades qui soutiennent des galeries ouvertes.

Rumeurs, odeurs et couleurs, tels sont les axes autour desquels se décline le patio cordouan. Murmures des fontaines de marbre rosé ou de pierre recouverte de carreaux de faïence, chants des oiseaux enfermés dans de petites cages suspendues entre les arbustes. Parfums des célestines, des bougainvillées, des rosiers pimprenelles qui grimpent le long des murs et des colonnes. Ailleurs, ce sont des ficus, des orangers ou des citronniers qui s’accrochent sur un espalier. Des socles de pierre servent de support à d’autres jardinières, envahies de jasmins bleus et de lauriers roses. Certains murs sont recouverts de dizaines de pots de géraniums rouges qui s’élèvent si haut qu’il faut se servir d’une longue canne dont le bout maintient un récipient qui permet d’arroser les fleurs. Jardins raffinés qui explosent de couleurs délicatement parfumées et qui créent le miracle de la quiétude au cœur de la ville.

  • L’élégance et la finesse des arches superposées au cœur de la forêt de colonnes qui composent la mosquée sont étonnantes.(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

Les pierres des princes arabes

En 711, ils sont près de 9000 soldats, arabes et berbères, à débarquer sur les terres espagnoles. En cinq ans, par alliances, par mariages et par faits d’armes, les Maures s’emparent de toute l’Espagne wisigothique, héritière des cultures romaine et phénicienne. C’est ainsi que naît Al-Andalus, lumineuse terre de l’islam d’Occident. En 756, Abd el-Rahman, dernier héritier des Omeyyades de Damas, traqué par les Abbassides, nouveaux maîtres de l’Orient, se réfugie à Cordoue et y fonde une nouvelle dynastie. Cent cinquante ans plus tard, un de ses successeurs, Abd el-Rahman III, s’autoproclame Émir al-Muminim, prince des croyants, s’arrogeant ainsi le droit de régner sur la communauté des musulmans. Pour légitimer ses prétentions, il fait bâtir à Cordoue une mosquée qui devait rivaliser avec celles de Bagdad, de Damas et de Kairouan.

  • De nombreux patios sont jalousement gardés secrets derrière les hauts murs des venelles.(攝影: @ Charles Mahaux / for any information about this image please contac: Mahaux Photography Gelivaux 28 B-4877 OLNE BELGIUM - charles@mahaux.com)

Fortifiée derrière ses murailles rehaussées de créneaux, la Mezquita rayonne toujours au cœur de la cité. Dans la pénombre feutrée de ses nefs infinies, elle apparaît d’abord comme une forêt de colonnes – au nombre de 856 – d’arcs doubles, blancs et rouges, mille fois multipliés, dessinant dans l’espace des spirales ondoyantes. Dans cet espace qui ne propose ni centre ni symétrie, on imagine aisément la multitude de nattes qui autrefois couvraient le sol et on devine le murmure de la prière qui s’égarait dans ce labyrinthe silencieux de lignes confondues. Un univers impassible qui éveille une sensation de grandeur infinie et reposante.

Construite avec des piliers, des chapiteaux et des pierres des édifices romains et wisigothiques, puis décorée dans le plus pur style baroque arabe qui mêle harmonieusement moulures, mosaïques dorées, céramiques, arabesques et inscriptions, la Mezquita exprime l’essence même du califat de Cordoue. Une époque empreinte de tolérance, où musulmans, juifs et chrétiens cohabitaient et prospéraient. Opposés à toutes les ségrégations religieuses, les émirs et califes musulmans ont voulu ériger Cordoue en capitale du savoir. Poètes et musiciens, savants et juristes, penseurs et mystiques, tous se retrouvent à Cordoue, mus par une insatiable soif de culture.

Entre Orient et Occident

De l’extraordinaire passage des civilisations successives subsistent de nombreuses traces architecturales. Il suffit de grimper au sommet de la tour de la Calahora, sur l’autre rive du Guadalquivir, pour contempler Cordoue qui s’étire, étale et plate. Seuls émergent les campaniles des églises dont le carillonnement des cloches égrène le fil des heures.

Au-delà du pont romain qui plonge ses arches dans les eaux du Guadalquivir, surgit la muraille couleur sable de la Mezquita, surmontée d’un clocher qui remplaça l’ancien minaret, à l’époque où Ferdinand III ordonna le recyclage de toutes les mosquées d’Andalousie en édifices catholiques. À gauche de la Mezquita se dresse l’Alcazar, l’imposante forteresse édifiée par Abd el-Rahman pour protéger la ville. Plus tard, elle abrita le palais des rois catholiques et fut aussi le siège de la terrible Inquisition. Elle enferme entre ses murs d’élégants jardins, sillonnés d’allées, ponctués de bassins et de fontaines et agrémentés d’orangers et de parterres fleuris.

Autour de la Mezquita et de l’Alcazar, se déploie la vaste toile d’araignée dessinée par les différents quartiers de la ville. Plus près du centre, l’ancienne Judería, le quartier juif. Des juifs qui furent déjà sous le califat de riches commerçants et banquiers, avant de devenir par la suite les grands argentiers de la ville à la fin du XVe siècle, lorsque la Reconquista fut enfin achevée. En témoignage de cette ancienne présence hébraïque, subsiste dans la rue Maimonides une petite synagogue du XIVe siècle, qui a conservé intacte sa galerie réservée aux femmes et ses décorations murales en stuc mudejar qui mélangent des inscriptions hébraïques et des motifs géométriques. Plus loin du centre, vivaient les chrétiens, peuple d’agriculteurs qui exploitaient cette terre fertile en grains, vins et huiles parfumées.

Autant de quartiers à découvrir en flânant dans le dédale de ruelles étroites et impénétrables, aux murs crayeux, tapissés parfois de mosaïques bleutées, avec des fenêtres rehaussées de fer forgé et des petites places cernées de glycines. Chaque quartier sait dissimuler ses charmes et ses mille recoins secrets : le zoco, un ancien souk envahi des senteurs du jasmin et reconverti en marché municipal d’artisanat, une université aux contours monacaux, de multiples patios tissés de fougères et de rosiers grimpants. Entre mairie et marché, cathédrale et temple romain, ces vieux quartiers sont le pouls de la ville, là où naissent les rumeurs dans une atmosphère joyeuse et débridée, héritée de la tradition arabe.

Infos pratiques

Se loger – L’Hostal El Portillo, calle Cabezas 2. Une adresse sympathique et bon marché (30 euros la chambre double), à 5 minutes de la Mezquita.

L’Hostal Seneca, Conde y Luque 7. Une pension coquette autour d’un séduisant patio, avec en plus la possibilité d’y prendre le petit déjeuner (35 à 45 euros la chambre double).

Se restaurer – La «Taberna Sociedad de Plateros» calle San Francisco 6, offre de bons petits déjeuners à un prix correct. La «Taberna Salinas», calle Tundidores 3, propose de bonnes spécialités à prix doux, comme le bacalao aux oranges amères. Plus cher, «El Churrasco» Romero 16 , au cœur de la Judería, offre une vraie cuisine de terroir : salmorejo (gazpacho enrichi d’œufs durs), rabo de toro (ragoût de queue de taureau), espadon à la cordouane. On peut aussi fréquenter les bars à tapas ou l’art de manger sans en avoir l’air, à la Casa Pepe de la Judería et y déguster les aubergines au miel et les puntillitas (petits calamars frits).

Assister à un spectacle de flamenco – Tablao Cardenal, Torrijos 10, dans une ruelle qui longe la Mezquita. Tous les soirs sauf le dimanche, à partir de 22 h. Un spectacle de qualité, qui reste authentique. Important de réserver.

Le Festival des Patios – Cette année, il aura lieu du 2 au 13 mai. patiosdecordoba.net

Infos spain.info/fr/ven/grandes-ciudades/cordoba.html

 

 

 

   

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.