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Labour, lessivage et érosion

Écrit par Sandra Kunzli, Epoch Times
23.06.2012
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Depuis quelques années, une révolution s’installe dans les campagnes. La terre nourrit l’homme depuis 10.000 ans et pourtant, nous la cultivons de manière empirique, sans humilité, sans ménagement et sans respect.

Depuis cinquante ans, nous faisons de l’agriculture hors-sol, les agronomes l’ont ramenée à un support physico-chimique en balayant sa complexité.

Soi-disant indispensable afin de préparer la terre au travail pour le printemps, la question du labour semble tout de même très controversée. Le retournement de la terre et le gel permettaient de nettoyer les sols donc de tuer les «mauvaises herbes» et les cultures se trouvaient moins affectées en termes de production et de concurrence pour l’eau et les nutriments.

En le resituant dans l’histoire, nous pouvons constater que le labour est devenu fréquent et de plus en plus profond depuis l’arrivée des tracteurs à la suite de la seconde guerre mondiale. Désormais, il hante les terres agricoles. Les labours sont maintenant indispensables pour l’aération du sol, le décompactage, le nettoyage, la rapidité mais il semblerait que cela ne produise que l’effet inverse.

Les outils s’ajoutent aux tracteurs de plus en plus performants, s’ensuivent les désherbants et les pathologies liées à ces changements. Arrivent donc les engrais, les insecticides et pesticides en quantité énorme. Peu expérimentées mais très vite mises en circuit, ces nouvelles méthodes ont éradiqué les méthodes ancestrales et nourricières: la traction animale (qui ne tasse pas les sols et respecte la faune et la flore), le savoir, l’assurance, la liberté du choix des semences, leur reproduction et la valorisation du travail.

Aujourd’hui, notre œil s’est si bien habitué à cette agriculture que lorsque nous traversons les campagnes, nous ne nous interrogeons plus sur cette terre mise à nue et ce qu’elle subit…

La terre est l’un des trois milieux où s’épanouit la vie (avec l’atmosphère et l’eau) où circulent l’eau et les gaz. Sa nature organo-minérale la rend très complexe et fragile. Un sol vivant est un sol non perturbé par l’homme, fertile avec une intense activité biologique. Un écosystème parfait, équilibré et dynamique organise le sol selon une structure idéalement poreuse tout en étant solide, filtrante et aérée.

Les sols hébergent 90% de la biomasse totale. Ces principaux hôtes et acteurs, sont les vers de terre, principaux laboureurs. Viennent s’y ajouter: collemboles, acariens, myriapodes, diplopodes, vers, larves, araignées, cloportes, punaises… Le sol contient jusqu’à un milliard de micro-organismes par gramme et une à quatre tonnes de vers de terre par hectares. 

Les microbes et les champignons fabriquent l’humus en attaquant la litière. La décomposition de la roche-mère et de l’humus forme le complexe argilo-humique indispensable au développement de la flore. Une véritable entreprise s’activant à chaque moment à enrichir son environnement en se nourrissant de racines mortes, celluloses et lignines.

Le labour fait disparaître la couche d’humus superficielle (complexe argilo-humique), la matière organique, tout comme il éradique les champignons aérobies. Le contact des lames agricoles forme la semelle de labour, sur les sols humides, générant une compaction accrue; le poids des tracteurs et les vibrations compactent également le sol en profondeur; à cela s’ajoute l’effet du labour qui crée des crevasses, des fissures, des algues, de la mousse et la terre devient aussi dure qu’un rocher. De plus, il expose le sol à l’érosion, à la déshydratation et aux ultraviolets du soleil.

La matière organique se retrouve enfouie et se minéralise, rendant les nutriments inexploitables et lessivant les nitrates et le phosphore par ruissellement, polluant les nappes phréatiques. La conséquence directe est que le travail de labour fourni par les vers de terre aidant originellement le paysan, n’existe plus, puisque détruit à la base et l’aération du sol s’en trouve fortement perturbée.

En 6000 ans, deux milliards d’hectares de terre agricole ont été dégradés dont un milliard en seulement un siècle. Il faut savoir qu’un pays comme la France bétonne l’équivalent d’un département tous les ans.

Le désert couvrait 11% de la planète au début de l’agriculture et 32% maintenant, or nous savons que la population augmente et que les rations alimentaires sont déjà un sérieux problème pour un grand nombre de pays.

En 1950, deux tonnes de vers de terre par hectare remontaient deux tonnes de terre par jour, évitant aux éléments nutritifs de se lessiver et de partir dans les nappes phréatiques. En 2012, il ne reste plus que 100kg de vers de terre par hectare. La France est passée de 4% de matières organiques en 1950 à 1,3% de nos jours.

Lorsque l’on chasse la nature, elle riposte avec l’érosion, la salinisation des sols agricoles, les chutes de rendement, les inondations… Privé de vie, lessivé par les lois physiques, le sol s’acidifie et ne peut plus assurer la cohésion entre les argiles et les humus.

En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le travail de la faune est donc réalisé par les tracteurs, générant l’usage d’une importante quantité de pétrole et de main d’œuvre, sans parler des problèmes de battance (croûte de terre en surface, créée par le labour et la pluie, asphyxiant le sol et exigeant toujours plus d’eau et de chimie).

Une agriculture qui ne tient pas compte de la vie du sol n’est pas durable!!! Sans vie, nous assistons à la mort des sols.

 

Selon Claude Bourguignon, un agronome qui intervient auprès des agriculteurs et des vignerons et qui a quitté l’INRA pour lutter contre les agro-industries et défendre les droits des paysans et de la nature, lorsque les sols ruinés sont abandonnés par les hommes, on peut leur redonner une fertilité avec des arbres et des haies pour fournir le bois raméal fragmenté (BRF). Cela montre à quel point les destructions massives des haies ont participé à la mort des sols.

Les anciens pratiquaient «l’agro-sylvo-pastoral» qui est l’équilibre entre les champs, les prairies, les forêts et le bétail: le modèle le plus productif au monde.

Selon Pierre Rabhi, un écrivain, philosophe et agriculteur qui intervient à la demande de l’ONU dans le cadre de la convention de lutte contre la désertification, la perte du cheptel bactérien peut être restitué en remettant des levures, du compost bien fait qui est du levain bactérien, ainsi on refertilise les terres abîmées ou désertifiées.

En  50 ans, les sols mis à nu et les produits phytosanitaires palliant aux carences sont arrivés au bout du système. Les terres ne sont plus rentables et sont en agonie. Il faut changer!

Comme chacun le sait, pour apprendre, il faut observer et la nature nous montre le chemin à suivre. Outre le travail de la faune que nous avons expliqué ci-dessus, il y a le travail de la flore. L’agriculteur ne sait plus travailler avec les plantes indicatrices et les plantes dites améliorantes, comme les engrais verts respectueux du milieu naturel. Les racines travaillent le sol en surface, en profondeur, en aérant, décompactant et créant des galeries où l’eau pourra s’infiltrer; les plantes, quant à elles, restituent l’azote comme par exemple la phacélie, la féverole etc.

Il s’agit de Technique Culturale Simplifiée (TCS) ou Semis Direct (SD) qui sont des techniques sans labour sur sol vivant entre deux cultures. La terre n’est ni labourée, ni mise à nue, juste grattée.

Dans le semis direct sous couverture, on rajoute à la rotation des cultures celle des plantes de couverture en paillage. Les rotations (nouvelle culture remplaçant la précédente, ayant une famille et des besoins différents afin de ne pas épuiser le sol et d’éviter les maladies) sont longues et diversifiées.

Ainsi, aux céréales et aux légumes peuvent être ajoutés du radis chinois, du pois, du seigle après le chaumage pour nettoyer le sol, du trèfle, de la moutarde, de la vesce, de l’avoine, du scorbot, du lupin, etc.

Il s’agit également de marier les plantes entre elles comme le ferait la nature en équilibrant les différents besoins racinaires et atmosphériques de chacune. En voici un exemple: les aztèques plantaient le maïs avec le haricot, ainsi ce dernier s’accrochait à la tige robuste du maïs et le haricot restituait de l’azote, grâce aux nodosités des légumineuses, à l’image d’une symbiose. Entre les rangs étaient plantés des plants de courges, ce qui limitait les adventices et gardait le sol frais et humide.

En remplaçant le labour par le semis direct, on limite les adventices, on remonte le taux d’humus et toute la faune reprend son rôle pour le maintien de la fertilité des sols.

Les hommes ont hérité d’une terre en très bonne santé mais restera-t-il quelque chose à restituer à nos enfants? S’ils sont dans l’incapacité de se nourrir, si l’espace rural est totalement désertifié et toute forme de vie détruite, ils seront confrontés à une situation effrayante.

Malgré nos erreurs et notre entêtement, la terre, unique élément nourricier indispensable aux humains, continue à lutter contre sa destruction massive et à son génocide.

Toutefois, si des changements réels sont effectués dès maintenant par une agriculture de conservation, nous ne parviendrons certainement pas à effacer nos cinquante années de pratique, cependant nous lui laisserions la possibilité de se soigner et de continuer son rôle.

En alliant la forêt, les prairies permanentes, les engrais verts, le travail superficiel de la terre et en bannissant le travail profond des sols, les pesticides et engrais de synthèse, nous restituons les droits qui n’appartiennent qu’à la terre et aux autres éléments dont nous, les hommes, sommes tributaires et dépendants…

Pour en savoir plus:

«Le sol, la terre et les champs» de Claude et Lydia Bourguignon aux éditions Sang de la terre

«La révolution d’un seul brin de paille» de Masanobu Fukuoka aux éditions: Guy Trédaniel

«Paroles de terre ou Conscience et Environnement» de Pierre Rabhi

«Solutions locales pour un désordre global» de Coline Serreau, DVD

 

 

 

   

 

     

 

       

 

         

 

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