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Pourquoi le cinéma s’intéresse-t-il au Moyen-Orient?

Écrit par Alain Penso, apensodelavega@gmail.com
24.06.2012
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  • u00abSeconde femme» d'Umut Dag (2012): La femme, l'origine de l'homme peut-elle encore subir au XXe siècle les sévices machistes?(攝影: / 大紀元)

Les conflits au Moyen-Orient

Les différents conflits au Moyen-Orient – la Syrie, la Libye, Israël et ses voisins, l’Iran, les Kurdes, les Arméniens – suscitent des films qui sans les différends internationaux n’existeraient pas.

 

La crise d’identité économique et morale que traverse les pays du Moyen-Orient transparaît dans toute une production, où les fictions pénètrent l’intimité de la famille.

La guerre, la pauvreté, la recherche d’une société mieux gérée et plus démocratique, l’égalité de la femme et de l’homme, la coexistence pacifique avec les États voisins, la diminution de la souffrance grâce à l’aide des pays riches, la mixité religieuse des couples… sont les grands thèmes développés dans ces films, émanant souvent de productions assez modestes qui mettent un point fort sur le scénario, l’élément en définitif souvent le moins onéreux de toute la chaîne de production.

L’accusation d’injustice auprès des pouvoirs politiques et médiatiques

Dans L’Espoir (Umut 1970) et Yol, la permission, Palmes d’or à Cannes en 1982, Yimaz Güney, le cinéaste d’origine kurde, dénonce les injustices pratiquées par les autorités turques qui se font les avocats des classes riches et ne laissent aucun espoir aux minorités et aux gens modestes.

Le Moyen-Orient est traditionnaliste et surtout conservateur. Peu de femmes politiques figurent dans les assemblées. Ce serait, selon les hommes, une infamie pour la famille: sorte de clan où à l’extérieur règne l’homme et à l’intérieur les femmes qui ne doivent jamais prendre la parole ou une initiative sans la permission de leur époux. Elles doivent ainsi accepter toutes les humiliations que la famille leur impose, sans se plaindre. La justice doit être bannie si «le clan» s’estime déshonoré par trop de publicité. Les femmes sont les victimes les plus ignorées de ces sociétés où règne l’homme.

Les Femmes du bus 678

Mohamed Diab, jeune homme de 34 ans, est cinéaste et scénariste égyptien. Il a observé les dysfonctionnements dans la société égyptienne et en a fait un rapport critique pour permettre aux mœurs de son pays d’évoluer. Nul ne peut ignorer que les rapports entre l’homme et la femme conditionnent le développement de la modernité. Mohamed Diab, pour réaliser son film, a filmé des femmes persécutées par les hommes-harceleurs dans un bus. Le film Les Femmes du bus 678 (2011) a trouvé son sujet dans un procès retentissant intenté par une femme, à son agresseur. Le réalisateur a suivi l’un des rares procès pour harcèlement en Égypte, celui de Noha Rushdi qui a réussi à faire condamner son agresseur à trois ans de prison. Il a fallu à Mohamed Diab une dramaturgie qui fonctionne sans trop charger le théâtre des événements. Trois femmes, Fayza, Seba et Nelly, sont harcelées en permanence dans un bus. Elles subissent des attouchements sous le rire des hommes. Elles décident de s’unir pour combattre le machisme des hommes devant les tribunaux.

D’Umut à Almanya

En Turquie, au sein de la famille, la femme n’est pas particulièrement bien traitée. Cela ne concerne pas les grandes villes comme Istanbul ou Ankara, où la révolution des femmes a su gérer ces problèmes avec la société. Il s’agit des villages ou des petites villes dont la Turquie est richement nantie. Les Turcs se sont installés en Allemagne et en Autriche dans les années 1960, au moment où l’économie allemande devenait de plus en plus performante et concurrentielle grâce à la qualité de ses produits exportés dans tous les pays du monde. Almanya de Yasemin Samdereli (2012) filme trois générations d’émigrés turcs qui ont gardé leur nationalité d’origine et qui ont obtenu les papiers de leur nouvelle patrie. Entre plusieurs bains linguistiques, la famille Yilmaz a du mal à s’adapter, mais prend le temps d’aplanir les difficultés dans ce pays d’accueil résolument moderne par rapport au leur.

Quelques indices indiquent la place de la famille dans la société turque, une place indépassable: la première. La complicité entre la jeune femme enceinte et son grand-père est filmée avec sensibilité et sobriété.

Affronter le poids des traditions

Seconde Femme d’Umut Dag (2012), est un film sur l’enfermement de la femme vouée à une sorte d’esclavage. Au départ, elle n’a pas choisi sa vie, qui lui a été imposée comme une bonne solution pour son avenir. Elle a été presque vendue par sa mère qui ne voit rien d’anormal au fait que sa fille de 19 ans soit promise à un vieillard qui aurait pu être son grand-père. À partir de cet énoncé de problèmes futurs, va se dérouler une tragédie où les confiances abusées vont s’affronter.

Le Serment de Tobrouk de Bernard-Henri Levy (2012) est le second documentaire du philosophe, qui avait déjà réalisé Bosna (1994) où il filme une Bosnie attaquée de toutes parts, réfléchissant sur une possibilité de sortir de cette crise mortelle que le pays traverse. Dans Le Serment de Tobrouk, Bernard-Henri Levy s’active pour tenter de trouver une solution, comme s’il était un homme politique majeur. Il rencontre les hauts dirigeants du pays, soutient et installe des personnages sympathiques qu’il présente à Nicolas Sarkozy et lui demande d’intervenir, ce qu’il fera. Ce film rappelle Le Dictateur de Charlie Chaplin (1940).On ne peut pas éviter Bernard-Henri Levy. À chaque image, il apparaît comme dans un film burlesque. C’est très réussi et son côté orateur hors pair renforce cette impression d’un acteur politico-philosophe-écrivain. Bravo pour ce premier film tout en un. Son côté militant est touchant.

Le cinéma du Moyen-Orient révèle, à l’aide de ses fictions et de ses documentaires, l’état de cette poudrière, comme le furent en leur temps les Balkans. La température, grâce à l’art cinématographique, peut être prise à tout moment.

Derniers Jours à Jérusalem (2010) est réalisé par Tawfik Abu Wael, cinéaste palestinien dont c’est le deuxième film après Atash (2004). Le réalisateur délivre un message au travers de l’histoire d’un couple qui connaît des déboires dans un univers d’attente de décisions. Le film commence par un avortement. Une jeune femme consulte un chirurgien, elle obtient de lui qu’il l’accompagne chez un de ses collèges, mais n’ayant pas de papiers en règle, ils se font arrêter. Le ton est donné. L’impossibilité de vivre avec des frontières permanentes, des contrôles, des attentats. Toute la question des relations entre les différentes ethnies se pose pour que les hommes et les femmes puissent vivre une coexistence pacifique sur la terre.

Le réalisateur a filmé avec précision et insistance des lieux où les murs traversent des terrains où nul ne peut plus vivre.

Un Amateur (Habib Chams, 2011)

De petites perles surgissent parfois des courts-métrages et nous renseignent sur le passé d’un cinéma disparu. Dans un modeste studio de photo, avec un simple matériel de tournage et de montage, Habib Chams, âgé de 72 ans, enregistre sa propre histoire du cinéma libanais, un cinéma totalement inconnu des Occidentaux. Habib Chams appartient à la génération des réalisateurs qui ont débuté dans l’industrie du cinéma libanais dans les années 1950 et 1960.

Ce documentaire au traitement original tente de faire sortir de l’oubli le travail d’un cinéaste, afin que l’histoire du cinéma s’enrichisse de la connaissance du cinéma d’un pays qui a connu des heures de gloire. Le cinéma libanais a périclité suite à ses faibles moyens, mais surtout à cause des pressions répétées exercées par l’Égypte qui menaçait de ne plus envoyer de films aux distributeurs libanais pour alimenter leurs salles, s’ils continuaient à soutenir les productions libanaises.

Alain Penso est historien et journaliste de cinéma. Il a dirigé la revue «Cinéma des événements». Documentariste, il tourne des films ethnologiques, notamment sur Salonique. Il a publié la première biographie de Patrick Dewaere (Patrick Dewaere, collection Têtes d’affiche). Directeur du festival international, Colombe d’or, du jeune cinéma.

 

 

 

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