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Le cinéma de l’imaginaire peut-il répondre aux énigmes de l’avenir?

Écrit par Alain Penso, apensodelavega@gmail.com
06.08.2012
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  • The Amazing Spider-Man de Marc Webb (2012). u00abDes grands pouvoirs exigent de grandes responsabilités».

Depuis de nombreuses années, nos sociétés sont en proie à des questionnements sur la survie future de l’homme confronté aux ravages de l’environnement. Celles-ci produisent avec succès des films de science-fiction, des œuvres fantastiques et des ouvrages issus d’un imaginaire lyrique. Aujourd’hui, dans les films de fiction, l’aspect social se trouve renforcé par les craintes du chaos dans la nature. Pour remédier aux déraisons des sociétés technologiques, il fallait inventer des héros qui sauveraient le monde de toutes les incompréhensions de l’existence. Si aucune résolution n’est prise par les pouvoirs en place, le cinéma tente pourtant de calmer la soif du public quant à ses interrogations sur l’avenir, face aux catastrophes phénoménales qui sont sur le point de se produire.

De la bande dessinée au film

Marvel enterprises est l’une des principales maisons d’édition de bandes dessinées appelées comic books. Parmi les personnages de Marvel, figurent les célèbres Spider Man, X-Man, les Quatre Fantastiques, Hulk, Thor, Captain America, Iron Man, Daredevil et de nombreux autres. La plupart de ces personnages évoluent et interagissent dans le même monde fictif appelé l’Univers Marvel Comics. Marvel Comics est aussi le titre du premier comic book publié par Timely Comics en octobre 1939.

Les studios Marvel mettent en scène des personnages inspirés des Comics. Ils se sont donnés pour mission de changer positivement l’image de l’Amérique et de la soutenir dans son effort de vouloir rehausser son image. Les États-Unis doivent afficher une politique honorable face à leur puissante alliée, la Chine, qui représente des centaines de millions de consommateurs, voire un chiffre atteignant plus du milliard. Il faut pouvoir affronter économiquement ce géant qui s’éveille peu à peu d’un si long sommeil. Il est indispensable pour les grandes puissances de définir une politique plus humaine. Elles rencontrent encore trop d’oppositions de la part des dirigeants chinois en place qui désirent conserver leurs privilèges coûte que coûte... Les droits de l’homme dans l’un des pays les plus peuplés du monde ne sont pas respectés. Toutes ces craintes se trouvent alors enfouies dans les codes secrets des films de science-fiction et des films fantastiques.

The Avengers de Joss Whedon (2012) réunit plusieurs héros  venus sauver la terre de la destruction. Envahi par des extra-terrestres qui sont une sorte d’étrangers, le monde est à la merci de monstres dont le souci est d’aliéner les êtres humains en les transformant en esclaves. Il est intéressant de noter que les personnages ont des origines différentes. Capitaine America (2011) est l’archétype du super héros patriote soucieux du bien-être de ses concitoyens. Sa mission est de sauvegarder l’image d’une Amérique triomphante et juste, certes de façon moins pertinente que les personnages de Franck Capra dans Mr Smith au Sénat (1939), L’Extravagant Mr Deeds (1936) ou bien encore La Vie est belle (1946) dans lequel apparaissait un ange qui empêchait un homme de mettre fin à ses jours. Il faut noter que les sujets des films fantastiques et des super-héros vont être détournés suite à la vente en 2009 de la société de production Marvel à Disney pour la somme de 4 milliards de dollars.

Le retour de Spiderman

Spiderman, dans The Amazing Spider-Man de Marc Webb (2011), tente de trouver une solution aux excès des scientifiques qui imaginent rendre l’homme résistant à tous les maux. Ici un savant expérimente une molécule capable de faire pousser des organes manquants ou défectueux. Il a d’ailleurs lui-même perdu un bras dans un accident et espère trouver un remède qui lui permettra de prétendre à une nouvelle vie. Spiderman, dans cette nouvelle version, ne s’embarrasse plus de problèmes psychologiques trop profonds. Le temps n’est plus à la réflexion, semble dire le film, mais à l’action immédiate, sinon il sera trop tard pour sauver le monde.

Les fantasmes profonds des scénaristes expriment les nécessités de l’action afin de pouvoir remédier sans tarder aux dommages qui se profilent et aux dangers qui émanent de toutes parts.

L’humanité ne peut plus attendre sans agir, si elle veut améliorer ses conditions de vie. À l’inverse du film Spider-Man (2002) de Sam Raimi, d’après l’œuvre de Stan Lee sur un scénario de David Koepp, Marc Weeb, dans sa nouvelle version, met en scène un héros qui passe sous silence ses origines, mais révèle à sa bien-aimée sa véritable identité. En dix ans, l’action a chassé une grande partie de la dimension psychologique de l’histoire: le mystère des êtres est presque réduit à zéro. Spiderman ne dit pas que le père de sa petite amie lui a demandé de s’éloigner de sa fille pour la protéger des ennemis qui pourraient l’atteindre. Dans la première version, l’oncle de Parker-Spiderman lui dit: «De grands pouvoirs exigent de grandes responsabilités». Dans la seconde version, Mary Jane, l’amie de Spiderman, révèle qu’elle se doute que son père lui a dit de s’éloigner d’elle.

À chaque problématique posée par le film, correspond une réponse. Nous sommes dans un cinéma «prédigéré» où les désirs de notre société sont clarifiés et  les zones d’ombres bannies.

  • The Avengers, premier long métrage réunissant pour la première fois à l'écran plusieurs super héros pour contrer une invasion d'extra-terrestres.

Dans le métro, Spiderman prend immédiatement conscience de sa force. Il n’y pas de période latente pendant laquelle l’adolescent s’essaie à ses nouveaux pouvoirs. Il combat immédiatement des voyous venus l’agresser. Il n’a aucun regret à prendre la place d’un stagiaire, Evan, injustement évacué pour troubles publics et qui ne demandait qu’à assister à une conférence. Une certaine morale n’est pas spécialement respectée dans ce film.

Dans Thor, de Kenneth Branagh (2011), le personnage principal doté de pouvoirs est un dieu exilé depuis la planète Asgard et entretenant des relations d’amitié avec l’astrophysicienne Jane foster. Son frère Loki veut s’emparer de la couronne d’Asgard afin d’attaquer la Terre puis la détruire. Ce film fait songer au film de Richard Fleisher Les Vikings (1958), dans lequel Kirk Douglas et Tony Curtis s’affrontent sans connaître leurs liens de parenté. Thor est tel un Viking et son marteau aux vertus magiques fait songer aux contes d’outre-Rhin.

Superman, le héros le plus crédible

Le plus crédible de tous ces héros semble être Superman de Richard Donner (1978). Les racines de ce personnage sont puisées dans des sources plus vraisemblables que celles des autres super-héros. Même si sa force dépasse l’entendement, la formation de son esprit et de sa morale sont parfaites. L’homme normal ne pourrait prétendre à ce statut. Dans la vie, il est journaliste et s’appelle Ken Clark. Il vient de la planète Krypton qui a explosé et dont il est le seul survivant. Son père Jor-el est un scientifique qui n’a pas pu convaincre les dirigeants de sa planète de l’imminence de la catastrophe et décide de sauver son fils unique Kal-el, en le plaçant dans une sonde spatiale  afin de quitter la planète avant sa destruction. Il atterrit sur Terre et est recueilli par un vieux couple – les Kent – qui l’élèvent et le rebaptisent Clark. L’histoire de ce héros écrit par Jerry Siegel et Joe Shuster est vraisemblable. Les pouvoirs de Ken sont considérables, mais rien ne peut exclure qu’un être humain dans un futur proche ne puisse posséder ses capacités hors normes sur une autre planète située au-delà du système solaire.

Ces films sont des scénarios presque fantastiques, un peu éloignés de la science-fiction dont les fondements se trouvent dans une réalité exagérée où l’imagination galope. Mais la réalité rattrape très vite les histoires que l’on croyait être des balivernes. 2001 L’Odyssée de l’espace (1968) de Stanley Kubrick, en dehors de son côté fantastique, est proche d’une réalité tangible. Ce film ayant été réalisé il y a plus de quarante ans, il demeure pourtant encore d’actualité.

La défense de l’environnement

Dans Silent Running de Douglas Trumbull (1972) avec Bruce Dern, Freeman Lowell s’occupe de faire pousser des forêts avec des chercheurs aidés par des robots à bord du transporteur Valley Forge.

Sur Terre, toutes les formes de végétations ont disparu. Des serres géantes permettent de conserver les espèces rares. L’arche de Noé des temps modernes n’est pas une vraie fiction, les forêts amazoniennes sont en voie de disparition. Ces serres de conservation pourraient être une solution d’avenir. L’homme pense le présent et rarement le futur, c’est ce qu’explicite le film.

Dans Prometheus de Ridley Scott (2012), des explorateurs scientifiques cherchent l’origine de l’homme. Leur voyage les mène à des conclusions effroyables. Les décors sont stupéfiants de beauté. Ridley Scott est loin de cette réussite absolue qu’avait été Alien, le Huitième passager (1979) dont le contenu et la forme étaient très dynamiques et laissaient entrevoir un futur possible. Avec un excellent suspense, Blade Runner de Ridley Scott (1982) décrit des robots construits pour ressembler aux hommes. L’imitation est si réussie qu’il faudra bientôt des experts pour les reconnaître.

Plus près de notre temps, Raoul Ruiz circule dans le rêve et atteint la mort. La poésie est sa seule possibilité pour atteindre l’extrémité de la vie si difficile à évaluer. La Nuit d’en face (2012) est un film autobiographique qui résume toute son œuvre. Dans un scénario émouvant et drôle à la fois, le réalisateur ne comprend pas pourquoi les êtres disparaissent sans prévenir leurs proches.

Cette fiction contemplative s’appuie sur les imaginistes, groupe d’écrivains se situant à l’opposé du naturalisme régnant dans les années quarante et cinquante, et est d’une inspiration totalement libre, ce qui constitue un défi stimulant. Dans une salle de classe, des personnages issus de ce mouvement littéraire pratiquent les yeux fermés des jeux de mots.  On compte parmi eux Jean Giono qui prend part aux joutes poétiques avec ses amis. Il en ressort un côté fantastique puisque les protagonistes seront bientôt montrés comme des morts qui racontent des histoires dans l’esprit des vivants.

Entre le réel et l’imaginaire, La Nuit d’en face est un savant mélange de temporalités et de genres. Raoul Ruiz, véritable enfant âgé de 70 ans pour lequel le cinéma était un jeu, n’a jamais imaginé vivre sans sa mère Olga qui mourut à plus de 90 ans, déclenchant chez lui un cancer. Il disparaîtra en aout 2011 en laissant derrière lui une œuvre cinématographique poétique qui n’est pas sans rappeler certains films du Belge André Delvaux, comme Un Soir un train (1968).

Science-fiction et fantastique permettent de décoder des éléments désordonnés du présent  afin de lire l’avenir. La poésie parvient à donner quelques clés pour résoudre les hésitations entre le réel et l’imaginaire, fondement même de la vie et de notre existence. Le septième art met en perspectives tous ces éléments.

Alain Penso est historien et journaliste de cinéma. Il a dirigé la revue Cinéma des événements. Documentariste, il tourne des films ethnologiques, notamment sur Salonique. Il a publié la première biographie de Patrick Dewaere (Patrick Dewaere, collection Têtes d’affiche). Directeur du festival international, Colombe d’or, du jeune cinéma.

 

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