Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Le film proche du documentaire?

Le cinéma a opéré un virage vers la réalité quotidienne

Écrit par Alain Penso, apensodelavega@gmail.com
19.09.2012
| A-/A+
  • u00abSuperstar» de Xavier Giannoli (2012): Un anonyme devient soudain célèbre, sans savoir pourquoi

La société n’est plus du tout celle que prônait Disney dans les années cinquante à travers ses films. Les scénaristes se sont rendus compte que leurs scénarios ne fonctionnaient plus et ronronnaient dans une sorte de médiocrité, guidés par le plus mauvais élément qui forge un film dans sa création: l’argent.

Entre 1933 et 1938, Franklin Roosevelt, dans ces années de crise, met en place en plusieurs phases, une politique humaniste.

Les scénaristes de films et de concert allaient-ils continuer à livrer des films de spectacles «acidulés» ou «à l’eau de rose», à l’image des multiples comédies musicales, certes magnifiques mais outrageusement gaies pour les circonstances tragiques que traversait le pays.

Toutefois, les États-Unis demeuraient la référence en matière de cinéma et le premier exportateur mondial de films de fiction.

Les acteurs n’étaient plus payés modestement, bien au contraire et leur popularité s’accroissait. Pour Gary Cooper et James Stewart, deux très grandes stars, Frank Capra confectionnera des personnages emblématiques en phase avec la société de l’époque.

Mais Frank Capra, réalisateur, salarié des studios, était l’un des rares cinéastes à avoir pu exercer son métier dans la plus grande liberté.

John Ford lui-même, le maître du western, s’est adapté à son temps en mettant en scène des problématiques de la société américaine telles que l’assassinat des indiens par l’armée des États-Unis dans le seul but de leur voler leurs terres (Les Cheyennes, 1964).

Sur le plan intérieur, John Ford a décrit les années de dépression suite au crash de 1929 dans Les Raisins de la colère (1940).

Plusieurs cinéastes devenus classiques ont compris, souvent inconsciemment, que la survie des films dépendait de leur contexte social, mais aussi de la profondeur des sujets traités.

L’implication des scénaristes dans la société se fait lentement. Ils puisent de plus en plus dans des histoires vraies qu’ils adaptent pour en donner une résonance actuelle.

Dans Monsieur Flynn de Paul Weitz (2012), avec Robert de Niro, Paul Dano et Julianne Moore, le réalisateur décrit le père d’un fils fragile, Nick Flynn qui travaille dans un centre d’hébergement pour sans-abris et qui y croise son père, Jonathan. Les relations vont se révéler complexes entre le fils et le père. Monsieur Flynn est adapté du roman autobiographique de Nick Flynn, Another Bullshit Night in Suck City (2004).

Dans Superstar de Xavier Giannoli (2012) avec Kad Merad, Alberto Sorbelli et Cécile de France, un inconnu devient contre son gré, la vedette de tous les médias.

Woody Allen avait tourné un sujet similaire avec subtilité, To Rome with Love (2012) avec Roberto Benigni. Le film ne s’attarde pas sur les détails. Il va à l’essentiel sans entacher les scènes de grands débats sans intérêt.

Les États généraux du film documentaire de Lussas 2012

C’est un festival exceptionnel dans lequel s’affrontent toutes les idées sur le documentaire actuel, confronté à la crise d’identité.

Plusieurs sections ont permis de voir des films très différents et très formateurs du point de vue de l’information historique et sociologique: histoire du doc, la route du doc, expérience du regard.

Une des questions cruciales posée pendant cette manifestation: Nécessité de la critique?

Question essentielle traitée en atelier autour de Jean-Louis Comolli, cinéaste, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, Antoine Guillot, journaliste de cinéma et de bande dessinée, producteur de presse culturelle sur France-culture, producteur de la revue de presse La Dispute; Christophe Kantcheff, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Politis; Cédric Mal, directeur de publication du blog Documentaire.

Des personnalités toutes différentes mais liées par la question «pourquoi faut-il une critique? Et laquelle?»

Il en ressort que la critique ne devrait pas être telle un médecin qui prescrirait des médicaments: allez voir matin et soir tel film à petite dose, et quant à celui-ci, il est possible de le revoir car c’est une nouvelle version. Il faut combattre la démagogie qui altère le jugement et éviter les discours paternalistes.

Pour qu’un film puisse être une œuvre d’art aujourd’hui il faut que ce film possède des modes de représentation qui lui soient propres, qu’il constitue une intrigue au regard de l’histoire du cinéma.

Très complexe et très dense, cet atelier a permis de mettre à plat les contradictions de la critique face à l’amateur de cinéma médusé par les positions politiques et esthétiques de certains journalistes, mais aussi ses bienfaits… Le critique peut être «un passeur»: faire connaître une œuvre, signaler une œuvre inconnue, expliciter une œuvre très difficile à décrypter...

Les films

Les Ensortilèges de James Ensor (2010) de Nora Philippe et Arnaud de Mézamat, un film magnifique sur la peinture à travers le caractère fantasmatique du personnage qui est en prise à toutes les fantasmagories, au travers des couleurs outrancières. Nous suivons ainsi la silhouette du peintre James Ensor qui hante encore, tel le fantôme de l’Opéra, la digue d’Ostende. Le comédien est fort bien choisi, la voix de Jean-Quentin Châtelain portant les textes du peintre avec une belle esthétique vocale. Marie-Jeanne Séréro y a parallèlement composé une musique d’une beauté envoûtante. Il faut l’avouer, cette jeune femme belle, distinguée, modeste, pleine de finesse jusque dans ses expressions, a imprimé son image, tout comme le peintre dans ses tableaux, afin d’amener plus loin l’œuvre cinématographique: que dire alors? Bravo!

  • u00abMonsieur Flynn» de Paul Weitz avec Robert de Niro (2012): Peut-on être encore un poête aujourd'hui sans devoir devenir SDF?

Il y a des films qui cependant, forcent l’entendement: celui de Peter Entell, Ailleurs, ma maison (2012) fait partie de cette catégorie. Ce film conte l’incroyable destinée d’un couple hors du commun après la seconde Guerre mondiale: Loïs joue au théâtre et dans des films à Hollywood et son mari Edgar Snow est mondialement connu en tant que pionnier et passionné par la Chine, il est le premier journaliste à avoir filmé et interviewé Mao Zedong. Cependant, il est soupçonné par les autorités américaines de sympathiser avec les communistes, alors qu’il ne faisait que son travail de journaliste. Le couple Snow apprend ainsi qu’il est sur la liste noire. Face à des intimidations et fouilles incessantes, Lois et Edgar Snow décident de s’exiler et partagent leur temps entre les États-Unis, la Chine et la Suisse. Edgar Snow aura tout de même rendu de nombreux services aux autorités américaines. Un peu plus tard, il permettra à Nixon de se rendre en Chine et de signer un pacte d’amitié sino-américain.

Peter Entel nous offre là un grand et beau film, empreint de talent.

L’Homme et l’Etang de Caroline Sarrion (2012), retrace l’histoire de la pêche lors d’une confrontation entre les moyens de l’État et un artisan pêcheur seul en Corse au bord d’un lac.

Voilà un beau film esthétiquement bien réalisé, et surtout convaincant.

Vers à Soi d’Ilana Penso de la Vega est un petit film dépassé par les propos brillants de son personnage, le poète lui-même. Il fallait s’y attendre, Serge Chitrit, le poète, vient de publier aux éditions Berg International, M. ou La Rencontre Eidétique.

Le livre est aussi simple que le titre est compliqué, mais il se peut qu’il s’agisse là d’un effet du poète lui-même qui joue avec la complication. L’un de ces poèmes illustre la dichotomie:

Un enfant s’en va au loin

Un enfant s’en va au loin

Il ne pleure pas,

Il ne sait pas

Qu’un jour,

Il oubliera ce pays,

Qui l’a vu naître,

Et disparaître.

Ce poème est une sorte d’appel d’air cinématographique dans un contexte actuel où la violence inonde les écrans, notamment avec Killer Joe de William Friedkin (2011), inspiré d’une pièce du dramaturge Tracy Letts qui en signe également une adaptation pour le cinéma. Film sombre sur la famille et la situation chaotique que rencontre l’Amérique, on ne peut rien faire d’autre que de vivre dans une violence permanente pour garder sa place parmi toutes les nations. Friedkin pourrait presque ainsi inventer un nouveau mot: «La craintitude»…

L’explosion des sciences humaines en 1968 a permis de produire d’autres disciplines comme l’analyse de films, la sociologie et l’ethnologie qui se sont séparés de la philosophie afin de prendre leur indépendance. Jean Rouch et d’autres s’en sont ainsi donnés à cœur joie.

Marc Ferro, dans les années soixante-dix, avec la mise en avant du cinéma comme matériau de décryptage de notre société, a complètement bouleversé le schéma directeur que proposaient le livre et les archives. Cela n’a pas eu d’incidences sur l’histoire du Moyen-Âge, mais bien sur l’histoire contemporaine. Marc Ferro, avec son histoire de la révolution Russe, a, bien avant ses confrères historiens, remis en cause certaines certitudes historiques.

Il est incontestable aujourd’hui que le questionnement sur l’avenir de nos sociétés est si incertain, que les gouvernements eux-mêmes s’interrogent sur l’énergie, l’économie ou encore l’éducation, l’habitat et les transports. Le spectateur souhaite donc connaître les figures possibles que le cinéma se propose de lui présenter. Ainsi le spectateur futur pourra, grâce au documentaire ou à la fiction documentaire qui subit l’érosion de l’imaginaire et à cause de la crise, se voir exposer les problèmes actuels.

Alain Penso est historien et journaliste de cinéma. Il a dirigé la revue Cinéma des événements. Documentariste, il tourne des films ethnologiques, notamment sur Salonique. Il a publié la première biographie de Patrick Dewaere (Patrick Dewaere, collection Têtes d’affiche). Directeur du festival international, Colombe d’or, du jeune cinéma.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.