La troisième réalisation cinématographique de Podz (10 1/2, Les sept jours du talion) se faisait attendre. La plus récente interprétation de Marc-André Grondin (C.R.A.Z.Y., Bus Palladium, Le premier jour du reste de ta vie) tout autant. Dans un climat d'expectative, le public à toutes les raisons d'exiger beaucoup de ces deux figures du 7e art québécois. L'affaire Dumont, produit par Nicole Robert (LA VIE, la vie, Tout est parfait, Les Aimants, Québec-Montréal), refait vivre une tranche de notre histoire récente du Québec, le tout dans une intimité déconcertante, livrée par des personnages poignants. De l'autre côté, la contribution d'envergure au cinéma d'ici réalisée par Podz (Daniel Grou) procure chez le spectateur un sentiment de fierté et de contentement.

Michel Dumont (Marc-André Grondin), un livreur de dépanneur, séparé et père de deux jeunes enfants, est accusé, jugé et condamné pour une agression sexuelle qu'il nie avoir commis. En cours de procédure, il s'éprend de Solange (Marilyn Castonguay : Le Gentleman, 1, 2, 3 Géant!, Vertige), une jeune mère monoparentale, qui croit en son innocence. Pendant qu'il purge sa peine de prison, elle le marie et s'attaque à la tâche colossale de le faire acquitter. Une version contemporaine de David et Goliath qui se déroule sur dix ans et qui n'est pas sans lourdes conséquences sur la notion d'innocence.

Marc-André Grondin poursuit bel et bien son ascension en tant qu'acteur. L'affaire Dumont lui procure une nouvelle occasion de franchir une autre cime. Méconnaissable par un look gravé dans le rock des années 1980 («coupe Longueuil», moustache et énormes verres fumés), mais aussi pour sa capacité d'incarner un personnage réel jusque dans ses moindres manies et expressions les plus retenues.

Le lien entre Grondin et Castonguay s'avère être tissé très serré, créant un bouleversement de réalisme à chaque passage à l'écran. Sarianne Cormier, métamorphosée en Céline Boisvert, l'ex-femme de Dumont, et Kathleen Fortin, dans la peau de la présumée victime de Dumont, donnent toutes les deux une interprétation à fleur de peau pour le peu qu'on peut les voir dans le film. Geneviève Brouillette (Diva, Rumeur, Mauvais Karma) joue Me Nathalie Duperron-Roy. Son apparition est plutôt courte, mais convenable. Son «vrai» rôle au sein de la production n'est pas celui de la distribution, mais celui de productrice associée. L'apparition de Claude Legault (Minuit, le soir, Les sept jours du talion, 19-2) et de Martin Dubreuil (Les sept jours du talion, 15 février 1839) montre bien que Podz ne se détache pas si facilement des gens avec qui il a aimé travailler.

Le montage de retours en arrière multicouches et l'incorporation de moments réellement médiatisés intégrés de façon impromptue à la fiction prouvent que Podz continue d'innover. La patience de sa caméra et sa signature transformant chaque séquence d'un quotidien lourdement défavorisé en une fosse à émotions l'amènent à n’avoir à peu près aucun rival dans le monde du cinéma et de la télévision.

Dans L'affaire Dumont, Podz tire le plus de lumière qu'il peut d'une grande noirceur vécue et qui a toutes les probabilités de survenir à nouveau. Il expose sans détour une dénonciation contre l'injustice, tout en faisant une place de choix à la valeur de la justice. Il faut dire qu'il arrive à refaire ressortir avec humanité le personnage de Michel Dumont dans un contexte de déshumanisation quasi total, il a su le démontrer à plusieurs reprises dans sa carrière. Il prend également soin de rendre justice aux vertus que Solange et Michel Dumont possèdent, en plus de mettre sur grand écran une rare histoire d'amour véridique qui saura apporter une bonne part d'humilité dans chacune de nos vies. Merci au travail prodigieux de la scénariste Danielle Dansereau (19-2, Le Monde de Charlotte, Le négociateur).

La trame sonore se résume à quelques harmonies simples de piano, mais laisse le silence l'emporter sur le reste. Cela rend la réflexion inspirante et donne une expérience émotive double. Une dose juste d'informations concernant Michel Dumont et les autres gens impliqués dans cette affaire clôture le film en donnant une perspective sujette au débat plus poussé et à un intérêt social plus enraciné.

L'affaire Dumont compte une bonne part de ses scènes à même la cour de justice et à d'autres endroits où Michel Dumont aura droit à différents verdicts les plus pénibles les uns que les autres. On le retrouve de même dans sa vie dans son quotidien de pauvre diable, toujours équilibré avec une atmosphère remplie d'amour véritable.