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Renoir ou la transmission de l’amour

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
02.01.2013
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  • Un hommage à la transmission, celle de la peinture au cinéma, mais aussi de l’amour. (ducotedesrenoir)

Encore un bout de chemin. Accompagnés d’une jeune fille à la chevelure rousse, nous nous approchons d’un grand portail grillagé. Et voilà que les battants s’ouvrent sur un jardin boisé. Elle y est, elle franchit le seuil et pénètre dans ce nouveau domaine qui va changer sa vie. La voilà dans le monde de Renoir. Elle s’appelle Andrée.

Andrée Heuschling a été le dernier modèle de Pierre-Auguste Renoir (1841-1919). Elle apparaît dans sa vie en 1915. Après la mort de sa femme, l’absence de ses deux fils blessés à la guerre et la maladie qui envahit son corps et le paralyse. C’est elle qui redonnera au vieux peintre l’envie de peindre, donc de vivre.

C’est à cette période que le film Renoir nous conduit, à la découverte du peintre et de sa palette vivante: sa famille, ses trois enfants, Pierre l’acteur, Jean le cinéaste et Claude, Coco comme tout le monde le nomme, qui deviendra comme son père au début de sa carrière céramiste (avec un jeu remarquable du jeune Thomas Doret).

La palette comprend aussi ce monde de femmes qui l’entourent et le soignent avec un amour maternel, ses «domestiques-modèles» et comme dira l’une d’elles à son dernier modèle: «Ici, tous les modèles finissent par être domestiques et les domestiques, modèles».

À la rencontre d’un monde de couleurs

Le spectateur entre dans ce film, réalisé d’après le roman de Jacques Renoir, l’arrière-petit-fils du peintre, Le tableau amoureux – comme dans un conte de fées, un tableau magique. À partir de là, il rencontrera un monde de couleurs, de lumière et de chair. Partout se trouve la beauté: dans la couleur diluée dans un verre d’eau, dansant se dilatant, changeant de formes, se cachant dans les fruits croqués par les femmes, rouges, oranges, verts, dans l’herbe cambrée par le vent, dans les feuillages brillants aux derniers rayons du jour; aubes ou crépuscules la lumière change, se reflète dans l’eau comme des rayures argentées, elle pénètre par les branches des oliviers pour animer les visages, baigner les corps nus, se faufilant par les dentèles des rideaux: douce ou éblouissante, joyeuse ou menaçante. Renoir est le peintre amoureux de la lumière. La vraie lumière, car il refuse de peindre à la lumière artificielle. Mais la beauté est aussi dans le poisson éventré, le lapin suspendu dans les pots en terre cuite ou dans un citron posé sur la table – nature morte. Or, à cette époque, Renoir est surtout le peintre des femmes, «moi il me faut du vivant», dit-il, «j’aime le velouté de la peau d’une jeune femme»: des femmes rondes, jeunes ou âgées, rousses ou brunes, à la peau nacrée, veloutée, habillées ou nues. Et par-dessus les mouvements longs et lents de la caméra, telle la caresse du pinceau sur la toile, il restitue un bonheur fluide et sensuel. Cela fait penser à une des phrases de Renoir qui d’ailleurs parmi d’autres ornent l’espace Renoir à Essoyes: «Quand le modèle est installé, je tourne autour et je m’arrête sur un point de vue que je n’avais pas prévu». Et puis il y a aussi la magnifique musique d’Alexandre Desplat, ne laissant pas une chance au spectateur d’oublier que malgré les belles images, la maladie ronge le peintre de l’intérieur et la guerre dévore le pays à l’extérieur.

  • Bien que paralysé par la maladie, le peintre capte toujours merveilleusement la beauté des choses dans ses oeuvres. (ducotedesrenoir)

Un hommage à la transmission

Et voici que quelques temps après, Jean, le deuxième fils du peintre, rentre, blessé de guerre. Il passera par ce même grand portail à deux battants et tombera amoureux d’Andrée, aimée également par le peintre. Commence alors le trio à huis-clos. Jean, qui a selon le film un caractère assez fragile et incohérent, comme en témoignera Sophie Renoir l’arrière-petite-fille de Renoir, deviendra le cinéaste que l’on connaît afin de réaliser le rêve d’Andrée de devenir une star. Le film sera donc également un hommage à Jean Renoir dont le film Le Fleuve (1951), a beaucoup marqué Gilles Bourdos, le metteur en scène. Un hommage au père, un hommage au fils et à la femme entre les deux: cette femme qui a inspiré l’un à la fin de sa vie et a poussé l’autre au début de sa carrière. Et surtout un hommage à la transmission, celle de la peinture au cinéma, mais aussi de l’amour pour une femme, pour la beauté, pour l’art.

Renoir est un joli film ancré dans un paysage méditerranéen qui veut s’inscrire dans la lignée des films biographiques sur les artistes, sans s’engager dans les détails (La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956), de Vincente  Minnelli par exemple). Cela explique aussi le fait que le magnifique cadre du tournage, le domaine du Rayol, inclut une vue sur la mer alors que les témoins diront que le domaine des Collettes à Cagnes-sur-Mer n’avait pourtant pas de vue – et d’ailleurs comme disait l’ami de Renoir, l’artiste Pierre Bonnard: «Renoir peignait avant tout des Renoirs, il avait souvent des modèles qui avaient une peau grise, qui n’était pas nacrée, mais il les peignait nacrées». Bourdos aussi revendique le droit à la liberté de laisser son empreinte sur les faits réels.

Malgré l’intrigue portée sur le drame autour du modèle, le film ne prétend pas donner une analyse psychologique, ni porter un message, ni chercher des vérités profondes, il veut juste être aimable. Peut-être suit-il ainsi le souhait d’Auguste Renoir qui disait que les intellectuels «ne savent ni voir, ni écouter, ni toucher et que finalement un tableau doit être «une chose aimable et heureuse».

Le film est nominé parmi les dix meilleurs films européens. Un film de Gilles Bourdos avec Michel Bouquet (dans le rôle du peintre), Christal Théret (Andrée) et Vincent Rottiers (Jean Renoir) à partir du 2 janvier 2013 au cinéma.

Propos de Gilles Bourdos recueillis lors de l’avant-première du film à Essoyes

  • Bien que paralysé par la maladie, le peintre capte toujours merveilleusement la beauté des choses dans ses oeuvres. (ducotedesrenoir)

La maladie paralyse le peintre. Pourtant, ses peintures ne captent que la beauté des choses. Comment l’expliquez-vous?

Renoir ne peignait qu’à la lumière du jour paraît-il. Dès que la peinture disparaissait, c’est le monde de la douleur qui envahissait le monde de la nuit. Je voulais montrer dans ce film cette dialectique entre les forces négatives qui sont à l’œuvre dans son corps, dans sa chair, dans le monde, et ce désir de beauté permanent: ce désir de préserver la beauté et c’est pour cela que Renoir, pour moi, est un peintre éblouissant.

Pourquoi faire ce film maintenant?

Il y a eu trois ou quatre films sur Van Gogh, alors qu’il n’y avait jamais rien eu de fait sur Renoir. Donc cela me semblait déjà incroyable. Ce qui m’a intéressé, parce que c’est toujours compliqué de faire des biographies officielles – ce qui m’a plu, c’est de pouvoir entrer dans le monde de Renoir à travers cette jeune-femme Andrée Heuschling. Et c’est la situation entre un père, un fils et cette jeune-femme. Ce qui s’est réellement passé entre eux reste vague et flou historiquement.

Et puis, j’aime Auguste, particulièrement cette période qui a été très peu aimée et puis la Méditerranée…

Il y a un travail de la caméra qui rappelle le pinceau du peintre. Comment l’avez-vous imaginé?

La caméra est constamment en mouvement mais un mouvement très lent, très voluptueux qui caresse les choses. Et c’est vrai que l’on peut ressentir l’acte de peindre. Mais c’est essentiellement mon ressenti sur le film qui m’a amené à travailler avec un mouvement de caméra très précis, très lent, tout le temps en mouvement mais sans rien brusquer, que tout soit extrêmement fluide et léger. C’est vrai, que regarder la peinture d’Auguste m’a beaucoup servi. Mais une autre chose qui curieusement m’a beaucoup servi, c’est un film de Jean qui s’appelle Le Fleuve, où il y a un travail de coloris absolument extraordinaire et j’avais une intuition un peu diffuse, un peu vague, que Le Fleuve avait avoir avec Les Collettes: c’est une sensation que j’ai eue. 

Comment expliquer qu’un peintre impressionniste retourne vers les grands maitres italiens?

Renoir adorait la peinture du XVIIIe: de Boucher de Watteau et d’ailleurs il disait toujours «moi j’appartiens à cette école française de la peinture», il a fait un voyage en Italie, le voyage des maîtres. C’est un homme qui a une profonde connaissance de la peinture et comme tous les grands, il se posait en héritier de l’histoire de la peinture. Ce n’est pas quelqu’un qui était dans la logique de la table rase: de la rupture, contrairement à ce que l’on pourrait croire. C’était quelqu’un qui était très attaché à l’idée de transmission, d’héritage, de filiation.

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