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L’enseignement universitaire français trop conservateur?

Écrit par David Vives, Epoch Times
23.10.2013
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  • Des étudiants de l’université de Toulouse II le Mirail votent pour la reconduction de la grève contre la réforme sur l’autonomie des universités, le 12 mai 2009. (AFP PHOTO/Eric Cabanis)

Le système universitaire français serait-il l'un des plus rigides au monde? Alors que nul ne conteste la qualité de l'enseignement de nos universités, certaines difficultés sociales de notre pays, comme l'expatriation des chercheurs français, la précarité des «sans diplôme» ou encore la chute de confiance d'une partie des jeunes dans leurs perspectives d'embauches semblent découler directement du système actuel.

L’UNESCO dans sa «Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur», estime le nombre d’étudiants dans le monde à 80 millions – six fois plus qu’il y a 50 ans. Ainsi, l’université du XXIe siècle, en plus de fournir et de diffuser le savoir et les outils nécessaires aux jeunes pour leur avenir, se voit investie d’une mission républicaine: permettre l’accès à tous, tout en mettant en avant un système de méritocratie.

Cette forme de «justice sociale» est présente aussi bien en France qu’à l’étranger. Cependant, cette valeur se décline très différemment, surtout dans notre «vieille» Europe, imprégnée de cultures très diverses sur la question. Dans sa thèse sur la justice sociale et l’enseignement supérieur, Nicolas Charles, de l’Institut français de l’Éducation, passe au crible les différents systèmes anglais, suédois et français. Les différences sont marquantes et font passer le système français pour un modèle souvent conservateur et fermé.

La méritocratie de la moyenne générale

Les critères d’évaluations, en Suède ou en Angleterre, laissent une chance à l’extra-scolaire. En Angleterre, le mérite est évalué en fonction du potentiel que montre l’étudiant. Les critères de sélection tiennent compte de l’histoire personnelle de chacun. Par exemple, un élève se situant un peu en dessous de la moyenne, s’il vient d’un milieu défavorisé et affiche de la motivation dans son parcours et sa progression, aura tout autant de chance qu’un élève venant d’un milieu plus aisé.

En Suède, la moyenne générale et le test national d’aptitude décident du parcours de l’étudiant. Mais ces deux critères sont très différents, le test national d’aptitude pouvant relativiser la moyenne et permettre à une personne de reprendre ses études. Le système suédois, bien que reconnaissant le principe de méritocratie, entreprend la possibilité de donner une «seconde chance» à l’individu.

En France, la moyenne générale est l’unique prisme de sélection. Elle détermine le choix des filières au lycée, la possibilité d’entrer dans un IUT, de faire une classe prépa ou d’entrer dans les grandes écoles. «En acceptant tous les bacheliers, l’université vise à garantir la stricte égalité républicaine, dont l’examen national du baccalauréat est l’emblème», écrit Nicolas Charles. D’après lui, pour trouver les racines de ce fonctionnement, il faudrait remonter au principe d’égalité formulé du temps de la Déclaration des droits de l’homme, voire dans «l’auto perpétuation du corps des universités au Moyen Age».

Ainsi, la société française considère que l’école détruit les barrières sociales et rétablit l’égalité entre les individus. «Lors des concours, tout le monde passe la même épreuve au même moment. Avec l’idée que si l’égalité parfaite règne entre eux, alors que le meilleur gagne!», explique Nicolas Charles. Un étudiant à l’université de Paris 13, interrogé sur la question, témoigne: «Chaque personne est différente, et va avoir un déclic à un certain moment de la vie. Et le déclic, pour moi, il va arriver un peu tard». En France, la «seconde chance» et le «déclic» ne sont pas des termes courants.

Des difficultés d’insertion à tous les niveaux

D’après un sondage mené par TNS Sofres en 2013, sur 2.582 étudiants de 51 écoles d’ingénieurs et de commerce, les jeunes ont de moins en moins confiance en leur perspective d’insertion professionnelle. Les étudiants en écoles de commerce sont les plus concernés par cette tendance: seulement 24% d’entre eux pensent qu’il sera facile de trouver un premier emploi après leur diplôme, alors qu’ils étaient 51% en 2011. Quant aux ingénieurs, 80% d’entre eux pensaient qu’il serait facile de s’insérer professionnellement en 2011. Ils ne sont plus que 51% à ce jour.

Les témoignages de jeunes chercheurs expatriés sont éloquents sur la difficulté à trouver un job correspondant à leur niveau de formation. Ce n’est pas la qualité de l’enseignement qui poserait problème, mais plutôt la lourdeur administrative et l’opacité des conditions d’accès. Julien, 34 ans, professeur d’université à Copenhague, fait partie de ces chercheurs qui ont dû fuir à contre cœur le système français. D’après lui, «ce qui est clair, c’est que le système français, bien que performant, ne veut pas accepter les contraintes de la recherche mondiale et fait preuve de manque de transparence et d’équité». Au niveau des cursus, l’enseignement français, bien que très diversifié, laisse peu d’espoir d’embauche pour les parcours atypiques, contrairement aux autres pays de l’Union européenne, ou aux États-Unis. «Ce système est complètement refermé sur lui-même et manque de dynamisme. Je me sens très décalé, inadapté», continue Julien.

D’après Nicolas Charles, la nécessaire adéquation entre les filières d’études et le métier engendre beaucoup de difficultés dans les parcours. «Au travers de la certification par le diplôme, la transformation du mérite scolaire en mérite professionnel agit comme une norme absolue, car binaire; soit on est titulaire du titre scolaire qui donne accès au champ professionnel, soit on ne peut s’en prévaloir».

À l’étranger, on ne regarde pas forcément les compétences ou la valeur d’un emploi à travers le prisme unique du diplôme. En France, malgré de longues années d’études, la précarité peut guetter même parmi les bac +5 ou bac +8, qui choisissent l’exil. D’après André Zylberberg, directeur de recherche au CNRS, un des autres effets de la «course au diplôme» a mis au ban une grande partie des jeunes ayant «décroché» de leur études – on en compte 1,9 million en France, et qui peinent à s’insérer professionnellement. Selon lui, «la crise n’est pas responsable de leur situation. La France a créé une machine à trier entre les jeunes diplômés et les autres».

L’importance des Gap years

En France, le taux de réussite de la licence est bien maigre: moins d’un jeune sur trois obtient sa licence en trois ans. Seul 40 % des étudiants en première année de licence s’inscrivent dans la seconde. L’année sabbatique n’est pas très populaire dans notre pays. «L’important, c’est d’aller dans la filière qui compte, tout de suite après le bac, sans retard ni reprise future. Impossible de s’arrêter en route, on aurait trop peur de ne jamais avoir le courage de reprendre. C’est presque de l’auto-censure», relève Nicolas Charles.

En Suède, la scolarité ne se fait pas en continu. Les étudiants ont la possibilité de valider des semestres dans différentes matières, l’important étant de choisir trois semestres d’une même matière pour valider sa spécialité. Le cursus est donc à la carte, il est même courant de «vendre» son année sabbatique, la Gap year, lors des entretiens d’admission. Car en Suède, on pense qu’après «13 années de scolarité, les jeunes peuvent faire autre chose. Certains s’arrêtent un an, d’autres trois, puis reprennent le cours de leurs études ensuite».

Reste que l’étudiant français doit composer avec la nécessité de choisir un cursus lui garantissant les meilleures chances de réussite pour son embauche future. Or, dans un contexte ou la réorientation s’avère délicate, il y a peu de place pour papillonner. Il y a cinquante ans, il était permis aux étudiants de suivre des parcours généralistes sans trop s’occuper d’avoir une idée claire dans leurs premières années. Aujourd’hui, d’après Nicolas Charles, «l’insertion n’intéresse guère plus les étudiants que dans le passé, mais ils sont tenus de raisonner dans ces termes, sans parfois même disposer des outils pour le faire».

L’optimisme ministériel, l’inquiétude des syndicats

En cette rentrée universitaire, 2,44 millions d’étudiants prennent le chemin de la faculté, un nombre en hausse de 1,5% par rapport à l’année dernière. Au cours de sa conférence de presse de rentrée, Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, a déclaré vouloir «favoriser la réussite étudiante, faciliter l’insertion professionnelle et démocratiser l’accès à une qualification de l’enseignement supérieur et à de nouvelles mesures concernant l’enseignement supérieur». D’autre part, la ministre a affiché son optimisme par rapport aux moyens engagés: «1.000 premiers postes fléchés sur le premier cycle, 400 millions d’euros en faveur des bourses en 3 ans, 8 500 logements nouveaux pour la rentrée».

Ces chiffres suffiront-ils à redonner espoir aux universitaires? D’après le FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur, la «situation de pénurie est extrêmement grave en cette rentrée universitaire», citant notamment des gels de postes et des mutualisations de cours. Autre inquiétude, la moitié des 76 universités françaises reconnaissent avoir des difficultés budgétaires, dont 9 seraient en situation critique. D’après Marc Neveu, du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur, la qualité de l’enseignement pourrait être affectée au fur et à mesure que les établissements seraient obligés de «bricoler».

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