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Des discours antiaméricains éclipsés par les réalités économiques

Malgré des allégations d’espionnage, les États-Unis demeurent le partenaire privilégié des pays d’Amérique du Sud

Écrit par Luisa Parraguez, Francisco Garcia Gonzalez et Joskua Tadeo
23.10.2013
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  • La présidente brésilienne Dilma Rousseff (à droite) discute avec son homologue bolivien Evo Morales au sommet des chefs d’État du Mercosur et des États associés, à Brasilia, le 7 décembre 2012. (Pedro Ladeira/AFP/Getty Images)

La blogosphère d’Amérique latine a retenu son souffle lorsque l’avion du président bolivien Evo Morales a été forcé d’atterrir à Vienne en juillet dernier. Alors que les autorités européennes cherchaient à bord l’ancien agent des services de renseignement américain Edward Snowden, les présidents d’Amérique du Sud exprimaient leur ressentiment sur leurs comptes Twitter.

Le continent sud-américain dénonçait la volonté des États-Unis à étendre leur suprématie continentale à l’Europe. Des mots comme «colonialisme» et «impérialisme» avaient été cités. L’Amérique du Sud a affirmé que l’incident violait la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. La présidente de l’Argentine, Cristina Krishner a qualifié l’incident de «non seulement humiliant pour une nation sœur, mais aussi pour l’ensemble du continent sud-américain».

La fureur a continué avec les rapports stipulant que la NSA aurait piraté les comptes web d’une entreprise pétrolière appartenant à l’État brésilien, qualifié d’ «espionnage industriel» par la présidente du Brésil, Dilma Rousseff. Un rapport explique également que les États-Unis ont surveillé les communications téléphoniques et internet de Dilma Rousseff et du président mexicain Enrique Peña Nieto, lorsqu’il était candidat aux élections. Dilma Rousseff a reporté une visite d’État à Washington, pendant l’enquête ; et, alors que le président Barack Obama attendait son tour pour passer à la tribune dans les coulisses de l’Assemblée générale de l’ONU, elle a fustigé les États-Unis pour sa «violation du droit international».

Cela pourrait être un tournant dans les relations entre les États-Unis et leurs voisins du sud. Même s’il existe un sentiment antiaméricain dans la rue du fait d’une longue histoire de domination, la réalité, est que les États-Unis et l’Amérique latine sont intimement liés, économiquement et démographiquement. Des données sur le commerce, l’investissement et l’immigration révèlent des relations et une interdépendance croissantes.

Une histoire mouvementée

La suspension par Dilma Roussef de son voyage à Washington n’est que le dernier épisode d’une longue histoire de relations tumultueuses avec les puissances extérieures. Simón Bolivar, le libérateur du sud, a été le premier à proposer la lutte contre le colonialisme européen en Amérique du Sud en 1826. Pendant la guerre froide, la politique américaine d’endiguement a conduit à des interventions militaires en Amérique centrale et dans les Caraïbes et soutenu les dictatures de droite dans le Cône sud. Selon Amnesty International, des centaines de milliers de personnes ont été torturées, exilées ou ont «disparu» du fait de groupes militaires soutenus par les États-Unis au Chili, en Argentine et au Guatemala.

La peur américaine du communisme qui se répand dans la région était contrôlée par l’Organisation des États américains (OEA). Après les attentats du 11 septembre à New York et Washington, un Secrétariat à la Sécurité Multidimensionnelle a été créé à l’OEA pour faire face aux menaces transnationales telles que le terrorisme et le crime organisé. Des centaines de milliers d’autres personnes avaient perdu la vie en Colombie, au Mexique et au Honduras, avec la montée du crime organisé dans la région.

Jusqu’à sa mort en mars 2013, le président du Venezuela, Hugo Chávez, avait dirigé un groupe de huit nations sous le groupe de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, l’ALBA, dans un mouvement anti-impérialiste qui portait l’étendard du socialisme du XXIe siècle. L’ALBA, dirigée par Cuba et le Venezuela, est née dans le but de contrer la domination américaine dans la région notamment avec la zone de libre-échange des Amériques, dirigée par les Etats-Unis.

Peu de temps après que les révélations sur la NSA ont commencé, les gouvernements de gauche en Amérique du Sud – la Bolivie, le Nicaragua et le Venezuela, ont fait les gros titres en offrant l’asile à Edward Snowden. La situation difficile du dénonciateur était similaire à celle du fondateur de WikiLeaks, Julien Assange, qui s’est réfugié à l’ambassade équatorienne à Londres depuis juin 2012.

Le 20 juillet de cette année, moins d’un mois après le début de l’affaire Snowden, le président Nicolas Maduro du Venezuela avait saisi l’occasion pour mettre fin aux délibérations qui avaient commencé en juin avec le secrétaire d’État des États-Unis John Kerry, en déclarant: «Ma politique, c’est la tolérance zéro à l’agression d’un ‘gringo’ contre le Venezuela». Des pourparlers pour remplacer l’ambassadeur américain à Caracas ont été abandonnés une fois de plus.

En Amérique latine, les pays de l’ALBA agissent sur la base du sentiment antiaméricain. En février 2013, le ministre des Affaires étrangères équatorien, Ricardo Patiño, avait qualifié le Conseil de défense inter-américain de l’OEA d’«inutile», suggérant que c’était simplement un autre bras de l’influence américaine dans la région. Un mois plus tard, le président équatorien Rafael Correa déclarait dans le discours inaugural du 22e Sommet de l’ALBA que ses membres «devaient créer un bouclier contre l’exploitation, un bouclier contre le néo-colonialisme».

Les pays de l’ALBA ont créé leur propre École de Souveraineté et de Défense en Bolivie pour retenir l’intervention impérialiste américaine dans la baie. Leur argument principal a été que le trafic de drogue est un problème pour les États-Unis et pas nécessairement une question de politique pour les pays d’Amérique du Sud.

Les actions ne suivent pas la rhétorique

Il s’ensuivrait normalement que les importants échanges commerciaux, l’aide et la coopération en termes de sécurité entre l’Amérique latine et les États-Unis se seraient taries après toute cette tension. Néanmoins, le Bureau du recensement américain signale que le commerce reste stable actuellement, en particulier avec les pays producteurs de pétrole comme le Venezuela et la Bolivie. Le sentiment antiaméricain dans la région semblerait être purement rhétorique, ayant peu d’impact sur les relations commerciales avec les États-Unis.

La rhétorique antiaméricaine dans les pays de l’ALBA ne les a pas empêchés de lister les États-Unis parmi leurs principaux partenaires commerciaux. Comme en 2012, les États-Unis ont été la principale source d’importation pour le Venezuela, le Nicaragua, l’Équateur et le Honduras. Le plus frappant, c’est que 31,2% des importations du Venezuela et 28% de celles de l’Équateur viennent des États-Unis. Les États-Unis sont la quatrième source d’importation de la Bolivie, produisant jusqu’à 10 % de ses importations, et deuxième source de l’Argentine après le Brésil.

Les États-Unis reçoivent le plus grand pourcentage des exportations latino-américaines en provenance du Venezuela, de l’Équateur, du Nicaragua et du Honduras. La Bolivie arrive à la deuxième place derrière le Brésil. Ces flux importants de marchandises et de capitaux ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain, peu importe combien de pays ont forcé l’avion présidentiel bolivien à atterrir pour quelques heures.

Changements aux Etats-Unis

Sur le plan démographique et économique, les États-Unis sont en train de changer de manière à rendre toute confrontation avec leurs partenaires latino-américains improbables. Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et le récent rapport sur les investissements étrangers dans les Caraïbes, les États-Unis représentent toujours 58,5% des investissements étrangers. Dans le même temps, les 53 millions de personnes d’origine hispanique et latino-américaines aux États-Unis représentent 17% de sa population, soit la plus grande minorité ethnique du pays.

De la même façon, comme l’a rapporté le New York Times, la migration latino-américaine aux États-Unis a atteint un équilibre avec le nombre de nouveaux arrivants à peu près équivalent au nombre de personnes qui rentrent dans leur pays d’origine. Les Américains choisissent également des pays aussi divers que le Mexique, le Belize, le Costa Rica et le Nicaragua  pour passer leur retraite, alors que de récents voyages du président et vice-président américains au Mexique et au Chili ont encouragé les échanges éducatifs.

L’Amérique du Sud exprime son indignation par la diplomatie. Prenons en considération le fait qu’après qu’Evo Morales a été autorisé à retourner à La Paz, le grondement diplomatique s’est intensifié du fait que les membres de l’institution de négociation régionale du Mercosur ont rappelé leurs ambassadeurs dans les pays qui avaient refusé l’utilisation de l’espace aérien au président bolivien. L’Équateur les a rejoints quatre jours plus tard. Le Venezuela a retiré officiellement ses ambassadeurs d’Espagne, de France, du Portugal et d’Italie. Après s’être excusés le 25 juillet, les ambassadeurs de Bolivie, du Venezuela et de l’Équateur ont été réintégrés dans leurs bureaux à Paris, Rome, Madrid et Lisbonne deux jours plus tard.

Ces préoccupations peuvent avoir des implications plus profondes avec les rapports de surveillance des États-Unis sur les communications des présidents et sur les industries stratégiques. Le Brésil est la sixième plus grande économie du monde et Dilma Rousseff pourrait faire des révélations embarrassantes ayant un impact aux États-Unis sur le commerce, la réglementation d’Internet et d’autres priorités. Avec la Coupe du monde et les Jeux olympiques à venir, le Brésil va probablement utiliser cette situation comme capital politique auprès de sa population, au lieu d’essayer de changer ses relations avec les États-Unis. Dilma Roussef ne peut pas se permettre de risquer un désordre international alors qu’existe un mécontentement croissant sur ses actions en matière de politique intérieure.

Le commerce l’emporterait ici sur les idées. En fin de compte, les dirigeants de gauche comme Nicolas Maduro et Evo Morales ont besoin des affaires américaines dans leurs économies et le discours anti-impérialiste le plus véhément est éclipsé par le pragmatisme économique. L’Équateur est dans une situation encore plus critique, car sa dépendance au dollar américain dans son économie signifie qu’il ne peut pas se permettre d’avoir de mauvaises relations avec les États-Unis. Une rhétorique idéologique peut faire les gros titres, mais il ne faut pas toucher aux nombreux échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les États-Unis.

Luisa Parraguez est professeur et chercheur au Département  des Études Mondiales de l’Institut de technologie et d’études supérieures de Monterrey (ITESM) à Mexico. Francisco Garcia Gonzalez est diplômé de ITESM et coordonnateur de recherche à l’Auditoire Supérieur de la Fédération à Mexico. Joskua Tadeo est étudiant en relations internationales et assistant de recherche à l’ITESM à Mexico. Copyright © 2013 The Whitney et Betty MacMillan Center for International and Area Studies at Yale.

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