Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

L’énigme Angela Merkel: comprendre la réussite de la première économie européenne

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
08.10.2013
| A-/A+

Outre-Rhin, un large plébiscite a permis de réélire le parti conservateur chrétien-démocrate CDU-CSU. L’Allemagne d’aujourd’hui et sa chancelière: deux victoires qui semblent être des cas isolés dans une Europe en crise économique et politique. Un succès qui ne cesse d’intriguer.

Le 22 septembre au soir, la chancelière allemande Angela Merkel exécutait quelques pas de danse devant une foule de militants en fête. Une image rare, mais à la mesure de l’événement, une éclatante victoire aux dernières élections du parti conservateur chrétien-démocrate la CDU-CSU.

À 41,5% des suffrages, soit huit points de plus qu’en 2009, son parti compte 311 députés au Bundestag, soit quatre de moins seulement que la majorité absolue. Après Konrad Adenauer et Helmut Kohl, Angela Merkel est le troisième chancelier depuis 1945 à remporter trois victoires consécutives.

Un succès que lui jalousent ses voisins européens, dont les dirigeants ont été nombreux à être sanctionnés dans les votes et les sondages. Mieux : la chancelière jouit d’une popularité record. L’énigme Angela Merkel, c’est l’énigme de l’Allemagne, première puissance européenne gouvernée par un parti chrétien-démocrate.

La force tranquille d’Angela Merkel

À 59 ans, Angela Merkel, que ses partisans surnomment désormais Mutti («Maman») reprend donc les rênes du pouvoir pour un troisième mandat de quatre ans. Mais la femme la plus puissante du monde selon le magazine Forbes est connue pour sa discrétion. «Si elle plaît tellement aux Allemands, c’est parce qu’elle fait son travail discrètement, apparemment sans aucun narcissisme et qu’elle n’énerve ni ne dérange les citoyens», commentait le quotidien conservateur Die Welt après sa réélection. Sobriété, retenue, rigueur, mais aussi sens de l’ironie et de la dérision.

Angela Merkel a grandi en ex-Allemagne de l’Est et a expérimenté le modèle politique totalitaire de l’ex-RDA. Dans le contexte d’une Allemagne voulant se sortir du spectre du nazisme et tombant sous le revers d’une autre idéologie, c’est son père pasteur protestant et théologien et sa mère professeur d’anglais et de latin qui ont dû peindre chez elle ce subtil équilibre entre libéralisme et valeurs conservatrices, et un tempérament définitivement trempé à lutter contre les extrémismes, qu’ils soient de gauche comme de droite.

Le compromis comme mode d’action

Les adversaires politiques d’Angela Merkel lui reprochent ses tendances à la recherche du compromis, voire son indécision, ce à quoi la chancelière réplique: «Les compromis sont aussi une bonne chose en politique où il faut trouver des solutions pour des millions de personnes, à condition que les avantages l’emportent sur les inconvénients».

Ainsi, la chancelière n’hésite pas non plus à piocher dans les revendications de l’opposition. Angela Merkel ne cache pas reconnaître les apports des réformes de l’Agenda 2010 lancées il y a dix ans par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. De même, la CDU commence à se réapproprier l’idée de la gauche (die Linke) de créer un salaire minimum en envisageant un salaire minimum par branche et par région. Le parti social-démocrate (SPD) voulait limiter la hausse des loyers : Angela Merkel propose une mesure analogue dans les villes où existent des tensions sur le marché du logement.

En Allemagne, le compromis comme mode d’action politique relève aussi du systémique. Dans un pays marqué par la lourde histoire du nazisme, toutes les précautions ont été prises pour éviter le retour d’un homme trop charismatique. Dans ce système parlementaire, le chancelier est élu par majorité absolue au Bundestag, la chambre basse du Parlement, élue quant à elle au suffrage universel direct. De même, contrairement à l’Hexagone, il est très rare qu’un parti obtienne une majorité absolue des députés au Bundestag, obligeant le parti dominant à former une coalition. Les libéraux FDP n’ayant pas atteint les 5% de voix requis, la CDU se voit dans l’obligation de chercher un nouvel allié. Les conservateurs d’Angela Merkel ont engagé le vendredi 5 octobre dernier des discussions exploratoires avec les sociaux-démocrates du SDP, crédités de 25,7% des voix, en vue de former une «grande coalition» comme en 2005-2009. 

L’Allemagne renforcée par la crise

Lors des élections, c’est avant tout la gestion de la crise par la CDU de Merkel qui a été plébiscitée. La chancelière a été jugée la mieux placée pour défendre les intérêts de l’Allemagne au sein d’une zone euro en convalescence.

Le nombre de chômeurs dans le pays a reculé, et sa dirigeante n’a de cesse de répéter que «l’Allemagne sort de la crise plus forte qu’elle n’y est entrée». L’économie allemande a tiré son épingle du jeu mieux que les autres économies européennes.

Chantre de la rigueur budgétaire en Europe, le pays germanique s’est opposé dès le début à la vision de la France qui plaidait pour panser les déficits à coup d’aides massives. Prêtes désormais à lâcher du lest au niveau de la rigueur budgétaire et du redressement des comptes, l’Allemagne et Angela Merkel ont cependant payé de leur image dans les pays du Sud de l’Europe, notamment la Grèce qui a trouvé en elles la raison de leur crise.

Les atouts économiques

Fort de sa position de leader européen et de sa relative bonne santé en temps de crise, l’Allemagne intrigue. Son industrie est restée un fort secteur d’activité et le pays a pu sortir de la crise grâce à ses exportations. Dès les années 2000, le pays a profité de l’explosion de la demande des pays émergents pour certains produits manufacturés ou haut de gamme, des machines en particulier, mais aussi des grosses voitures. Cependant, «l’industrie allemande va-t-elle résister à l’industrialisation croissante des pays émergents?», se demande, sceptique, Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques et auteur de l’ouvrage Made in Germany.

De même, l’Allemagne a bénéficié de la chute du Mur de Berlin. Certes, il y a eu un fort coût financier pour la réunification de la RDA et de la RFA et l’écart des niveaux de vie reste encore maintenant entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest. Mais la réunification a également permis au pays de réintégrer les pays d’Europe centrale et orientale dans son système économique, et en se tournant vers l’Est, d’utiliser une masse salariale peu coûteuse pour les entreprises.

Le modèle du marché du travail allemand: miracle ou désastre social?

Le système du marché du travail allemand fait l’objet de nombreux débats dans une France qui cherche des solutions à un chômage massif.

L’Allemagne possède en effet une flexibilité plus forte du marché du travail, ainsi qu’un coût salarial moins élevé que dans l’Hexagone. Pas de salaire minimum en Allemagne, un recours à l’intérim plus important, des «minijobs» payés à quelques euros de l’heure et un système de travail à un euro afin de favoriser le retour sur le marché du travail, etc. Le chômage y est donc moins élevé, moins massif et moins durable que de l’autre côté du Rhin. Et en temps de crise, un marché du travail plus flexible s’avère être un atout.

L’Allemagne a voulu lutter contre les acquis sociaux, notamment depuis les réformes Hartz sur le marché du travail lancées entre 2003 et 2005 sous le chancelier Schröder, alors inspiré par un modèle libéral anglo-saxon. La plus controversée de ces réformes, qui avait suscité des manifestations à l’été 2004, la loi Hartz 4, a réduit la durée des indemnités de chômage à 12 mois au lieu de 32. Précédemment, en 2001, une réforme avait augmenté l’âge de départ à la retraite à 67 ans.

La «grande coalition» avec le SPD pourrait aboutir à la création d’un salaire minimum, longtemps débattue en Allemagne, et que le parti social démocrate voudrait fixer à 8,50 euros de l’heure. Au patronat de répondre: «Partout où il y a un salaire minimum, il y a un problème de chômage des jeunes». Les moins qualifiés seraient les perdants de la réforme.

L’Allemagne a su tirer profit de la crise économique en se positionnant en leader de la zone euro. Un succès orchestré par Angela Merkel que les Allemands ont récompensé dans les urnes. L’Allemagne, à l’image de sa chancelière, est une force tranquille, sans remous extrémistes contrairement à nombre de ses voisins européens.

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.