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Qu’est-ce que le courage en politique?

Écrit par David Vives, Epoch Times
14.11.2013
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  • En pleine campagne électorale en 1981, François Mitterrand a promis d’abolir la peine de mort, alors que cette décision était très impopulaire. (AFP Photo)

Le courage existe-t-il chez nos hommes politiques? À en croire un sondage BVA pour Le Parisien, l’avis serait plutôt négatif: seulement deux Français sur dix reconnaissent cette qualité chez nos hommes politiques. Quand on demande aux Français quel président estiment-ils le plus courageux, 41% répondent Nicolas Sarkozy, 37% pensent à François Mitterrand, 9% à Jacques Chirac et 8% à François Hollande.

«Le courage est de chercher la solution ensemble […], c’est écouter et comprendre», alléguait récemment Jean-Marc Ayrault, lors de l’annonce de la suspension de l’écotaxe, le 29 octobre. Dans le contexte houleux des manifestations bretonnes, une partie de la classe politique soutient que reculer et laisser agir la raison constituent des preuves de courage. D’autres commentateurs, comme Dominique Quinio de La Croix, reconnaissent la «prudence» du Premier ministre faisant face à un potentiel «désordre social», quand le journaliste Gaëtan de Capele du Figaro dénonce son «manque de courage politique».

Pour certains, le courage est synonyme de fermeté. «Droit dans mes bottes», lançait Alain Juppé devant une France de plus en plus hostile pendant les grèves de 1995 au sujet des retraites et de la sécurité sociale. La vindicte populaire amena même le Premier ministre à démissionner. Pourtant, à ce jour, Alain Juppé reste le leader politique le plus populaire, si l’on en croit le baromètre Ipsos pour Le Point: 51% des opinions sont positives pour l’ancien Premier ministre. Dans le microcosme politique placé sous le signe de l’impermanence des sondages d’opinions, il n’est pas facile de distinguer les perles des yeux de poissons.

En philosophie, il est tout aussi difficile de saisir les frontières de ce qu’est le courage. Si l’on accepte que le courage implique l’existence de la peur, il est néanmoins difficile de distinguer le courage de l’insouciance téméraire. Aristote reconnaissait que «le courage était la première qualité humaine car elle garantissait toutes les autres»; pour bien des philosophes antiques, le courage servait et accompagnait la bienveillance et la tempérance du cœur.

Cette «vertu cardinale» est très souvent hissée dans le discours politique et par différents orateurs. On le rencontre souvent, selon les circonstances, dans des formules telles que «avoir le courage d’agir», «le courage de ses convictions» et le «courage de dire la vérité». Il y a donc le courage moral et le courage politique, les distingue-t-on l’un de l’autre ou sont-ils du même combat?

Avoir le «courage de réformer» et celui de dire non

D’après le sondage BVA, parmi les mesures qui seraient jugées les plus courageuses à ce jour, on trouve la remise en cause des 35 heures et la suppression de la sécurité de l’emploi aux fonctionnaires. Nicolas Sarkozy, en 2012, donnait sa définition du courage: «Affronter, reconstruire, résister, se dépasser, lutter, travailler, unir, protéger, oser. Le courage donne la force d’agir». En suivant cette approche, on peut penser que le courage est celui de l’homme en action, en prise avec les différentes forces et les vents contraires qui sont susceptibles de le détourner de son droit chemin, de l’empêcher de tendre vers son but.

Ségolène Royal, dans une interview récente au Parisien, détaillait sa compréhension du terme: «Savoir prendre des décisions difficiles au risque de ne pas être entendu par tous». Le courage politique serait-il le pari de l’impopularité? Quand en 1981, François Mitterrand promet d’abolir la peine de mort en pleine campagne électorale, alors que cette décision n’était pas très populaire, celui-ci faisait preuve d’un courage moral. D’après le sondage BVA, cette décision est aujourd’hui saluée à 80% par les Français.

L’évolution du «courage» et l’usage politicien

«Avoir le courage de se servir de son propre entendement», écrivait Emmanuel Kant en 1784. La vision morale du courage, telle qu’elle était comprise par les premiers philosophes de notre temps, s’estompe finalement pour apporter un éclairage sur l’individu lui-même et le sens qu’il donne à sa propre existence.

Un peu plus d’un siècle plus tard, Jean Jaurès, dans son discours à la jeunesse de 1903, le prenait comme point d’appui de son exercice d’orateur. Le courage mettait en valeurs les décisions politiques et humaines, le mot étant revenu quinze fois dans différents contextes au sein du même discours. Aujourd’hui, le mot «conviction», que l’on retrouve souvent dans les campagnes électorales, ajoute sa connotation à celle du courage. La recherche philosophique et morale est laissée de côté au profit d’une vision centrée sur l’individu.

Finalement, des auteurs et philosophes ont constaté, avec l’apparition de la société moderne basée sur la communication et l’individualisme, que le terme avait perdu son sens premier. «Notre époque est celle de l’instrumentalisation et de la disparition du courage. Mais ni les démocrates, ni les individus ne peuvent en rester à ce constat d’impuissance. Nul ne résiste à cet avilissement moral et politique», écrit Cynthia Fleury, enseignante en philosophie politique à l’American University of Paris, dans son ouvrage La fin du courage.

Dans les sphères politiques, le courage s’adapte souvent aux visions propres de celui qui l’emploie; ainsi, cette idée se décline très différemment; elle répond souvent aux besoins de popularité et s’accorde aux qualités de l’orateur. D’après Alain Etchegoyen, philosophe et ancien commissaire au Plan (Ndr. ancien nom du Conseil d’Analyse Stratégique), «le courage politique ne doit jamais se dire courageux. Rien de plus dangereux ou de plus pervers que de se regarder agir courageusement».

Du courage moral au courage politique

Le terme «courage», dans son étymologie, signifie «disposition du cœur». Bien qu’éloignés géographiquement, il y a 2.500 ans, les philosophes grecs et chinois s’accordaient à associer le courage à la moralité. D’après Confucius, celui-ci était lié à la «cultivation» de la vertu et de la moralité; il n’était pas associé à la combativité: «Le courage est dirigé par la droiture», «Une personne bienveillante a certainement du courage, mais une personne courageuse n’est pas forcément bienveillante», écrivait-il. Ainsi, malgré les difficultés à dégager un sens universel et strict au courage, au moins lui trouvait-on une valeur. Pour les anciens, le véritable courage ne se mesurait pas à l’objectif poursuivi, mais à la nature du cœur. Aristote invitait ses élèves à distinguer le vrai courage du faux courage; Socrate s’intéressait au rapport que le courage entretenait avec la recherche de la vérité.

Dans la démocratie athénienne, il existait le principe de la reddition des comptes pour les magistrats: ils devaient parfois répondre, à la fin de leurs mandats, de leurs décisions. Car les magistrats et les ambassadeurs n’étaient pas censés développer de pouvoir personnel; le terrain de la démocratie était strictement gardé, et les philosophes se méfiaient des détournements politiciens.

Toujours est-il que s’il est possible pour un homme politique d’être courageux, il est néanmoins difficile de reconnaître le courage quand celui-ci est à l’œuvre. «Les stratégies d’adaptation sont inévitables et signe de maturité, mais elles sont aussi, hélas, le plus sûr chemin vers l’acceptation et la légitimation de l’inacceptable», note Cynthia Fleury dans son livre. D’après elle, sans courage moral, impossible de parler de courage politique.

Ainsi, comme François Mitterrand en 1981 qui œuvrait pour l’abolition de la peine de mort, y a t-il encore des hommes politiques qui sachent faire preuve de courage de nos jours? La défense des droits de l’homme, des valeurs universelles, le refus de l’ignorance, de l’injustice et du totalitarisme sont-ils toujours aussi importants aux yeux de nos hommes politiques, ou s’agit-il d’une image de façade? Le courage en est, quand des décisions impopulaires défendent les valeurs morales de la société.

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