HONG KONG – Ma Yun, le fondateur du site géant chinois Alibaba a choqué les Chinois en annonçant qu’il veut partir à Hong Kong. Bien connu pour son soutien public au Parti communiste chinois (PCC), Ma prévoit néanmoins de faire partie des riches Chinois qui quittent la Chine continentale avec leurs fortunes.

Lors de sa rencontre avec les médias de Hong Kong dans la ville de Hangzhou, province du Zhejiang, Ma a révélé qu’il souhaitait passer sa vieillesse à Hong Kong et pourrait y obtenir le statut de résident permanent dans deux ans. Il a ajouté qu’il aimait beaucoup Hong Kong et y avait déjà acheté des biens.

Alibaba, la société de Ma, est la plus grande compagnie au monde de commerce en ligne. Ce géant au capital de plusieurs milliards d’euros s’occupe de diverses transactions électroniques, comme des services de paiement en ligne et des portails web.

Il y a quelques mois, Ma avait envisagé de lancer un appel public à l’épargne (PAPE) pour son entreprise dans une bourse hors de Chine, soit à New York, ou Hong Kong.

Pendant un moment, on avait pensé qu’il choisirait New York, parce que la bourse de Hong Kong avait refusé son offre, mais, selon un article du mensuel Euromoney, cette bourse a récemment changé sa position. Divers médias en Chine continentale ont rapporté que Ma pourrait relancer des négociations discrètes avec Hong Kong.

Nombreux sont ceux qui ont été surpris par les allusions de Ma au sujet de son départ personnel ainsi que de sa société à Hong Kong, à cause de sa réputation d’admirateur du régime chinois.

L’exemple le plus controversé des éloges de Ma envers le régime est sa déclaration dans un article du South China Morning Post du 13 juillet 2013 selon laquelle l’ancien dictateur Deng Xiaoping avait pris la «décision la plus adéquate» en ordonnant ce qui est devenu célèbre sous le nom du massacre de la place Tiananmen. Le porte-parole de Ma a aussitôt déclaré qu’il avait été mal cité. Toutefois, le Post n’a pas reconnu qu’il avait fait une erreur.

Quelle que soit la vérité au sujet des propos de Ma sur le massacre, il a régulièrement affiché son amour envers le régime.

Sous ce régime, il a accumulé d’immenses bénéfices et a acquis une renommée mondiale. Il entretient également des relations étroites avec de hauts fonctionnaires, ce qui fait se demander aux gens les raisons qui l’amènent à vouloir quitter la Chine.

Les familles des fonctionnaires

En fait, la décision de Ma d’immigrer ne représente pas un cas isolé. Nombreux sont les fonctionnaires et autres personnes aisées en Chine qui immigrent et obtiennent des passeports de Hong Kong ou d’autres pays étrangers.

Le magazine Trend de Hong Kong a signalé en 2012, que selon les statistiques provenant des fonctionnaires du PCC, 90 % des familles des membres du Comité central du PCC (environ 300 fonctionnaires du Parti de haut rang) avaient émigré à l’étranger.

Selon l’édition du 23 février 2013 du magazine Chengming de Hong Kong, le Comité permanent du Congrès national du peuple a rapporté qu’on estime à 8 millions le nombre de Chinois ayant une double nationalité suite à l’immigration dans des pays étrangers. Ceux-ci gardent leur nationalité chinoise pour profiter de l’aide sociale et des retraites en Chine.

Selon un reportage publié dans le magazine Chengming en novembre 2012, pendant deux jours fériés en 2012, la Fête de la mi-automne et la Fête nationale du 1er octobre, 714 fonctionnaires chinois ont fui le pays.

L’argent illégal

Les fonctionnaires ne sont pas les seuls à quitter la Chine en grand nombre. Selon les données publiées par la Commission centrale du contrôle de la discipline du PCC, le journal Sankei au Japon affirme que le flux illégal provenant de la Chine a énormément augmenté et devrait atteindre 1.5 milliard de dollars en 2013 (1.12 milliards d’euros).

Raymond Baker, le président de l’organisation de recherche et de promotion Global Financial Integrity (GFI) basée aux États-Unis, affirme dans le rapport 2012 de cette organisation que «l’ampleur de l’argent illicite s’écoulant de Chine est impressionnante. Il n’y a pas d’autre pays en développement ou émergent qui se rapprocherait, ne serait-ce qu’un peu, d’un tel montant de sortie d’argent illicite».

«L’économie chinoise est une bombe à retardement», explique dans ce rapport Dev Kar, l’économiste principal de GFI. «L’ordre social, politique et économique n’est pas viable à long terme dans les conditions d’une fuite d’argent illicite si massive.»

En mai le programme CNN Money a rapporté, selon les dernières analyses de la China Merchants Bank and Bain Capital, qu’un homme fortuné sur trois en Chine détenait des investissements hors du pays. Ces investissements à l’étranger ont doublé depuis 2011.

À risque

A part son penchant pour Hong Kong, la décision de départ de Ma pourrait être motivée par le sort d’autres entrepreneurs chinois fortunés.

Li Jun était autrefois l’un des hommes les plus riches de la mégapole de Chongqing, avant que ses avoirs ne soient confisqués et huit membres de sa famille emprisonnés en 2012 suite à la campagne «Frapper le marché noir» de Bo Xilai.

Zeng Chengjie était un promoteur immobilier qui avait réussi et un milliardaire avant de s’écrouler lorsque les responsables locaux avec qui il avait travaillés dans la province du Hunan ont été remplacés par d’autres sans «connexion» avec lui. Zeng a été reconnu coupable de fraude, ses biens ont été confisqués et il a été exécuté le 12 juillet.

En octobre de cette année le riche investisseur Wang Gongquan a été arrêté, apparemment à cause de son soutien à un groupe favorisant le développement d’une société civile en Chine.

Zong Qinghou, jusqu’à récemment connu comme l’homme le plus riche de Chine, a été blessé lors d’une agression devant son domicile en septembre. Bien que cette agression ne semble rien avoir avec le mécontentement des fonctionnaires chinois, elle a pu néanmoins augmenter le sentiment d’insécurité en Chine de Ma Yun.

«Illogique»

Une fois divulgués, les projets d’immigration de Ma ont engendré un large débat public sur l’Internet.

«Quelles sont les raisons d’une telle décision?», a commenté un internaute. «Le système politique? Les problèmes au sujet de l’environnement? Le milieu des affaires? Il pourrait être mécontent de tout cela.» «Un grand nombre de personnes de talent, d’élites, de familles fortunées et de fonctionnaires immigrent également. Ils ne veulent pas changer leur propre pays, ils ne pensent qu’à fuir vers un lieu sûr», a écrit un autre.

«Ne se vantait-il pas d’être très ‘patriotique’ et ‘d’aimer le gouvernement’? Pourquoi fuit-il? Les Hongkongais font des défilés pour commémorer le massacre du 4 juin! Cela ne correspond pas à sa mentalité!», a affirmé un autre internaute.

«C’est illogique!», a écrit encore un autre. «Comment pourrait-il fuir dans un endroit où ils méprisent le communisme? Ne seraient-ce pas ses véritables pensées?»

Version en anglais: Chinese Internet Mogul Moving to Hong Kong

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