Le réalisateur et scénariste du film québécois acclamé Le vendeur, Sébastien Pilote, a dirigé sa plume et sa caméra en direction d’un univers rural afin de rafraîchir nos écrans d’ici avec Le démantèlement, mettant en vedette Gabriel Arcand, Gilles Renaud, Lucie Laurier et Sophie Desmarais.

«La ferme Gagnon et fils», c’est sous ce nom que Gaby (Gabriel Arcand) élève des agneaux depuis aussi longtemps qu’il peut se rappeler. Cependant, bien avant le bien-être de ses bêtes passe le bonheur de ses filles, Marie (Lucie Laurier) et Frédérique (Sophie Desmarais). Lorsque l’une d’elles lui demande de l’aide financière, Gaby prend la décision impulsive de vendre la ferme mise sur pied par son père.

Sébastien Pilote a parfaitement réussi à nous faire sentir ce à quoi peut ressembler la vie d’un fermier, peu importe ce qu’il cultive ou ce qu’il élève, en plus de nous faire vivre des instants bucoliques magnifiques. Il est rassurant de savoir qu’on finance encore ce genre de film en 2013 et qu’il existe toujours un public qui s’y intéresse. Le démantèlement peut aussi s’avérer un instrument de mesure pour prendre le pouls de notre patience et notre tolérance face à la tranquillité de la nature, alors que le film possède un rythme plutôt lent et axé sur la contemplation la plupart du temps. En revanche, le dernier tiers du film de Sébastien Pilote est quelconque. On ne sent plus la présence d’une structure scénaristique, comme si la dernière partie «s’était laissée mourir».

La thématique principale n’en demeure pas moins l’amour fragile d’un parent envers ses enfants. Aimer notre progéniture comme nos parents l’ont fait sans remettre en question ce qui est bon pour elle dans cette époque, dans cette société, provoque inévitablement des surprises malheureuses. Cela augmente le risque de leur causer du tort, tout comme à notre entourage et à soi-même. Lorsque la fille cadette explique à son père que sa sœur Marie profite de lui, il n’y a pas de surprise du côté du père et il souhaite quand même plaire à sa grande fille, quitte à tout perdre ce qu’il a pu construire tout au long de sa vie.

Gabriel Arcand offre une performance saisissante de réalisme, au point où l’on peut croire, en complicité avec le réalisateur, qu’on assiste au visionnement d’un documentaire portant sur un véritable éleveur d’agneaux. Ses longs regards ne trouvant pas preneur, la solitude qu’il a fini par apprivoiser et son trop-plein d’amour pour ses filles sont amenés avec une justesse digne des plus grands comédiens que compte le Québec.

Du court passage de la jeune actrice Sophie Desmarais (Sarah préfère la course,  Décharge), avec une apparition de peu de mots, émane une tendresse exquise. Son personnage de Frédérique arrive à faire entrevoir celle que Gaby possède. Sophie Desmarais arrive à jouer aisément ce rôle posé et doux, contrastant avec bien d’autres qu’elle a pu accepter dans sa jeune mais prolifique carrière.

L’aller-retour de Lucie Laurier (Nitro, Bon Cop, Bad Cop) dans Le démantèlement est convaincant, mais sans laisser d’empreinte importante dans l’ensemble de l’œuvre de Sébastien Pilote. On se souviendra plus d’elle comme un «élément déclencheur de l’intrigue» plutôt que pour sa performance qui, à la base, est aussi limitée par le scénario.

Les visites de Gilles Renaud (Tout ce que tu possèdes, Liverpool) sur le plateau du long métrage rappellent quelques-uns des personnages directs et au parler familier qu’il a déjà interprétés dans sa carrière autant cinématographique, télévisuelle que théâtrale. Il est un allié et un ami de Gaby, mais il est aussi là pour tenter de lui secouer les puces alors qu’il prendra une décision plutôt irréversible. Il possède une certaine sagesse appréciable et une part de comédie, surtout lorsqu’il commence à bouder Gaby.