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La France subit-elle les revers de la mondialisation?

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
28.11.2013
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En Bretagne, la coupe était pleine. L’écotaxe symbolise la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis plusieurs semaines, des manifestations qui se propagent, désormais, à moindre ampleur dans d’autres régions, ont éclaté. Ils sont le syndrome d’un «ras-le-bol général», selon les mots des manifestants.

«Général»: l’adjectif est à retenir. La Bretagne connaît, comme d’autres territoires en France, une crise qui se manifeste, notamment dans l’industrie agroalimentaire, sa spécialisation régionale. Tilly-Sabco, Gad, Marine Harvest, Doux : dans la péninsule, plus de 2.500 emplois ont été supprimés ou doivent l’être, et le recours à l’intérim va grandissant. Plus largement en France, les noms d’Arcelor-Mittal, La Redoute, Fagor-Brandt, Goodyear, PSA, etc., résonnent comme autant de drames sociaux pour beaucoup de salariés.

En 18 mois, dans plus de 1.000 entreprises en difficulté, environ 15.000 emplois ont été perdus, souvent dans le secteur secondaire. De 1990 à 2008, un tiers des emplois dans l’industrie a été supprimé en France (de 4,4 à 3 millions).

La principale raison avancée pour expliquer la baisse de rentabilité des entreprises françaises en crise : la concurrence internationale, notamment dans l’industrie lourde. Les crises qui secouent les secteurs de l’industrie ou de l’agroalimentaire français en difficulté aujourd’hui sont à comparer avec les fermetures des mines et des nombreuses industries de la sidérurgie dans les années soixante. La Bretagne, comme la France, est soumise aux effets de la mondialisation, ce terme popularisé depuis quelques dizaines d’années pour caractériser la forte augmentation des flux mondiaux, la diminution du temps et du coût des transports et des communications. Aujourd’hui, dans notre « village planétaire », selon l’expression consacrée du sociologue Marshall McLuhan, une main-d’œuvre quatre à six fois moins chère est disponible à moins de deux heures d’avion. Outre la mise en concurrence mondiale, le phénomène tend également à rapprocher les grandes villes et les élites internationalisées et à marginaliser certaines zones rurales, ainsi que leurs habitants.

Dans un pays qui, de plus, est affaibli par la crise économique, les revers de la mondialisation, impulsée par des politiques de libéralisation des marchés, sont de plus en plus visibles : perte de compétitivité pour de nombreuses entreprises manufacturières, délocalisation à l’étranger ou encore montée en puissance de grosses multinationales (à l’image dans les services de Google, Amazon et autre Starbucks) qui profitent de leur internationalisation pour s’exonérer de nombreuses taxes et s’installer dans des paradis fiscaux – Amazon par exemple possède son siège au Luxembourg. La logique de l’entreprise veut que celle-ci croisse en accumulant les profits. Ce mode de fonctionnement peut parfois aller à l’encontre des intérêts nationaux et régionaux des pays dans lesquels elles sont implantées. Ainsi, face à la montée en puissance de grands groupes, les gouvernements ne peuvent se prévaloir d’avoir toutes les cartes en main, en témoignent les négociations du ministre du Redressement productif Arnault Montebourg face au puissant Lakshmi Mittal.

Les limites du modèle libéral

Aujourd’hui, les effets de la mondialisation éveillent plus de ressentiments encore que dans les années 1990. Le protectionnisme, qui s’inscrit à son opposé, s’il est encore taxé de tous les maux par des organisations internationales telles que l’OMC, l’OCDE, le FMI ou encore la Banque Mondiale, existe pourtant bel et bien dans la plupart des politiques étatiques. L’intervention d’un État dans son économie est accusée de faire barrage à la libre concurrence, de pratiquer des politiques de subvention et ainsi de bloquer les prix. Entre théorie et réalité, il y a toujours un fossé parfois difficile à mesurer et à accepter, mais bien réel: un monde de total libre-échange n’a jamais existé. L’Union européenne, célèbre modèle de dérégulation et de liberté de circulation des flux, applique cependant à ses frontières des tarifs douaniers. Les accusations de protectionnisme entre membres de l’OMC sont de plus en plus fréquentes. En mai dernier, la Chine reprochait à l’Union européenne de taxer trop lourdement les importations en Europe de panneaux solaires chinois. L’exemple peut être qualifié de paradoxal puisque la Chine, dont la croissance économique phénoménale a surpris le monde entier, se développe largement de manière protectionniste, tout en profitant cependant du système mondial de libre-échange.

Enfin, le libre-échange a pu être fatal à certains pays «en voie de développement». Les programmes de réajustements structurels mis en place par le FMI et la Banque Mondiale avec une libéralisation sauvage des économies des pays qui y sont alors soumis, n’ont pas eu les effets escomptés. L’exemple le plus marquant reste encore l’Argentine, soumise à des restrictions budgétaires drastiques et qui est entrée en crise économique et sociale entre 1998 et 2002. Mais les conséquences des plans d’ajustement structurels ont été également critiquées dans les pays asiatiques ou africains, notamment par la réduction des moyens financiers alloués à l’éducation et aux programmes sociaux. Ces situations ne sont pas sans rappeler l’état actuel de la Grèce, dont les chiffres économiques globaux semblent s’améliorer, mais où la population paye encore lourdement les frais des politiques d’austérité imposées par l’Union européenne.

Les critiques se font également entendre chez les intellectuels. L’économiste Joseph Stiglitz, professeur à l’université de Columbia, qui fut entre 1997 et 2000 vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale, parle en connaissance de cause lorsqu’il dénonce les pratiques des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale) et plus généralement les conséquences de la mondialisation aujourd’hui, largement impulsée par des normes occidentales prônant l’économie de marché. Selon lui, le phénomène aggrave les inégalités entre riches et pauvres ; il n’écoute pas les souffrances des peuples car il favorise les grands intérêts financiers et industriels aux dépens des citoyens. Mais encore, il participe à une uniformisation de la culture et à une dégradation de l’environnement.

Aujourd’hui, la crise économique mondiale marque-t-elle le début d’une fin du cycle économique d’expansion et de libéralisation des échanges, comme le monde en a déjà connu par le passé ? Serait-on les témoins de la fin du phénomène de mondialisation économique et du retour vers une production locale créant de l’emploi et préservant l’environnement?

À en croire certaines réalités, la question ne peut se prévaloir d’une réponse affirmative claire. Les principes libéraux sont toujours bien ancrés dans les politiques des grandes institutions internationales et de nombreuses organisations régionales. Plus concrètement, en ce moment même, une vaste entreprise de négociation d’un traité de libre-échange est en cours entre l’Union européenne et les États-Unis.

La volonté d’un retour au Made in France, l’affichage d’une diplomatie économique à l’étranger, la création d’un ministère du Redressement productif constituent autant de tentatives à visée protectionniste du gouvernement français, mises en place pour garder, voire pour reprendre le contrôle sur des pans de l’économie. À en juger les résultats, il serait utile de tirer les leçons des dernières décennies et de trouver le bon équilibre entre le marché local et la coopération internationale.

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