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Bronzes de la Chine impériale

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
30.11.2013
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  • Brûle-parfum, xianglu, en forme de vase ding. Daté du règne de Changhua (1465-1487). Le ding est un ancien chaudron chinois souvent tripode à deux anses avec un couvercle. (©Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet)

Les bronzes de la Chine ont été, durant le XXe siècle, longtemps sous-estimés par les chercheurs qui s’intéressaient plutôt aux bronzes archaïques (lire Voyage à travers les Bronzes de la Chine Antique, édition Epoch Times n°244). Au cours des deux dernières décennies, les archéologues se sont penchés sur ces bronzes souvent qualifiés de tardifs, qui étaient, pour eux, de nouvelles sources de recherches.

La place des bronzes dans la civilisation chinoise

Une légende antique attribue l’invention du bronze au souverain mythique Yu le Grand, fondateur de la dynastie de Xia (XXIe -XVIIe siècles av. J.-C.) qui aurait fait fondre neuf tripodes de bronze symbolisant les neuf provinces de son royaume.

Cette légende révèle l’importance des bronzes dans la tradition chinoise et le plus souvent au fait qu’ils contribuent à la légitimité du pouvoir de chaque dynastie. En effet, chaque dynastie se démarquait ainsi des dynasties précédentes tout en affirmant une continuité à travers la production des bronzes. C’est aussi la raison pour laquelle les souverains de la dynastie Song décident, après plusieurs siècles de prédominance du bouddhisme, de restaurer les liens avec le passé. Ils renouvellent des rites ancestraux liés au Ciel et à la Terre ainsi que les bronzes qui servaient pour ces rites.

Le Xe siècle en Chine nous rappelle à nous, Occidentaux, la période de la Renaissance, une ère qui cherche à se réconcilier avec son passé après une longue période de coupure et de prédominance religieuse. Comme ce sera le cas en Occident plus tard, le retour à l’Antiquité en Chine impliquera tous les domaines de la vie.

  • Vase en forme d’oiseau céleste. Dynastie des Qing, époque de Qianlong (1735-1796). Alliage brun sombre en surface avec des tâches d’or. (©Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet)

Durant des siècles, les Bronzes passent d’une dynastie à l’autre. Ils deviennent alors les objets fondateurs de l’histoire chinoise. Au Xe siècle, on commence à les déterrer, les étudier, les classifier, les cataloguer, et même les imiter, pour enrichir les collections privées, y compris la collection impériale.

L’empereur Huizong (1101-1125) enrichit sa collection impériale avec les bronzes antiques. C’est aussi à cette époque que les premiers catalogues sont rédigés: le Catalogue illustré pour étudier l’Antiquité (Kao gu tu) rédigé par Lu Dalin en 1092 et le Catalogue illustré des Antiquités (Bo gu tu), attribué à Wang Fu en 1125. Ces catalogues comprennent, non seulement les descriptions de chaque objet, mais aussi des dessins rigoureux. Ils détermineront également les termes qui désignent les objets jusqu’à nos jours.

Le retour vers l’Antiquité se manifeste dans les imitations. On imite les formes: coupes en forme d’oiseau et vases en forme de quadrupèdes. On imite les thèmes – un bestiaire fantastique –, on imite les couleurs. C’est surtout la nuance de la couleur qui met en valeur les pièces.

La couleur, un élément crucial

La valeur d’un bronze était déterminée par sa couleur. La couleur antique était même désignée par un terme – gu se. Elle définissait l’authenticité autant que la qualité de l’objet.

Le Traité à l’usage des collectionneurs de Zhao Xigu du XIIIe siècle présente les critères pour évaluer les bronzes à partir de leur couleur. Au XVIe siècle, Zhang Yingwen établit une hiérarchie de couleurs dans Trésor secret de pureté d’où il en conclut que le noir est la couleur la plus considérée.

  • Zun est un vase à col évasé destiné aux boissons fermentées et utilisé dans les rituels. Dynastie des Ming, XVe ou début du XVIe siècle. (©Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet)

Dès le Xe siècle, les artisans de bronzes mettent en place de nouvelles techniques afin de reproduire la fameuse «couleur antique».

D’abord, ils imitent la couleur verte de l’oxydation par un procédé chimique appelé tufa pour obtenir un objet qui semble être exhumé. Puis d’autres couleurs sont recherchées et d’autres techniques inventées. Le hanfa permet d’avoir une patine noire qu’on couvre d’un enduit semi-translucide brunâtre, alors que le yunfa consiste à incorporer la patine au corps de l’objet.

La patine brune était recherchée car elle donnait parfaitement l’impression d’un objet authentique transmis d’une génération à l’autre «de plus de 1.000 ans», comme le décrivaient les textes anciens. Les nuances de cette couleur brunâtre à brune ont reçu les noms de « couleur de marmite » et «couleur de thé séché». Elles étaient surtout utilisées à partir de la fin de la dynastie Ming (1368-1644) et au cours de la dynastie Qing (1644-1911).

Les parties valent autant que l’ensemble

L’effervescence pour le passé atteint un tel point qu’on ne se satisfait plus de l’imitation, on met aussi en œuvre l’esthétique du fragment.

  • Statuette de fonctionnaire céleste portant un tripode jue. Dynastie des Ming (1368-1644). (©Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet)

C’est alors qu’on mêle des fragments de pièces anciennes à la création de nouvelles œuvres. Tantôt on se contente de rajouter un élément – une anse, des pieds ou un embout provenant de l’Antiquité – pour compléter une imitation. Tantôt on expose les fragments tels quels pour suggérer l’œuvre entière. Cette esthétique est poussée surtout par les lettrés qui admirent le bizarre.

Parmi les objets privilégiés, se trouvent également les ustensiles des lettrés: un lave-pinceau incrusté d’or et de cuivre en forme de gobelet jue (oiseau), ou un pose-pinceaux en forme de montagne ou encore un compte-gouttes en forme de crapaud à trois pattes. Les vases à fleurs utilisés déjà à la fin de l’époque des Royaumes Combattants (481-221 av. J.-C.) retrouvent leur gloire avec les dynasties Song (960-1279) et Ming (1368-1644). Les vases à fleurs, tout comme les vases à flèches, plus anciens encore, servaient aux invités, ceux-ci s’amusant à lancer des baguettes lestées lors des banquets.

Prière de toucher

Au milieu de son parcours, le visiteur passe par une salle dans laquelle il est permis de toucher deux grandes œuvres.

D’un côté, une grande cloche en bronze de la dynastie Qing invite le visiteur à essayer la diversité des sons provenant du placement différent des coups qu’il portera. Cette particularité permettait, avec la même cloche, d’émettre des sons graves ou aigus selon l’endroit où on les frappait, en haut ou en bas à droite, par exemple. Les cloches chinoises n’étaient pas dotées de battant interne. Il fallait donc user d’un percuteur pour produire du son.

  • Lave-pinceaux, bixi, en forme de gobelet, jue. XVIIIe siècle. Les vases jue étaient des vases en forme d'oiseau et contenaient des boissons fermentées. (©Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet)

En face, repose, immobile, un grand brûle-parfum en forme de lion à corne (Suanni) de l’époque de la dynastie Ming, sur les pattes duquel s’enroule un serpent. Le Suanni, un «lion d’or» avec une corne, appartient à la famille des dragons.

Face à ces objets de grande taille, le visiteur rencontrera aussi des miniatures souvent religieuses, bouddhistes ou taoïstes, parmi lesquelles les statuettes de la boddhisattva Avalokitesvara ou celles des huit immortels taoïstes, ensemble ou individuellement, racontant leur histoire, comme celle de Lü Dongbin traversant la mer pour atteindre l’île Penglai.

L’exposition propose ainsi un assortiment délicieux pour les amateurs d’art chinois et pour tous ceux qui chérissent la beauté en général. À savoir également que toutes les œuvres ont été réunies par Henri Cernuschi (1821-1896), parti en Chine en 1872. Elles sont exposées dans son ancienne demeure qu’il a léguée, avec sa collection, à la ville de Paris.

Informations pratiques

«Bronzes de la Chine impériale»

«Du Xe au XIXe siècle»

Musée Cernuschi, 7 av. Vélasquez, 75008 Paris. Jusqu’au 19 janvier 2014. Ouvert du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. Entrée 6 €.

Pour en savoir plus: Cernuschi.Paris.fr

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