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Le rôle d’internet dans la démocratie

Écrit par David Vives, Epoch Times
30.11.2013
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  • Des développeurs de logiciels informatiques se sont réunis au cours de l’évènement u00abHackathon Dataculture», consacré à l’ouverture des données culturelles sur internet le 25 octobre 2013, à Paris. (AFP PHOTO/François Guillot)

Chaque jour, 100.000 nouveaux blogs sont créés par des internautes dans le monde. L’intérêt de participer aux débats de la société devient de plus en plus grand. D’après Laurence Granny-Smith, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Compiègne, les «cyber citoyens» ne veulent plus que les experts ou les États soient les seuls acteurs à participer au «processus décisionnel, et à détenir les clefs de l’intérêt général». Internet agit alors comme un formidable terrain d’expression citoyenne.

En Occident, la possibilité de mobiliser ou de former des communautés de valeurs sur le web est un des facteurs de santé de nos démocraties. Car dans d’autres pays, l’accès à l’internet rime avec guerre de l’information et parcours du combattant. En effet, le web, cet espace d’échanges, de libertés et de partages, abrite autant d’individus soucieux de promouvoir la démocratie, la libre circulation des informations et des connaissances, que de régimes politiques effrayés de perdre le contrôle de l’opinion publique.

La question de la liberté et de la démocratie sur internet entraîne la remise en cause des monopoles de l’information, ceux des États, des entreprises publicitaires et ceux qui donnent accès et hiérarchisent l’information comme Google. Des enjeux considérables semblent se refléter aujourd’hui dans la problématique de la structure, de l’éthique et du rôle d’Internet dans notre société.

Internet comme moyen de communication politique

Le monde politique, de l’avis général, souffre d’une crise de la représentation. Celle-ci ne manque pas de se manifester par le taux d’abstention, ou les records d’impopularité dans les sondages. C’est dans ce contexte qu’Internet ouvre souvent l’espoir d’un nouveau moyen de communication. Les blogs, les réseaux sociaux ou les forums ont fleuri, fournissant de nouveaux supports d’information, de relations et d’échanges aux citoyens du monde. En France, les partis politiques s’essaient timidement à l’exercice de la «consultation citoyenne», comme on l’a vu avec le blog créé à l’occasion du Grenelle de l’environnement, ou encore les blogs de différents partis politiques.

En 2006, 80.000 Français ont rejoint le PS ou l’UMP à travers les campagnes d’adhésion en ligne, et un million de Français déclaraient utiliser Internet pour s’informer des programmes présidentiels (Sondage TNS-Sofres). Bien que ces chiffres paraissent encore minimes sur l’ensemble des électeurs (42 millions), l’intérêt de la maîtrise du web apparaît sur le long terme. Si 50.000 personnes sont venues salle Gaveau pour écouter Nicolas Sarkozy, 93.000 supplémentaires écoutaient le candidat sur Dailymotion. Là où la télévision fait des parts d’audimat, Internet fait des «parts de buzz», et fournit aux politiques de nouvelles façons de faire campagne et de faire parler d’eux. Mais le succès de la cyber citoyenneté et des blogs, s’il en est, ne réside pas là.

D’après l’analyse de la sociologue Carine Delrieu, le succès de la web-citoyenneté «provient d’abord du contexte de défiance généralisée à l’égard des trois pôles principaux producteurs traditionnels d’information: la politique, le journalisme et la publicité». À défaut de pouvoir entièrement capter la nouvelle «e-citoyenneté» émanant du web et des blogs, les hommes politiques font parfois les frais de leurs dérapages et doivent faire face à la traçabilité de leurs paroles.

Les risques liés à une sur-utilisation d’internet sont nombreux, et certains observateurs constatent un effet de contagion et d’influence. Dominique Boulier, directeur du Laboratoire des usages en technologies d’informations numériques, constate l’action de certains groupes revendicateurs dont le «principe de fonctionnement relève de l’influence et de la contagion, parce qu’ils détrônent les médias de masses dans la fabrication d’opinion». L’utilisation de l’information peut alors devenir une arme massive pour contrôler l’opinion et pour induire ses réactions.

Un enjeu géostratégique mondial

Début octobre, une réunion à Montevideo en Uruguay a rassemblé les grandes instances gouvernantes de l’Internet, comptant les organisations chargées de gérer les ressources du réseau, comme l’ICANN (Ndr. la société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet). Celles-ci sont actuellement sous le contrôle direct des États-Unis. Après les scandales qui ont éclaté faisant rapport de la surveillance par la NSA de plusieurs pays, dont la France, l’hégémonie américaine et ses méthodes ont été largement critiquées. De l’avis de plusieurs experts, le rapport de force préétabli a changé : les États-Unis, qui plaidaient jusqu’alors le statu quo, pourraient être forcés de lâcher du lest.

La perte de l’hégémonie américaine sur la règlementation en cours pose un autre problème. Dans un rapport de Reporters sans frontières (RSF) intitulé «Les ennemis d’Internet», l’organisation soutient que «l’adoption par des régimes traditionnellement respectueux des droits de l’homme de ce type de législations liberticides donnerait des arguments aux dirigeants de pays répressifs qui se dotent d’un arsenal législatif contre les voix critiques.» Le désaveu des méthodes américaines pourrait en effet faire le bonheur des pays émergeants comme l’Iran ou la Syrie, qui ont une mainmise totale sur leur réseau national, ou encore la Russie et la Chine. D’après Julien Nocetti, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), spécialiste de la gouvernance d’Internet et de l’Internet russe, «les propositions des pays émergents visent à ‘désoccidentaliser’ Internet», dans le sens d’en retirer les valeurs démocratiques.

Au sujet de la Russie, Julien Nocetti argumente: «Il y a un lien fort entre les positions de la Russie à l’international et la vie politique intérieure. Internet et les réseaux sociaux sont davantage perçus sous un prisme sécuritaire par les décideurs russes que comme vecteur de développement économique». En ce qui concerne la Chine, il existe 2 millions de personnes chargées de surveiller le contenu du web, plus que l’Armée de Libération du Peuple, comptant 1,5 million de soldats. Les internautes sont ainsi limités par ce qu’ils sont autorisés à connaître, confrontés au système de censure contrôlé par le régime chinois. Chen Xi, militant pour la démocratie chinoise, affirme que les étudiants veulent avoir accès à des informations fiables. «Ils sont à la recherche de la vérité, en attente de voir un monde plus authentique. Ils ne veulent plus ni se faire duper par les outils de propagande du régime communiste chinois, ni continuer à vivre dans le mensonge», a-t-il expliqué.

Certains experts et commentateurs, en France et au sein de l’Union européenne, reconnaissent  que les discours anti-occidentaux des différents régimes autoritaires visent à préserver leur propre pouvoir, et non celui de la population. Dans ce jeu de pouvoir d’un genre nouveau, les pays européens n’ont pour l’instant pas exprimé de position claire.

«Il y a une absence totale et une impuissance de l’Europe sur ces questions. L’UE est le théâtre de luttes d’influence entre Américains et grands émergents», assure Julien Nocetti, notant à ce titre que ces derniers «ambitionnent d’influencer les institutions européennes».

L’accès à l’information, facteur crucial des démocraties

En 2006, des ressortissants chinois hors de Chine ont créé FreeGate, un logiciel permettant de contourner le pare-feu établi par le régime de Pékin, et d’accéder aux informations internationales. Lors du printemps arabe, le même logiciel avait été utilisé pour passer outre la surveillance du gouvernement égyptien, et avait permis aux manifestants de se rassembler et de se coordonner entre eux. «Face à la sophistication des moyens déployés par les censeurs et les services de renseignements, l’ingéniosité des acteurs de l’information et des hacktivistes (Ndr. contraction de hackers et activistes) qui les épaulent est mise à rude épreuve», analyse le rapport de RSF.

Face aux critiques venant d’Europe ou des États-Unis, et dans les nombreux commentaires que l’on peut lire sur Internet, on retrouve des discours s’appuyant sur une démagogie particulière. «Les étrangers ne peuvent pas critiquer la Chine, ils ne connaissent pas sa situation», entend-on de la bouche des membres du régime chinois, qui parlent alors d’«affaires internes» dès que l’on aborde les droits de l’homme en Chine. À l’intérieur du pays, ceux qui critiquent le gouvernement sont accusés de faire de l’anti-patriotisme, de répandre des rumeurs et risquent la prison. Cette situation se retrouve identique en Russie ou en Syrie.

Le droit à l’information n’est pas épargné en France

Prenons l’exemple du contrôle de l’information par la Chine, actuellement la machine de contrôle de l’information la plus importante au niveau mondial. En France, comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, tout ce qui touche de près ou de loin l’image de la Chine est sous surveillance des autorités chinoises, soucieuses de promouvoir leur image. Les informations diffusées en France, concernant l’actualité en Chine doivent appartenir largement à la ligne du régime chinois. Le régime intervient à l’étranger par le biais des relations diplomatiques, des échanges commerciaux, des échanges interentreprises, des instituts Confucius, des ambassades, ou encore de l’armée des «cinquante centimes» (tirant leur nom de l’argent que les soldats de la propagande reçoivent pour chaque post ou commentaire déposé en faveur du régime), etc.

Bien qu’en apparence, les sites possèdent leurs propres contenus et paraissent autonomes, ils sont la plupart du temps surveillés ou peuvent faire l’objet de pressions. Ces sites doivent ainsi éviter de parler de la politique du parti communiste au Tibet, de la répression du Falun Gong, de la persécution des chrétiens, de la situation sociale et politique en Chine, etc. sous peine d’être inondés de commentaires, d’insultes, de propagandes et autres, quand ils ne peuvent supprimer directement l’article. Ajouté à cela, des principes de référencement de Google, qui causent une extrême difficulté aux informations de sources libres et démocratiques de remonter auprès du grand public. Il est donc très difficile d’accéder à la réalité des informations se déroulant actuellement en Chine et d’avoir la possibilité de communiquer librement dessus, même en France.

Les militants ou journalistes font également l’objet de pressions. Suite aux émeutes de 2008, le journaliste de France 24, Cyril Payen, est entré clandestinement au Tibet pour réaliser le reportage Sept jours au Tibet. En juillet 2013, des membres de l’ambassade chinoise à Paris se sont rendus au siège de France 24 et ont fait pression pour que la chaîne ne diffuse pas le reportage. L’action a été dénoncée par RSF, et le reportage diffusé et laissé en libre accès sur le web. D’où la prudence des journalistes aujourd’hui à faire des enquêtes de fond sur la Chine, devant l’important appareil persuasif et de contrôle de l’information mis en place par le régime chinois.

Au sujet du bras de fer actuel concernant les «acteurs de l’information et les hacktivistes» vis-à-vis des grandes puissances qui s’en prennent à l’exercice de la démocratie, le rapport de RSF «Ennemis de l’Internet» conclut qu’il existe maintenant «un combat sans bombes, sans barreaux de prisons, sans encarts blanchis dans les journaux, mais un combat où, si l’on n’y prend pas garde, les ennemis de la réalité et des vérités pourraient imposer une domination absolue».

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