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Le cœur d’un homme

Hommage à Albert Camus

Écrit par Isabelle Meyer, Epoch Times
12.12.2013
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  • Photo d’Albert Camus prise en 1959. (AFP PHOTO)

Près de Mâcon, sur la nationale 7, une Facel Vega, marque française de prestige, roule à vive allure, ce 4 janvier 1960. En passant sur la commune de Villeblevin, la voiture quitte la route, s’écrase contre un arbre, rebondit sur un autre et se disloque. La montre du tableau de bord se bloque. Il est 13h55. À bord du véhicule, le chauffeur, Michel Gallimard, grièvement blessé, est transporté à l’hôpital de Montereau où il décède 5 jours plus tard. Janine et Anne Gallimard sont indemnes. L’homme, assis à la droite du conducteur, est tué sur le coup: c’est Albert Camus.

Écrivain et philosophe français auteur de L’Étranger en 1942 et de La Peste en 1947, il a reçu le Prix Nobel de littérature en 1957. Ainsi s’achève, à 46 ans, la vie de l’un des plus grands écrivains et philosophes du XXe siècle.

En cette fin d’année 1959, Albert Camus passe les fêtes de fin d’année à Lourmarin, dans le Vaucluse, avec sa famille et ses amis, les Gallimard. Le retour à Paris est organisé pour ce jour de janvier où Albert Camus prévoit de rentrer en train. Mais Michel Gallimard insiste pour le conduire en voiture. Camus accompagne sa femme et ses deux enfants à la gare d’Avignon, puis il part avec les Gallimard dans leur Facel Vega.

Après une halte dans une auberge, près de Mâcon, ils prennent la nationale. Ils viennent de passer Sens, lorsque, 24 kilomètres plus loin, en passant sur cette commune de Villeblevin, la voiture s’écrase. À l’intérieur de l’automobile accidentée, on retrouvera le manuscrit, encore inachevé du récit autobiographique de Camus, Le Premier homme.

Le corps d’Albert Camus est aussitôt déposé dans une salle de la mairie de Villeblevin.

Depuis 1967, l’énorme bloc de pierre de la fontaine de Villeblevin, située en face de la mairie, ornée, en bas-relief, d’un portrait de Camus porte une phrase de l’écrivain: «La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme.»

Albert Camus voit le jour le 7 novembre 1913, à Mondovi, petit village du Constantinois, près de Bône, aujourd’hui Annaba, en Algérie. Il est orphelin. Son père, Lucien Camus, mobilisé et blessé à la bataille de la Marne en septembre 1914, meurt à l’hôpital militaire de Saint-Brieuc à l’âge de 28 ans. De ce père ouvrier caviste, il recevra pour tout héritage, une photographie.

Il est élevé par sa mère, par une grand-mère autoritaire, et par un oncle boucher, qui, lecteur lui-même, lui donnera le goût de la lecture. La cellule familiale va émigrer dans un quartier populaire de Belcourt à Alger. Là, Camus joue au ballon avec les gosses du quartier mais fait aussi l’expérience de la misère. Sa mère, Catherine Sintès, d’origine espagnole, fait des ménages pour nourrir ses deux fils, Lucien et Albert. C’est à cette mère, épuisée par le travail, à demi-sourde et presque analphabète, ne sachant pas lire, qu’Albert Camus vouera un amour filial inconditionnel.

Quand il évoquait cette partie de vie, il disait «qu’il était heureux» et que «tout est bien sous le soleil».

À ce monde, Camus restera fidèle toute sa vie, ce monde-là, celui des pauvres, des humiliés, des victimes. C’est à partir de cet environnement que Camus construira les valeurs qui seront les siennes : la droiture, le courage, le sens de la justice, la dignité, la modestie.

Son destin bascule, lorsque à l’école communale, un instituteur, Louis Germain, découvre chez l’enfant, des facultés intellectuelles hors du commun. Il convainc sa famille de présenter le jeune écolier au concours des bourses qui allait lui permettre d’aller au lycée. Camus est reçu. Il entre au lycée Bugeaud d’Alger, peu accessible, en ce temps, aux milieux défavorisés.

Sa trajectoire est à son image, consciencieuse, dénuée d’artifices, sans compromis, sans détour, simple. À 17 ans, c’est un adolescent beau, heureux de vivre. Il aime le football, les filles, les couleurs de la Méditerranée, les fruits gavés de soleil et aussi… danser. Certains de ses écrits prendront le reflet de cette exaltation: le soleil, la sensualité, l’amour, la mer, la lumière.

Lorsqu’il passe son baccalauréat, la maladie se déclare : des fièvres, des douleurs dans la poitrine. On le soigne pour une tuberculose. Sa maladie récidive quelques années plus tard, mais rien n’entame son appétit de vivre et d’écrire. Est-ce cette maladie qui lui inspire la pensée que l’homme doit vivre pleinement, comme il le dit «dans le seul monde qui nous soit donné?»

En 1932, ses premiers essais sont publiés dans la revue Sud. À 36 ans, il est déjà l’auteur célèbre de L’Étranger, de La Peste, du Mythe de Sisyphe. Il est devenu journaliste, romancier, philosophe.

Mais Camus ne peut fermer les yeux devant l’insoutenable banalisation de l’injustice, de la misère, de la violence. Face à cela, agir, dénoncer, s’engager.

En 1933, il milite contre le fascisme. Dans le journalisme, il trouve en 1940, un autre mode d’action pour défendre ses convictions et fonde avec Pascal Pia, le journal Alger Républicain pour dénoncer ce que les autres quotidiens, le plus souvent, taisent.

Il entre dans la Résistance, en 1941, à l’intérieur du réseau Combat où il est chargé de missions de renseignements. Il assure la direction d’un journal clandestin jusqu’en 1947.

Tout au long de sa vie, Albert Camus sera de tous les combats. Et, lorsque ses activités journalistiques cessent, il continue à faire entendre sa voix pour lutter, toujours lutter pour la justice, pour la dignité humaine.

Ce mouvement incessant, cette détermination, jalonnent son œuvre. De la variété à la complexité de ses thèmes, de l’absurde à la révolte, il veut transmettre cette part de nous-mêmes qui nous honore et nous oblige, et qu’on appelle fraternité.

Au nom de quoi, lui qui fut hédoniste, libertaire, anarchiste, anticolonialiste s’affirme profondément hostile à tous les totalitarismes.

«Il faut témoigner», écrivait-il, dans ses carnets.

En témoignage, Albert Camus, laisse, pour exemple, son existence généreuse et une œuvre dont la grandeur n’en finit plus d’interroger notre conscience.

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