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Marseille «capitale européenne de la culture» sous les feux des projecteurs

Écrit par Christine Modock, Epoch Times
07.02.2013
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  • Le château d'If construit au XVIe siècle rendu célèbre grâce au roman d’Alexandre Dumas. (Photos.com)

Marseille, Aix-en-Provence, Arles et une centaine de communes ont inauguré le week-end du 12 et 13 janvier dernier, le lancement de Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la Culture. Une foule immense s’était déplacée pour assister à cet évènement annoncé par les organisateurs comme l’un des plus prestigieux de la région.

Un choix unanimement reconnu pour Marseille

Le concept de la Capitale européenne de la culture a été initié le 13 juin 1985, par le Conseil des ministres européens, à l’initiative de Mélina Mercouri, alors ministre grecque de la Culture. L’objectif visait à «contribuer au rapprochement des peuples européens», en renforçant l’identité locale, tout en mettant en valeur les traits communs des cultures européennes.

Après Paris, Avignon et Lille, c’est Marseille qui a été désignée à l’unanimité «Capitale européenne de la Culture», aux côtés de la ville slovaque de Kosice. Monsieur Bernard Latarjet, ancien Directeur Général du Projet Marseille-Provence 2013, a pu expliquer ce choix en déclarant au journal Le Monde: «Les vraies questions culturelles qui se posent à l’Europe, ce sont les migrations, le racisme, les rapports hommes femmes, les religions, l’écologie. Marseille est sur la ligne de front des fractures de la planète. Il n’y a pas une ville plus cosmopolite. Des quatre villes candidates, c’est celle qui a le plus besoin du label capitale européenne de la culture, et elle peut servir l’Europe mieux que d’autres».

Chaleureuse, rayonnante, vibrante, la métropole méditerranéenne va profiter de son label de Ville culturelle, pour sortir ses meilleurs atouts et se métamorphoser. Il est vrai que Marseille est non seulement l’un des plus beaux ports de la Méditerranée, mais aussi une grande ville, avec près de 60 kilomètres de façade maritime, de belles plages, des criques pittoresques, une superbe baie sillonnée par des bateaux et parsemée d’îles qui ont toutes leur histoire propre. N’oublions pas la célèbre église de Notre-Dame de la Garde, cette «Bonne Mère», située au sommet de la colline du Beffroi, qui domine le Vieux Port, et apporte à ses habitants un lieu privilégié de grâce, de contemplation et de sérénité. Enfin rappelons que cette antique cité a fêté en 1999 ses 2.600 ans.

Le succès du lancement de la capitale européenne de la culture

Les Marseillais attendaient beaucoup de cet évènement. Une foule impressionnante était venue exprimer une attente, un espoir d’avoir une image différente de la ville de Marseille, trop souvent décriée. Près de 400.000 personnes avaient répondu au rendez-vous de la Culture, lancé officiellement dans l’après-midi par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

  • La Cathédrale Sainte Marie Majeur bâtie au XIXe siècle. (Photos.com)

La fête a démarré dans les quartiers nord, par une parade de «machines», fabriquées par les élèves d’une dizaine d’écoles et lycées professionnels, qui ont transformé des camions de pompiers, des voitures et des motos désossés en engins lumineux. Puis, vers 19 heures, le public a chanté, déclamé, poussé des cris... encouragé par les cornes de brume des bateaux, les cloches des églises et les sirènes des pompiers. Le succès de cette grande clameur générale n’était que le début des surprises, car tout de suite après, sur tout le Vieux-Port, l’éclairage public s’est éteint quelques secondes, pour laisser place à un impressionnant feu d’artifice et une mise en lumière stupéfiante, jamais vus avant, des monuments de la ville: le Fort Saint-Nicolas rayé de rouge et bleu, Notre-Dame de la Garde rayonnante aux couleurs changeantes, la cathédrale la Major pour la première fois illuminée, les jets d’eau dans la baie du Vieux Port aux multiples couleurs, et tous les monuments publics éclairés en même temps.

Un spectacle extraordinaire pour le public qui a exprimé son émerveillement par des cris de joie et des applaudissements.

Ainsi, la soirée du 12 janvier s’est poursuivie joyeusement avec des défilés, des concerts, de la musique de rue, des danses, des expositions et ce, jusqu’à 3 heures du matin pour les plus téméraires. Il en a été de même le lendemain du 13 janvier. Malgré un temps pluvieux et un froid mordant, beaucoup de personnes se sont rendues à la découverte des expositions, concerts et animations de Marseille, d’Arles et d’Aix en Provence.

Rappelons que durant toute l’année 2013, Marseille et la Provence seront au cœur de l’actualité culturelle. 

Et si Marseille m’était contée!

Pour nous parler de cette ville, nous avons interrogé Pierre Echinard, président de l’académie de Marseille, président de la Société de Statistiques de Provence et de la Revue de Marseille, historien et auteurs de nombreux ouvrage, qui est un fleuron de la culture marseillaise. Il nous livre sa vision sur Marseille 2013.

L’inauguration de Marseille capitale européenne de la culture a suscité une réelle effervescence populaire. Beaucoup de gens se sont déplacés, pour vivre cet évènement en direct. En tant qu’académicien et historien, pouvez-vous nous dresser un bref historique de Marseille et nous dire si Marseille est véritablement une ville de culture?

Marseille a une histoire de 2.600 ans avec des rebondissements considérables de périodes fastes et sombres. Le premier visage culturel de Marseille est très positif, car il est en liaison avec la culture antique grecque méditerranéenne. Par la suite, la culture chrétienne va prendre le relais des cultures païennes. Et Marseille, de par sa position géographique, va se retrouver vers le IIIe et IVe siècle ap. J.-C., porteuse de la nouvelle civilisation culturelle du christianisme, qui se développera à Marseille et dans les environs.

Les deux périodes de civilisation qui se sont succédées sont la civilisation gréco-romaine païenne, qui domine l’antiquité et la civilisation chrétienne qui prendra le relais. Elles sont toutes deux en liaison directe et rapide avec Marseille: cette situation découle de sa position géographique d’interface avec les peuples voisins. Il faut préciser que la colonie phocéenne est venue s’installer à Marseille en l’utilisant comme un comptoir commercial avec un prolongement idéologique et philosophique. Ce sont les Marseillais phocéens qui vont créer Nice et un certain nombre d’autres villes, qui étaient aussi des comptoirs commerciaux en raison de leurs possibilités portuaires.

Au XVIIIe et XIXe siècle, Marseille va devenir une ville essentiellement bourgeoise, liée au commerce qui ne se soucie pas de la culture. La ville devient donc à la fois trop bourgeoise et trop populaire. C’est donc durant cette période que va se façonner le deuxième visage de Marseille, qui contraste avec le premier. Celui d’une ville qui n’est plus de culture, parce qu’elle est entre les mains d’une bourgeoisie qui n’a pas le temps de s’occuper de culture et du petit peuple.

Evidemment cette vision est fausse, mais elle a été véhiculée par ceux qui sont venus visiter Marseille. Et, c’est à ce moment-là que la ville d’Aix est devenue une ville de culture, de Parlement, d’universités… tandis que Marseille n’était qu’un lieu de commerce et d’industrialisation précoce.

La réalité est certes différente, car il y a une autre forme de culture qui s’est développée à Marseille, celle de la culture populaire. Les négociants qui arrivaient au faîte de leur fortune, étaient souvent d’extraction populaire et finalement avaient des attentes de culture proche de celles du petit peuple, qui lui, cherchait à apprendre et à connaître.

Donc il va se créer toute une culture qui n’est pas aussi élitiste que celle que l’on pouvait attendre d’Aix ou de Paris: une culture plus populaire, qui a fait le Marseille d’aujourd’hui. Seulement, cette culture populaire n’était pas reconnue à l’époque, car la seule référence était la culture élitiste.

Nous sommes maintenant dans une troisième période plus récente, où la définition de la culture n’est plus la même. Aujourd’hui, la culture s’est rapprochée du peuple. C’est donc une culture de la rue, de l’instantané, du spectacle… et la culture populaire est devenue une culture en elle-même.

Donc, Marseille se retrouve ville de culture au sens moderne du mot, après que la culture élitiste lui a été refusée au cours des siècles précédents. Aussi, qu’elle devienne Capitale Européenne de la Culture en 2013, est quelque chose qui répond soit à son passé lointain, soit à son présent qui ressemble à ce qu’est la culture de Marseille.

Marseille revit à travers ses chants, ses danses, son théâtre, sa poésie… tout est mis en œuvre par les instances publiques, les associations, les entreprises, pour faire découvrir cette belle culture méditerranéenne de la France. Quel rôle a joué l’académie de Marseille dans ce processus?

L’année 2013 ne mettra pas en exergue uniquement ce qui est fait à Marseille, mais apportera aussi à Marseille ce qui est fait ailleurs. Il y a une fonction d’échange des cultures et beaucoup d’éléments sont amenés de l’extérieur.

Par ailleurs, l’équipe qui a été chargée de mettre sur pied Marseille 2013 a été recrutée à Paris. Cette équipe a dû s’acclimater au contexte et ils comptent ouvrir la ville aux autres cultures, ce qui est une des vocations de Marseille en tant qu’interface culturelle.

L’académie n’est pas impliquée directement dans les évènements de 2013, dans le programme officiel, il n’y a pas de programme académique qui ait été sélectionné. Mais elle pérennise les efforts, car sa vertu est d’être multidisciplinaire, en sciences, lettres et arts, et donc de transmettre le relais, ou la connaissance de ce qui a déjà existé, au plus grand nombre.

Marseille a toujours été l’enfant rebelle et terrible de la France. Les Marseillais disent souvent qu’ils sont avant tout Marseillais… Ils sont par nature chaleureux, avenants, serviables, le contact est facile en Provence, mais les gens ne se lient pas facilement. A quoi cela est-il dû?

On est parfois déçu parce que le premier contact est ouvert et sympathique, nous sommes un pays de vocabulaire, de gestuel, d’exagération quelque part, le bon accueil fait partie de notre savoir-faire, mais une fois l’accueil passé, c’est la partie plus intime qui reprend le dessus. Ainsi, des villes, peut-être plus froides, sont certainement plus chaleureuses en réalité.

Les gens sont de prime abord sociables c’est vrai, mais au fond plus dramatiques! Les Marseillais ont en quelque sorte hérité de la Grèce, à la fois solaire et noire. Les deux sont compatibles.

Souhaitons bon vent à Marseille 2013, puisse-t-elle réaliser ses meilleures performances culturelles pour devenir un bel outil de cohésion sociale.

Remerciements à Jean-Noël Berevini.

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