Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Produisons autrement

De l’agriculture industrielle à l’agriculture biologique, défi environnemental

Écrit par Ivo Paulovic, Epoch Times en collaboration avec Eskani Siruguet
11.03.2013
| A-/A+
  • Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Stéphane Le Foll, au salon de l’agriculture le 3 mars 2013 accompagné de Benoit Hamon, ministre chargé de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation. Il a annoncé vouloir faire de la France un modèle de l’agro-écologie. (AFP PHOTO/Kenzo Tribouillard)

«L’agriculture aujourd’hui doit prendre très au sérieux le défi environnemental», a déclaré Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt au Salon international de l’Agriculture 2013. Dans son projet de restaurer l’agriculture française, le ministre entreprend la mise en place de l’agro-écologie pour la France d’ici à 2017. Il entend ainsi soutenir le développement de l’agriculture biologique «tant en matière de production agricole, que de structuration des filières et de consommation» et de «diffuser les connaissances et les méthodes acquises pour le développement de l’agriculture biologique vers les autres modèles de production». Pour comprendre les raisons de ce projet et les remises en question nécessaires à sa mise en place, il faut comprendre les limites structurelles, économiques et écologiques de l’agriculture intensive née il y a une centaine d’années avec la révolution industrielle.

Selon Olivier de Schutter, le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation des Nations unies, des méthodes de production non durables accélèrent le changement climatique qu’est la dégradation des sols et épuisent les réserves d’eau douce, menaçant à terme notre capacité à nourrir la planète. Dans son rapport critique de 2012 sur la «révolution verte», il a souligné la nécessité de changement de cap et la mutation des méthodes agricoles conventionnelles (industrielles) vers les méthodes de l’agro-écologie.

Historiquement, l’apparition de l’agriculture dans les sociétés humaines marque le passage d’un mode de vie primitif vers un état civilisé. Plusieurs millénaires plus tard, l’agriculture se heurte à ses propres limites systémiques et écologiques. Outre la perte des sols, le faible intérêt au métier d’agriculteur et le manque de confiance des consommateurs envers les produits issus de l’agriculture industrielle, le fer de lance de l’agriculture moderne s’oxyde inexorablement. En effet, d’après la FAO (Food and Agriculture Organisation, en français Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) la productivité à l’hectare dans les pays développés est en diminution. Les moyens mis en œuvre pour maintenir une production extensive de denrées agricoles sont considérables, mais doivent eux aussi être revus à la baisse. Le passage à une agriculture responsable envers l’environnement et les consommateurs apparaît de plus en plus comme une évidence.

Les limites écologiques de l’agriculture industrielle

L’apparition des premières cités antiques coïncide avec la maîtrise des techniques agricoles avancées telles que l’irrigation et la possibilité de nourrir un grand nombre d’hommes. La naissance de l’agriculture porte en elle la sortie de la préhistoire. Au cours des millénaires, l’agriculture traditionnelle était étroitement liée à une observation minutieuse de la nature, une compréhension mutuelle entre l’homme et son environnement. Durant le Moyen Age, la vie s’organisait encore suivant les cours d’eau, les saisons et le rythme des récoltes. 

La révolution industrielle a changé les règles de l’agriculture traditionnelle. Avant l’arrivée des machines à vapeur, l’agriculture occupait plus de la moitié de la population active et se transmettait de père en fils avec une transmission de la terre et des traditions. L’augmentation des rendements au XXe siècle, avec une industrialisation de plus en plus complexe des différents procédés de culture a réduit l’agriculture à des procédés mécaniques où l’agriculteur passe la majorité de son temps sur une machine en dopant ses terres de fertilisants chimiques. En 2007, l’agriculture employait 3,4% de la population active en France et d’après le ministère de l’Agriculture, ce chiffre était en baisse de 21% en 2010. Soit, à peu près, 604.000 personnes seulement qui labourent 53,2% des terres cultivables. Une diminution des hommes de la terre alors que les rendements commencent à baisser, une équation dans laquelle les agriculteurs ne peuvent pas se sortir sans une revalorisation de l’agriculture biologique.

Le Rapport sur le développement dans le monde de 2008 de la Banque mondiale souligne le ralentissement de la croissance des rendements annuels moyens du maïs, du blé, du riz et du soja, denrées à la base de la production alimentaire mondiale, ceci tant à l’échelle mondiale que dans la plupart des pays, à l’exception de l’Europe de l’Est pour le blé et le soja. Selon la FAO, plusieurs études confirment ces tendances et suggèrent qu’elles sont susceptibles de se perpétuer si les techniques agronomiques ne sont pas modifiées.

Malgré des rapports de plus en plus alarmants sur la situation agricole dans le monde, les normes codifiées de l’agriculture moderne continuent à pousser la production industrielle aussi bien végétale qu’animale, dans une voie de garage peut-être bientôt irréversible. Il existe en effet des normes mondiales pour tous les produits agricoles. D’après la résolution 39/248 des Nations unies, «les gouvernements devraient tenir compte de la nécessité d’une sécurité alimentaire pour tous les consommateurs, et appuyer autant que possible, adopter les normes du Codex Alimentarius ou, en leur absence, d’autres normes alimentaires internationales communément acceptées.» Le Codex Alimentarius est devenu la référence mondiale pour les consommateurs, les producteurs et les transformateurs de denrées alimentaires, les organismes nationaux de contrôle des aliments et le commerce international des produits alimentaires. Du calibre des pommes, en passant par la quantité d’antibiotiques pour la préservation des animaux, jusqu’au seuil acceptable de concentration de pesticides dans une purée de pois chiches, le Codex Alimentarius définit la norme des denrées alimentaires des 145 États membres, 34 ONG et Organisations gouvernementales adhérentes. Seuls les producteurs qui respectent ces normes internationales peuvent exporter leurs produits à l’étranger et peuvent, par la même occasion, demander des subventions au sein de leurs pays.

Une agriculture soutenue à coût de milliards d’euros par la PAC

Le Président François Hollande a annoncé début février que le budget des subventions sera «pour l’essentiel préservé, notamment pour les agriculteurs français». Au total, 55,8 milliards d’euros seront injectés dans l’agriculture française entre 2014 et 2020. Le budget total des subventions au sein de l’Union européenne (UE), ayant subi une diminution de 13%, sera répercuté en France seulement à hauteur de 3%.

Les subventions de la PAC (Politique Agricole Commune) devront être, cette fois, mieux réparties entre les différentes catégories de producteurs. Les subventions de la PAC permettent, entre autres, de financer le Secours populaire français, les Restaurants du Cœur ou d’autres initiatives citoyennes, mais également de grands groupes industriels. D’après Mediapart, le groupe Doux, placé en redressement judiciaire actuellement, a reçu durant les 15 dernières années 1 milliard d’euros de subventions de la PAC – ce géant de la volaille a été longtemps fournisseur officiel de la chaîne des restaurants KFC – avant de faire faillite.

Les subventions permettent aux produits agricoles européens d’être compétitifs sur les marchés mondiaux et aux agriculteurs un retour sur investissement. La logistique agricole moderne est en effet très lourde, les engins agricoles sont onéreux. S’ajoutent à cela le prix du pétrole et le prix des semences hybrides qu’il faut racheter chaque année. L’agriculteur ne peut qu’augmenter sur le court terme sa production pour équilibrer sa balance commerciale.

Ulrich Hoffmann, chef du commerce et du développement durable à la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement évoque dans le documentaire Les moissons du futur de Marie Monique Robin, «dans le domaine de l’agriculture le concept de libre échange est tout simplement une farce, car en agriculture il y a toujours des entorses à la règle, ces entorses ont pour conséquence que les grands producteurs et particulièrement ceux des pays développés profitent largement du marché mondial. Ils profitent des subventions pour la production, pour avoir de l’énergie bon marché et de l’électricité bon marché, le résultat c’est que ces producteurs sont incapables de dire aujourd’hui quels sont leurs coûts réels et leurs revenus réels. La majorité des coûts de production comme la pollution des eaux ou l’énorme consommation d’énergie n’est pas prise en compte. Les prix de leurs produits sont donc complètement faussés.»

L’agriculture intensive: coûteuse, polluante et moindre en qualité des produits

Selon certains experts agronomes, la perte des sols, la salinisation, la déforestation ainsi que la mauvaise gestion des ressources hydriques sont des problèmes de premier ordre. Ces problèmes sont amplifiés par la pollution des nappes phréatiques, la dégradation de l’environnement, la disparition de la biodiversité et la baisse de la qualité des aliments. Pour chacun de ses maux de la terre, le dénominateur commun est l’agriculture industrielle dite conventionnelle. D’ores et déjà, environ 25% des terres agricoles de la planète sont fortement dégradées alors que l’agriculture utilise, d’après l’OCDE, plus de 70% des ressources en eau douce.

D’après le CNRS, la France est le troisième exportateur mondial de produits chimiques, cette branche de l’industrie étant l’une des plus performantes. Une grande partie des produits chimiques synthétiques sont destinés à l’agriculture conventionnelle basée sur l’utilisation des engrais, des pesticides et autres produits phytosanitaires, plaçant ainsi le pays au quatrième rang mondial dans l’utilisation de ces produits par hectare, selon l’INRA.

L’industrie agroalimentaire est cependant le premier secteur d’activité industrielle en termes de chiffre d’affaires en France, ce qui l’élève au quatrième rang mondial des exportations de produits alimentaires. Le rendement des exploitations agricoles est donc l’argument majeur avancé par les industriels pour maintenir l’agriculture conventionnelle.

Cependant, l’institut Rodale de Pennsylvanie a mené des recherches sur le rendement de l’agriculture biologique (ou agro-écologie). Selon des études menées depuis 30 ans sur le soja, le blé et le maïs, l’agriculture biologique entraîne une baisse de 45% de la consommation d’énergie et de 40% des émissions de gaz à effet de serre. Le rendement de l’agriculture biologique est le même que pour l’agriculture conventionnelle sur de grandes surfaces agricoles, excepté en période de sécheresse où le rendement de l’agriculture biologique est supérieur.

L’agro-écologie ou le retour à une agriculture respectueuse de la terre

D’après Claude Bourgignon, ingénieur agronome des sols, la nature est sans concurrence: «Il y avait une seule industrie qui autrefois (avant la révolution industrielle) donnait plus qu’elle ne recevait, c’était l’agriculture biologique. Vous plantiez un grain de blé, vous en recoltiez cent. Or, maintenant avec l’agriculture industrielle nous dépensons 8,5 calories fossile pour produire une calorie agricole.»1 Avec des outils mécaniques et des produits chimiques broyant et stérilisant la terre, l’agriculture industrielle est loin en terme de rendement et de dépenses énergétiques de l’agriculture biologique.

La perte des sols est un phénomène que l’on observe partout où la couche végétale est supprimée sur un territoire, tout particulièrement dans les régions tropicales, les zones en pente et les zones subissant l’agriculture intensive. La perte du couvert végétal engendre une diminution significative de la capacité des sols à absorber l’eau et surtout, à diminuer sa vitesse de ruissellement. Il en résulte que l’eau de pluie s’écoule de plus en plus vite à la surface du sol, emportant avec elle le complexe argilo-humique – la fraction responsable de la fertilité du sol – en n’y pénétrant que très difficilement. D’après Claude Bourguignon, «en France, 60% des sols sont frappés d’érosion. Actuellement, nous perdons en moyenne quarante tonnes de sol par hectare et par an. À ce rythme, dans trois siècles, la France ce sera le Sahara!»

La réintégration des arbres dans les exploitations agricoles est une idée récurrente. Les arbres puisent des minéraux des couches profondes du sol et les ramènent sur la surface via la chute des feuilles, ils font de l’ombre aux autres plantes et au sol et limitent ainsi la perte d’eau par évaporation sans pour autant réduire la productivité des cultures basses. Leur présence crée également  des îlots de biodiversité qui peuvent abriter de nombreux animaux bénéfiques pour les cultures. On parle, pour une agriculture biologique, de respecter l’équilibre agro-sylvo-pastoral, correspondant à faire travailler ensemble, les forêts, les champs et les animaux, les uns apportant les éléments nutritifs nécessaires aux autres. Cet équilibre se retrouve aussi dans le choix des plantes en fonction des sols et des saisons, le choix des plantes entre elles et l’équilibre avec les animaux permettant de maintenant la richesse des sols. Il permet également de replacer l’homme au milieu de la nature pour comprendre ses formidables capacités. L’agriculture biologique a donc de beaux jours devant elle, étant de loin le système le plus productif, le moins polluant et le plus équilibré pour l’homme et la nature.

1 Claude Bourguignon, Où va le monde?

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.

 

 

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.