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À la rencontre de la culture berbère

Écrit par David Vives, Epoch Times
23.03.2013
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  • Jeune berbère de la région de Tetouan, au Maroc. (AFP PHOTO/Abdelhak Senna/Photo credit should read)

«Il était une fois… vous savez, ces mots sont magiques. Quand quelqu’un les entend, il peut voyager dans le temps et dans l’espace», me confie Djafer. Ce conteur berbère, le regard perçant et la voix grave, est selon ses pairs, une «bibliothèque vivante». Il y a cinquante ans, dans son village, la tradition battait son plein. Aujourd’hui, avec «l’appel de la ville», les jeunes quittent peu à peu le village. Qu’importe, si la culture amazighe a survécu des millénaires durant, c’est grâce à la persistance et à l’importance de la transmission orale de son histoire et de ses valeurs.

Aujourd’hui, Djafer est conteur. Se définissant lui-même comme un «transmetteur de mémoire», son rôle est de «transmettre ces valeurs telles quelles, car bien qu’elles soient miennes, elles ne sont pas à moi: mon grand père les tenaient de ses propres ancêtres. J’essaie par tous les moyens de les conserver, de les transmettre aux générations futures. C’est pour cela que je me suis fait conteur: je raconte les contes que j’ai entendus quand j’étais enfant».

Le peuple berbère accorde une place prépondérante à la famille et selon leur importance, les villages berbères peuvent être constitués de 5 à 50 familles. Dans le passé, l’éducation se faisait entièrement au sein de la communauté. Les contes, de ce point de vue, racontaient et transmettaient les valeurs fondamentales aux individus. Loin d’être une histoire pour s’endormir, le conte, au contraire, venait susciter l’éveil de l’auditeur à une sagesse et aux valeurs morales nécessaires à tout individu. «Les enfants étaient donc naturellement préparés au jour où ils allaient devoir léguer le précieux savoir à leurs propres enfants», précise Djafer.

«Je suis né dans un petit village de Kabylie, dans la commune de Meckla, dans le département de Ti Zihous, à 100 kilomètres d’Alger, à l’intérieur des terres» continue Djafer.

«En ce temps-là dans le village, surtout l’hiver, les villageois organisaient des veillées, ils se retrouvaient chez l’un ou chez l’autre. Il y avait toujours un ancien, un vieux monsieur ou une vieille dame, qui racontait des histoires. Du plus loin que je me souvienne, dans le village on faisait cela deux fois par mois. Ainsi, un jeudi sur deux, on se réunissait tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, et tout le monde était rassemblé. C’était toujours l’hiver, car au printemps, ou en été, les gens étaient occupés à l’extérieur, à travailler dans les champs. C’était donc quand il faisait le plus froid que les anciens racontaient des histoires. Dans cette maison où les gens se réunissaient, chacun apportait son ouvrage, ils venaient assister au conte et en même temps, apportaient les filets à réparer ou les vêtements à recoudre car on n’avait pas le temps de s’en occuper en été. Un vieux monsieur s’asseyait sur une chaise, et tout le monde l’écoutait». 

  • Village berbère de Chibika, en Tunisie. (Fethi Belaid/AFP)

Le peuple berbère

Les Berbères, ou Amazighes – «hommes libres» –, peuplent le continent africain depuis la nuit des temps. Leur culture a forgé les civilisations de ce continent. Afrique est d’ailleurs un mot d’origine berbère – Afrique est la traduction latine d’Ifri, une divinité berbère. Etant un peuple nomade et indépendant, ce peuple est constitué de différentes tribus disséminées dans l’Afrique du Nord. Au Moyen-Age, de nombreux savants, artistes, architectes et théoriciens étaient issus de ce peuple. Victimes d’invasions par les peuples des pays voisins, les écrits ont très difficilement voyagé à travers le temps.

Cette culture millénariste a traversé des persécutions et des invasions de toutes parts, à travers l’histoire. Préservant leur autonomie et leur identité, le peuple amazigh a su traverser les millénaires et conserver sa culture. Ses écrits ont rarement pu circuler librement. À ce jour, ses populations pacifiques sont toujours persécutées par les différents gouvernements et dictateurs africains qui s’approprient leurs terres, interdisent leurs langues, leurs croyances et brûlent leurs livres. Beaucoup de ces peuples ont été dépossédés de leur histoire, leur existence même était parfois remise en cause. Pourtant, les racines profondes de ce peuple, comme leur grande persévérance face aux multiples envahisseurs, ont été payantes. La reconnaissance officielle a été longue à venir, mais aujourd’hui, la voix des kabyles est portée par diverses structures associatives et actions, et interpelle le monde sur le sort qui leur a été réservé pendant longtemps. Le Parlement européen, à titre d’exemple, a pris des mesures pour préserver leur identité culturelle, et le printemps arabe contribue également à changer la donne.  Ainsi, peu à peu, la culture berbère reprend vie.

Les contes berbères

Contes sur l’ingratitude

La vieille dame et le lion des forêts

Il était une fois une vieille dame. Son mari et ses sept enfants avaient tous trouvé la mort. Elle demeurait seule dans la petite maison de son village. L’hiver étant venu, elle partit en forêt chercher du bois pour se chauffer. Au fur et à mesure, son tas grandissait. Au moment de repartir, elle ne put le soulever. Alors qu’elle s’efforçait à trouver une façon de transporter son fagot jusqu’à sa maison, surgit un lion. Celui-ci était énorme et fixait la vieille dame, paralysée par la peur. Le lion vit le fagot de bois, et comprenant le problème de la vieille dame, le saisit dans sa gueule. Il partit vers le village, suivi de près par la vieille dame. Ne voulant pas pénétrer dans le village, le lion déposa le fagot à l’entrée, puis repartit. Un villageois, qui revenait de son travail, vit la dame avec son fagot, il lui proposa de l’aider à le porter jusqu’à son domicile.

Le jour suivant, la vieille dame entreprit de retourner à la forêt, chercher plus de bois. Terminant son fagot, le lion vint à elle. De nouveau, il prit le fagot et le déposa à l’entrée du village. La vieille dame vit passer le villageois, qui revenait du travail et ce dernier le déposa chez elle. La vieille dame, heureuse du résultat, entreposait le bois chez elle.

Les jours suivants, le même scénario se répéta. Chaque fois, le lion déposait le fagot. Un jour, après avoir ramené le fagot au village, le lion partit se cacher derrière un buisson. Il se demandait comment faisait cette femme, sans son aide, pour ramener le fagot chez elle. Alors, le villageois qui passait, vit le fagot. Il le prit sur son dos, et demanda à la vieille dame : « Madame, comment pouvez-vous transporter quelque chose d’aussi lourd, à travers la forêt?» La question éveilla la curiosité du lion, qui observait la scène. La vieille dame répondit: «C’est un ami, un lion très puissant, qui m’aide à le transporter. Je ne pourrais pas le faire moi-même ! Cependant, quand il ouvre sa gueule, il pue vraiment». Après avoir entendu ces mots le lion retourna dans la forêt et la vielle dame, ne se doutant de rien, rentra chez elle.

Le jour suivant, la vieille dame se rendit dans la forêt. Ayant terminé son fagot de bois, elle vit le lion venir vers elle. Son aspect était effrayant, il semblait enragé et hors de contrôle. La vieille dame fut très effrayée et se prosterna devant le lion. Le lion lui dit: «Vieille dame, fais ce que je te dis, prends ce bâton, et frappe-moi». «Comment, seigneur, vous frapper! Je n’en ai pas le cœur! Ne me faites pas de mal!» Puis le lion lui dit : «Frappe-moi, te dis-je, jusqu’à me faire saigner!». La vieille dame, tremblante, s’exécuta. Elle frappa le lion, encore et encore, jusqu’à ce qu’un filet de sang coule de sa tête. Le lion lécha le sang et dit à la vieille dame: «Tu vois cette blessure, elle saigne, mais un jour, elle guérira. Cependant, rappelle-toi ceci, l’injure, elle, creuse et creusera encore». Sur ces mots, il se jeta sur elle et la dévora.

  • Village berbère de Chibika, en Tunisie. (Fethi Belaid/AFP)

Le conte du serpent et du paysan

Par un hiver rude, un paysan rentrait chez lui après son travail. Il trouva, sur son chemin, un petit serpent. Le gel avait presque entièrement recouvert la bête, qui n’avait plus qu’un souffle de vie. L’homme, pris de pitié, ramassa le serpent et le ramena chez lui. Il avait plusieurs silos où était stockée la nourriture. L’un d’entre eux était vide, il déposa le serpent à l’intérieur, puis le soigna. Les jours passant, le serpent grandissait et l’homme lui apportait à manger chaque jour. Un matin de printemps, le paysan, voyant que le serpent était en bonne santé, entreprit de lui rendre sa liberté. Une fois dehors, le serpent le questionna – car c’était du temps où les animaux pouvaient encore parler – «Pourquoi me rends-tu la liberté, homme?». L’homme lui répondit «Tu as bien grandi, tu es capable de vivre par toi-même à présent, tu n’as plus besoin de moi. Vas, tu es libre!»

Le serpent lui sauta dessus et l’entoura de ses puissants anneaux. «Que fais tu?» s’écria le paysan. «Moi qui t’es recueilli, voilà que tu veux me tuer?» Le serpent lui répondit «Bien sûr! Je suis un serpent et je vais te manger!» L’homme ne comprenait pas «Tu n’as donc aucune gratitude?» Le serpent répondit «Homme stupide! Ne sais-tu donc pas que le bien, en ce monde, est récompensé par le mal? Je suis un serpent, je vais donc simplement te manger!».

Le paysan supplia le serpent: «Ce n’est pas ainsi. Je pense que nous devons tirer cela au clair! Je te demande une chose: demandons l’avis de trois juges avisés, puis nous verrons si ce que tu dis est juste».

Le serpent, sûr de lui, accepta la requête du paysan. Il desserra légèrement ses anneaux, puis ils partirent à la rencontre de ceux qui décideraient du sort du pauvre homme.

En chemin, ils virent un âne qui paissait. L’homme, voyant l’animal, s’écria «Ay aghyoul agma! Âne, mon frère! Je viens te demander une chose, tu dois m’écouter!». L’âne trouvant étrange qu’un homme l’appelle «frère», fut disposé à l’écouter. Après avoir entendu son histoire, ce dernier regarda le serpent et lui dit: «Bien sûr que tu dois le tuer! Le sais-tu? L’homme est méchant, toute ma vie il m’a fait faire ce qu’il voulait, il me chargeait de toutes sortes de choses, ses enfants montaient sur mon dos, me tiraient les oreilles. Maintenant que je suis vieux, il m’a jeté dehors, et je vis bien misérablement! Tu dois le tuer!».

Le serpent, ravi de cette réponse, resserra ses anneaux sur le paysan. Ce dernier, apeuré, cria «attends l’avis des deux autres juges! Ne me tue pas maintenant!». Le serpent accepta.

Peu après, ils rencontrèrent  un bœuf. Le paysan supplia «Ay azger agma! Bœuf, mon frère! Viens à mon secours  Écoute donc mon histoire!». Le bœuf pensa «qui est cet homme qui pense que je suis son frère? Voilà qui est étrange!». Il écouta, comme l’âne, l’histoire des deux antagonistes. Puis, il se tourna vers le serpent et lui dit «Ecoutes, il faut que tu le tues, mais avant tout, il faut qu’il souffre. Quand j’étais petit, j’étais dans un champ avec beaucoup de vaches. Je pensais pouvoir grandir paisiblement et avoir une vaste descendance, quand l’homme est arrivé. Il m’a castré, puis m’a forcé à labourer ses champs, tiré sa charrette. Puis, quand je fut vieux, je l’entendis dire à un de ses compères: je te vends ce bœuf encore gras, il pourra nourrir beaucoup de personnes. Puis, gardes moi sa jambe, pour ma famille. Je me suis alors enfui, et je vis si misérablement depuis!  L’homme est vraiment mauvais, donc, tues-le, serpent.»

Le serpent, ravi, dit au paysan « Tout le monde est contre toi, regarde: même s’il se trouvait que quelqu’un te donne raison, la majorité est de mon côté!». A quoi le paysan répondit: «Pitié ! Nous avions dit trois, alors trouvons le troisième, puis tu feras ce que tu veux!».

Le paysan et le serpent se remirent en route. Puis ils trouvèrent l’animal le plus sage, le plus avisé  de tous: l’hérisson. Le paysan lui raconta l’histoire, puis l’hérisson lui dit. «Je  ne vois pas très bien ne voudriez vous pas vous baisser car je ne peux voir votre tête». Le paysan, toujours entouré du serpent, se baissa, et recommença son histoire. Puis le hérisson lui dit «Toi, serpent! Dans quelle position étais tu quand cet homme vint à toi? Peux-tu bien la mimer?». Le serpent accepta et se coucha sur le sol. «Homme», poursuivi l’hérisson, «te souviens tu comment ton père travaillait le blé dans ton champ?» Le paysan, se souvint de son père qui battait le blé et comprit: il vit un bâton sur le sol, s’en saisit, et écrasa la tête du serpent. Le hérisson courut se cacher pour assister à la scène. Le paysan, venant d’échapper au danger mortel, se dit: «cet hérisson m’avait l’air dodu! Je devrais en faire mon repas!» Puis il se mit à la recherche du hérisson, remua la terre et les buissons. Il finit par voir un trou, qu’il pensa être le terrier de ce dernier. Il y plongea la main, sûr de lui. Ce trou abritait un serpent, qui le mordit aussitôt. Le paysan, oubliant la grâce que lui avait accordé le petit animal, se perdit lui-même et trouva finalement la mort.

Entretien avec Djafer Chibani

Propos recueillis par David Vives

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