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L'élection kenyane pourrait affecter toute l'Afrique

Le vote du 4 mars agira comme baromètre, alors qu'en 2007 la violence avait éclaté

Écrit par Kremena Krumova, Epoch Times
04.03.2013
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  • Une femme passe devant une affiche électorale du candidat à la présidence, Raila Odinga, dans un taudis de la capitale Nairobi. (Phil Moore/AFP/Getty Images)

Jamais auparavant la course à la présidence dans un pays n'avait opposé deux candidats accusés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale. C'était avant les élections kenyanes de 2013. Et ce n'est pas tout : l'un d'eux est en bonne position pour gagner selon les derniers sondages.

Considérant le passé trouble du Kenya, si cette élection se déroule dans le calme elle pourrait devenir un exemple de transformation post-conflit en Afrique. Et, puisque d'autres dirigeants sont également accusés de crimes contre l'humanité, l'élection pourrait créer un précédent.

«C'est une véritable étude de cas d'une transformation à la suite d’un conflit», affirme Vincent Tohbi, chef de mission au Kenya à l’Electoral Institute for Sustainable Democracy in Africa (EISA). «Si le Kenya réussit à traverser ce processus, cela donnera espoir à tous les pays africains qui traversent de telles crises.»

Le Kenya vote dans des élections générales le 4 mars. Il s'agit des premières élections depuis 2007 alors que la violence post-électorale avait causé 1133 morts et déplacé environ 600 000 personnes.

Les élections mettent à l'épreuve la nouvelle constitution adoptée en 2010, qui a transféré le pouvoir du palier étatique vers les comtés. La Commission électorale indépendante et le nouveau Conseil des médias du Kenya devront également faire leurs preuves en matière d'intégrité.

La constitution stipule que le vainqueur doit récolter au moins 25 % des voix dans 24 des 47 comtés afin de pouvoir remplir les plus hautes fonctions.

Parmi les huit candidats à la présidence, seulement deux d'entre eux sont en voie de recueillir ce nombre de votes : actuellement en tête on retrouve, de la Coalition Jubilée, Uhuru Kenyatta, ministre des Finances et fils du premier président kenyan; et de la Coalition pour la réforme et la démocratie, Raila Odinga, actuel premier ministre et fils du premier vice-président du pays.

Un sondage Ipsos Synovate donne 44,8 % à Kenyatta, soit seulement quelques décimales de plus que son rival Odinga à 44,4 %.

Kenyatta est l’un des quatre responsables kenyans à avoir été formellement accusés d'avoir incité la violence survenue en 2007. William Ruto est l'autre qui est également candidat à la présidence.

La cour kenyane a jugé qu'elle n'avait pas la compétence pour décider si les deux hommes étaient aptes à briguer la présidence.

«C'est une question importante pas seulement pour le Kenya, mais aussi pour la communauté internationale», affirme M. Tohbi. «Pouvons-nous simplement tourner la page sans punir les auteurs de ces crimes? Si oui, n'ouvrons-nous pas la porte à d'autres crimes?»

Certains estiment qu'aussi longtemps que des accusés seront dans la course, il est improbable que les élections soient justes et libres.

«Cela annonce l'échec pour l'avenir de la démocratie au Kenya», écrit un responsable du secteur privé kenyan désirant conserver l'anonymat. «Franchement, j'ai vraiment peur pour ce pays.»

D'autres sont d'avis que la décision de la cour n'est que le reflet du statu quo politique.

«Ce fut la bonne décision», commente Emmanuel Kisiangani, chercheur principal à l’Institute for Security Studies à Nairobi. «Vous ne pouvez vous interposer et dire qu'ils ne peuvent se présenter aux élections, particulièrement si l'un d'eux est l’un des deux candidats principaux.»

Après tout, la démocratie c'est le pouvoir du peuple par le peuple, défend M. Kisiangani.

«S'ils veulent que Kenyatta Uhuru les gouverne, qui peut s'opposer à la volonté du peuple?», demande quant à lui M. Tohbi.

Pour le meilleur ou pour le pire, le Kenya s'apprête à créer un précédent quant au sort réservé aux dirigeants accusés par la Cour pénale internationale (CPI). Si Uhuru l'emporte et que le Kenya échappe à la violence, il pourrait s'agir d'une bonne leçon pour l'Afrique, alors que certains dirigeants sont, ou ont été poursuivis par La Haye, tels que Charles Taylor du Libéria, Laurent Gbagbo de la Côte d'Ivoire et Omar el-Béchir du Soudan.

«Ce qui va se passer au Kenya pourrait influencer le destin de ces personnes qui souhaitent faire leur retour dans l'arène politique», ajoute M. Tohbi.

Pour le Kenyan ordinaire, la CPI est le moindre de leurs soucis en ce qui a trait au choix du président, mentionne Njeri Maina, journaliste pigiste kenyan habitant à Nairobi.

«L'homme ordinaire pense ainsi : aurai-je une toilette? Va-t-il amener l'eau dans les taudis? Mes enfants iront-ils à l'école? Les gens ne se soucient pas de la CPI ou de La Haye, mais vraiment pas», explique Njeri.

La motivation tribale

En dépit des réformes politiques, judiciaires et électorales majeures des dernières années, le facteur tribal a conservé son importance dans les élections.

«La chose qui influence les gens à voter dans ce pays, c'est la tribu», indique Njeri.

La plus grande tribu au Kenya est celle des Kikuyu, à laquelle Uhuru appartient. Ce dernier fait également partie d'une famille très riche, qui possède d'immenses terres. Njeri estime que cela fera aussi pencher la balance en sa faveur.

«Les gens se disent que, puisqu'il est si riche, il n'aura pas besoin de nous voler», ajoute-t-il.

Raila Odinga fait quant à lui partie de la tribu Luo, la quatrième plus importante selon le recensement de 2009. Njeri explique que les tribus Kikuyu et Luo sont rivales depuis longtemps. Après les élections en 2007, beaucoup de Kikuyu qui habitaient dans les régions Luo, comme Kisumu, se sont fait expulser et plusieurs ont été tués.

En raison des actes de violence commis par les Luo, Njeri explique que plusieurs Kikuyu se disent que si Raila ne peut tenir ses fanatiques en laisse, s'ils ne contrôlent par les Luo, alors comment va-t-il gouverner un pays?

Njeri et beaucoup d'autres Kenyans ont attendu les élections avec des sentiments mitigés, entre l'excitation et l'inquiétude, en partie en raison des risques de violence, mais aussi en raison de leur influence sur la région.

«C'est apeurant, c'est excitant et nous sommes anxieux», affirme Njeri. «C'est l'inconnu et on souhaite le meilleur. Tout le monde nous regarde et nous nous regardons nous-mêmes. C'est très fascinant!»

«C'est important pour toute l'Afrique subsaharienne que tout se passe dans le calme, parce que cela pourrait les affecter de manière très positive pour les cinq à dix prochaines années.»

L'effet des élections kenyanes, positif ou négatif, sera ressenti à travers la région subsaharienne, ainsi elles doivent être observées de près.

Patricia Taft, chercheuse principale chez Fund for Peace, écrit dans un courriel : «Outre le fait que la plupart du continent, et en fait le reste du monde, va considérer ces élections comme un possible baromètre en Afrique, la possibilité est bien réelle que l'économie kenyane va souffrir à nouveau, causant une onde de choc à travers le continent.»

Elle ajoute : «Particulièrement dans une région du monde où une étincelle dans un pays peut allumer toute une région, il est d'importance primordiale que tous les yeux soient tournés vers cette élection. Les dirigeants régionaux et internationaux doivent signaler clairement que la violence et le chaos qui ont suivi les élections de 2007 ne seront pas tolérés.»

Version anglaise : Kenyan Elections Could Have Big Impact on African Politics

 

 

 

   

 

     

 

       

 

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