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L’Union Européenne et le rafistolage des crises

L’Europe doit cesser de bricoler la gestion de ses crises et s’engager vraiment dans l’intégration et la réforme

Écrit par Jonathan Fenby (Éditorialiste londonien)
18.04.2013
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  • Ce 3 Avril 2013, un volontaire transporte des cartons de denrées alimentaires et de produits ménagers, pour les distribuer à ceux qui font les frais de la grave crise financière chypriote. (Yiannis Kourtoglou/AFP/Getty Images)

Au cours des cinquante dernières années, les efforts de l’Europe en faveur d’une meilleure intégration ont été chaotiques, marqué par la peur récurrente d’un effondrement. Ensuite les compromis concédés au fil des années, n’ont pleinement satisfait personne, même s’ils maintiennent le processus. La crise de la zone euro qui dure depuis 40 mois y changera-t-elle quelque chose? Avec l’embarrassante situation de Chypre à régler, va-t-on vers une nouvelle solution rafistolée?

Probablement pas, mais les conséquences de la situation actuelle vont bien au-delà des accords tardifs dont les dirigeants européens étaient devenus des experts par le passé. La crise qui a commencé avec la Grèce en 2009 suite à la divulgation d’un trou béant dans son budget a eu une portée et une étendue sans précédent.

Les crises européennes soulèvent des questions fondamentales, que les dirigeants du continent ont contournées à mesure que le bloc commercial du Marché commun des années 1950 s’est métamorphosé en une machine très complexe, reposant sur Bruxelles et une monnaie commune qui reste en chantier.

Chypre a été traitée, jusque là du moins, avec des mesures draconiennes que les puissants membres de l’Union imposent aux membres plus faibles de leur club. Sans des accords signés à la dernière minute, le 25 mars, l’île aurait fait faillite, abandonnée non seulement par ses partenaires européens, mais aussi par les argentiers russes qui avaient profité de sa réglementation bancaire laxiste pour placer leur argent dans ses banques.

Le pays doit maintenant en payer le prix par l’austérité, la fermeture d’une grande banque et la restructuration d’une deuxième. S’ajoute aux prélèvements sur les épargnes bancaires, la destruction des rêves d’un centre financier offshore potentiellement prospère, laissant mal lotis ceux qui ont de gros dépôts.

Jeroen Dijsselbloem, directeur néerlandais d’Eurogroupe, structure officielle intergouvernementale réunissant les ministres des Finances de la zone euro, fait monter les enjeux en expliquant que cela va créer un modèle pour l’avenir. Les actionnaires de banques insolvables dans les pays ayant besoin d’aide, seraient touchés en premier, suivi par les obligataires et les déposants non assurés. Même si Dijsselbloem a rapidement mis un bémol à cette déclaration, il est évident que l’avenir des autres petits membres de la zone euro est passé au crible et les investisseurs font face à la perspective peu réjouissante de voir leur capital exproprié à la suite de décisions prises par des politiciens prêts à tout pour empêcher que la monnaie commune ne s’effondre.

Surfant sur la vague de l’argent bon marché découlant du soulagement général, les marchés ont réagit avec calme, mais si une solution similaire avait été appliquée à un pays plus grand, la ruée vers la sortie se serait transformée en un mouvement de panique.

Cette façon désinvolte d’agir, initiée par la crise, particulièrement visible dans la gestion chaotique de Chypre demeure d’autant plus risquée en raison du contexte entourant la monnaie commune.

Puisque les dirigeants européens ont privilégié l’adoption de l’austérité pour sortir le continent de ses problèmes, on voit mal une reprise importante de l’ensemble de l’expansion économique. Même le président Hollande, avocat de la croissance prône aujourd’hui des coupes dans les dépenses, les conséquences qui en découlent sont l’augmentation du niveau déjà élevé du chômage dans de nombreux grands pays de la zone, à mesure que le secteur public s’allège et que les entreprises retiennent leurs investissements tout en remodelant leurs activités afin de devenir plus compétitives avec un personnel réduit.

Depuis plusieurs décennies, la nécessité d’une réforme structurelle, dont celle du marché du travail est manifeste. Toutefois, les débuts faciles de la zone euro ont plongé les gouvernements et les citoyens dans la complaisance.

Maintenant, nous en payons le prix et les lignes de démarcation sont claires entre les États nord européens (généralement bien lotis) adeptes de l’austérité et leurs partenaires du Sud, mal en point. C’est là qu’interviennent les facteurs politiques dans certaines des plus grandes nations du continent. L’Italie est en proie à une crise gouvernementale après des élections peu concluantes. À la lecture des sondages, Hollande dévoile une baisse de popularité sans précédent, n’ayant pas réussit la semaine dernière, à convaincre son auditoire lors de sa dernière intervention télévisée. En Espagne le parti au pouvoir se voit  accusé d’implication dans un scandale en matière de financement.

Avec les élections fédérales qui se déroulent plus tard cette année, la femme forte du continent, Angela Merkel, ne peut plus se permettre des concessions que les électeurs allemands verraient comme une concession de trop, à des pays qu’ils jugent irresponsables depuis trop longtemps. En Italie comme en Grèce, les partis et les mouvements extrémistes s’en prenant à la classe politique, fleurissent, pendant que l’année dernière, le quart des électeurs votait pour des candidats anti-européens au premier tour de l’élection présidentielle française.

Derrière ces problèmes immédiats, se trouve une question fondamentale, celle de savoir si la construction de la zone euro devrait être complétée par une union fiscale nécessaire pour fonctionner comme une véritable monnaie commune. Cela impliquerait un abandon de souveraineté, qui passe mal chez certains États à commencer par la France.

L’équilibre des pouvoirs signifie que l’évolution du processus qui a commencé avec le Traité de Rome en 1957, se fera inévitablement selon les modalités de l’Allemagne et de celles de ses alliés nord européens économiquement forts. Équilibre difficile à atteindre par le genre de tâtonnement que nous avons vu dans la gestion de la crise actuelle. Les dirigeants peuvent se réjouir d’avoir réussit plusieurs esquives de dernière minute, mais avec le temps, cette stratégie ne fonctionnera plus.

Jonathan Fenby est un éditorialiste installé à Londres. Il est l’auteur de The General: Charles de Gaulle and the France He Saved et travaille actuellement sur l’histoire de la France moderne. Avec l’autorisation de YaleGlobal Online. Copyright © 2013, Yale Center for the Study of Globalization, Yale University.

Version en anglais: The EU as Last-Ditch Escape Artist

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