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Guide pour comprendre le terrorisme

Écrit par Kremena Krumova, Epoch Times
30.04.2013
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Le mot terrorisme englobe des situations diverses, des idéologies disparates, et des groupes avec différents niveaux d’organisation. Il est difficile de le définir, reconnaît Benjamin P. Nickels, professeur adjoint de lutte contre le terrorisme et les menaces transnationales au Centre africain d’études stratégiques. Toutefois, on peut présenter quatre composantes communément admises pour caractériser le terrorisme. La première: l’auteur est un acteur non gouvernemental. La seconde: les cibles sont des civils. La troisième: la violence est utilisée, le plus souvent de manière symbolique, pour créer la peur. Enfin, la quatrième: l’objectif est d’ordre politique.

Le terrorisme est omniprésent dans l’actualité quotidienne. Des militants tunisiens se multiplient hors de leurs frontières, et se battent aux côtés de groupes militants en Irak, en Syrie, en Afghanistan et au Mali, créant la peur d’un Printemps arabe sans fin. Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) a publié une déclaration le 17 mars appelant les Africains du nord à rejoindre le djihad. De récentes manifestations de protestation au Maroc cherchent à renverser le gouvernement pro-islamiste; l’agitation et le passif du pays concernant l’activité terroriste sont autant d’opportunités pour les groupes terroristes.

Des experts expliquent la complexité des tactiques et des motivations terroristes, la différence entre groupes islamistes et djihadistes, et les idées fausses au sujet des groupes terroristes.

Qui sont les auteurs?

Du fait de l’imbrication des territoires et des idéologies, il est souvent difficile de déterminer quel groupe est responsable de chacune des attaques.

«Déterminer qui est derrière une attaque est un peu comme diagnostiquer une maladie», écrit Nickels dans un courriel à Epoch Times. «Il faut soupeser plusieurs types de preuves, un peu comme des symptômes – c’est comme des traces qui orientent vers une source, plutôt qu’elles ne démontrent», précise-t-il.

Les experts cherchent à définir les signatures des divers groupes : les tactiques, les techniques, les procédures, et le choix de la cible. Seuls les groupes terroristes avec une organisation très cadrée, avec un commandement, un contrôle et une structure clairs, tendent à présenter une uniformité dans la tactique, dit John Campbell, chercheur confirmé au Conseil des Relations étrangères de New York et ancien ambassadeur américain au Nigeria. Ce niveau d’organisation est rare, confirme John Campbell.

Certaines attaques sont menées par une poignée de personnes qui se dispersent après l’action et ne peuvent donc pas être raisonnablement rattachées à un groupe.

Quant au groupe terroriste nigérian, Boko Haram, ce n’est pas une organisation unifiée, mais plutôt un ensemble de factions. Les factions partagent une certaine rhétorique islamiste, mais elles diffèrent souvent de tactique.

John Campbell a eu particulièrement à s’intéresser à Boko Haram à l’époque où il a été ambassadeur au Nigeria. Il explique que pendant longtemps, les adeptes du chef de Boko Haram, Shekau Abubakar, disaient ne pas vouloir enlever des gens. Une faction dissidente de Boko Haram, Ansaru, enlève cependant des étrangers. Shekau et ses disciples, après avoir longtemps dénoncé cette méthode, semblent avoir changé de stratégie. Dans une vidéo diffusée il y a deux semaines, apparemment par Shekau, ses partisans prétendent actuellement détenir sept otages français, tous de la même famille.

«Donc, une fois, une faction nie l’enlèvement, [et] une autre faction le pratique. Maintenant, l’autre faction qui a dénoncé l’enlèvement semble l’avoir adopté comme tactique», a expliqué John Campbell lors d’un entretien téléphonique. «En d’autres termes, il est souvent judicieux de ne pas trop rechercher la cohérence quand on parle de tactique.»

Pour compliquer encore les choses, un groupe terroriste peut revendiquer la responsabilité d’une attaque qu’il n’a pas faite, et nier la responsabilité d’une attaque qu’il a orchestrée.

«Parfois, ils déclarent la responsabilité d’une attaque, mais il serait mieux de vous demander: le revendiquent-ils parce qu’ils l’ont fait, ou le revendiquent-ils alors qu’ils ne l’ont pas commis en pensant que cela présenterait certains avantages pour eux?», dit Campbell. Les gouvernements et les observateurs ont aussi parfois faussement attribué des attaques, consciemment ou inconsciemment, à des groupes terroristes.

Changement de tactique

Vanda Felbab-Brown, collaboratrice émérite pour le Centre sur la sécurité et les renseignements du XXIe siècle dans le programme de politique étrangère à l’Institution Brookings, affirme qu’une des raisons pour laquelle il est difficile d’identifier l’auteur, est souvent que les groupes modifient leur modus operandi.

«Les experts peuvent spéculer et dire: «D’accord, l’attaque s’est produite dans le nord du Nigeria, des églises chrétiennes ont été visées, il y a donc une très forte probabilité qu’elle ait été perpétrée par la secte Boko Haram», a imagé Felbab-Brown dans un entretien téléphonique. «Mais les choses évoluent. Des groupes dissidents créent des imitations. Alors seul un groupe d’investigation du renseignement et de la police, très prudent, peut déterminer l’auteur sans risque d’erreur à l’issue.»

Par exemple, les attentats-suicides étaient extrêmement rares il y a 20 ans, et essentiellement limités aux Tigres tamouls du Sri Lanka. Maintenant, les attentats-suicides sont régulièrement adoptés par de nombreux groupes, notamment les salafistes, explique Felbab-Brown. Le salafisme est un mouvement parmi les musulmans sunnites adhérant à une théologie littéraliste, et se tournant vers des ancêtres pieux pour les conseiller sur la façon de vivre.

En raison du succès des attentats suicides en Irak, ils ont proliféré. «Les techniques réussies tendent à produire des imitateurs», selon Felbab-Brown. «Donc, si un groupe commence à utiliser les attentats-suicides avec succès, alors de très nombreux groupes vont adopter l’attentat-suicide».

Dans les années 1980 il y avait une tendance aux détournements d’avions et de navires. Comme plusieurs groupes l’ont utilisée avec succès, alors d’autres l’ont adoptée. De nos jours, les terroristes ne cherchent plus à détourner des avions. Les tactiques du terrorisme changent, il en va de même pour les réponses.

M. Felbab-Brown estime que les gouvernements vont s’éloigner de la guerre et de l’occupation étrangère comme un moyen de lutte contre le terrorisme. C’est l’approche qui a été utilisée en Afghanistan, en Irak, et même récemment au Mali, mais de nombreux pays ont épuisé leurs ressources dans ces guerres. Ils ont compris que cela coûtait cher et ont reconnu leurs limites dans la guerre et la lutte contre le terrorisme, nous fait remarquer Mme Felbab-Brown. «La réponse sera un effort à une plus grande distance combinée à une campagne de drone», prédit-elle.

Les drones américains Predator survolent actuellement le Niger et le Mali pour collecter des renseignements sur les groupes terroristes. Les drones sont actuellement sans armes, mais les responsables américains ont dit qu’ils envisageaient de les armer avec des missiles, selon le journal anglais The Telegraph.

Mme Felbab-Brown pense que l’utilisation de drones suivra son cours. «Non pas parce que les gouvernements veulent les encourager car les drones ne sont pas très chers», dit-elle, «mais parce que les terroristes vont apprendre qu’il est plus intelligent de se cacher au milieu d’une ville qu’au milieu de la forêt.»

Elle prévoit que les gouvernements lutteront contre le terrorisme par un mélange d’actions de police réalisées par des unités de lutte contre le terrorisme et des assassinats clandestins par les agences de renseignement.

Islamistes contre djihadistes

De nombreux groupes terroristes sont motivés par une certaine forme de djihadisme ou d’idéologie salafiste. Même les groupes qui luttent pour la libération nationale ou pour un parti politique donné adoptent également un discours religieux islamiste comme justification (par exemple les groupes en Tchétchénie, en Russie, et sans doute du Hezbollah).

L’islamisme peut être défini non seulement comme une doctrine religieuse, mais aussi comme un système politique, selon C. Holland Taylor, président de la fondation LibForAll à l’Institut international des études coraniques.

Il stipule que les musulmans modernes doivent revenir aux racines de leur religion et s’unir politiquement, le but étant d’employer un appareil répressif d’Etat pour imposer une conception particulière de l’Islam aux autres par la force, dit Taylor.

«Les djihadistes sont des islamistes impatients qui cherchent à atteindre leurs objectifs en menant une lutte armée immédiate», écrit Mr Taylor dans un courriel à Epoch Times. D’autres islamistes sont progressifs. Ils cherchent à acquérir le pouvoir politique par des moyens immédiats moins violents, qui peuvent inclure la subversion, ou la démocratie.

Tous les djihadistes sont des islamistes, mais tous les islamistes ne sont pas djihadistes. Voici quelques exemples de groupes djihadistes: Al-Qaïda, AQMI, Boko Haram, Al-Shabab de Somalie, les talibans, divers groupes pakistanais, et Jamaah Islamiyah et ses ramifications en Asie du Sud.

Le Jamaat-e-Islami, opérant principalement en Asie du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi que les Frères musulmans, qui sont actifs dans le monde musulman et l’Occident sont des exemples de groupes islamistes progressifs. À noter que le président égyptien Mohamed Morsi est affilié aux Frères musulmans.

Mythes et légendes

«Un mythe plane, disant que la plupart des groupes terroristes ont recours à des attaques très spectaculaires et veulent tuer autant de personne que possible, de sorte qu’ils sont facilement tentés de recourir à l’utilisation, par exemple, d’armes de destruction massive», dit Mme Brown Felbab.

En fait, seuls trois groupes terroristes ont été identifiés comme ayant tenté de se procurer des armes de destruction massive: Al-Qaïda, Aum Shinrikyo au Japon, et le Lashkar-e-Taiba en Asie du Sud.

Un autre mythe populaire, dit Felbab Brown, c’est que tous les groupes terroristes coopèrent les uns avec les autres. Il existe de nombreuses rivalités entre les groupes, les groupes eux-mêmes ne sont pas monolithiques, et sont souvent divisés par des luttes intestines.

Elle dit également qu’il est strictement faux que les groupes terroristes peuvent être neutralisés en tuant leurs membres. «Regardez l’IRA [Armée républicaine irlandaise]: elle est seulement sortie du terrorisme grâce à des négociations pacifiques», a argumenté Mme Felbab-Brown.

Amel Boubekeur, collaborateur émérite à l’Institution Brookings de Doha, au Qatar, dissipe un autre mythe du terrorisme, le mythe que tous les combattants sont idéologiquement convaincus par le jihad. Beaucoup sont impliqués dans la drogue ou la traite des êtres humains et rejoignent les groupes à des fins commerciales. De plus, certains jeunes sont incités à la colère. «J’ai rencontré des jeunes qui sont totalement déconnectés de tout type de mouvement djihadiste, et qui m’ont dit avoir décidé d’entrer dans le jihad après avoir vu des images de torture des armées occidentales envers la population arabe», rappelle Mme Boubekeur.

Mme Boubekeur, qui est également un expert du groupe AQMI, a déclaré que ce mouvement continuera à attirer des jeunes dans la mesure où il se présente comme une force de la lutte contre l’invasion américaine. On peut donc faire appel à l’insatisfaction du public et ainsi devenir un moyen pour évacuer le mécontentement. «AQMI aura un bel avenir tant que le vide politique sera une réalité dans la région, en particulier dans le sud de l’Algérie et le nord du Mali», a conclu Mme Boubekeur.

Mais, selon M. Taylor, les organisations terroristes ne sont pas encore la plus grande menace.

Le vrai danger vient, dit-il, des pays avec des gouvernements islamistes comme le gouvernement chiite d’Iran, ou les gouvernements sunnites d’Arabie Saoudite, du Qatar et du Soudan.

«Les gouvernements islamistes présentent une plus grande menace que les groupes djihadistes actuels», dit Taylor, «parce que non seulement ils financent ces groupes djihadistes, mais aussi parce qu’ils contrôlent l’appareil répressif de l’État et ses ressources financières, dont ils se servent pour propager l’idéologie islamiste dans le monde entier.»

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