Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Le rêve européen pour lutter contre les extrémismes

Écrit par Epoch Times
02.05.2013
| A-/A+
  • Gilles Le Bail, analyste politique et auteur de l’ouvrage L’Europe: défaite ou défis.

Analyste politique, expert en conduite de changement et en communication dans les secteurs publics et privés, Gilles Le Bail fait de l’Europe un chemin vers plus d’humanisme. À l’occasion de la journée internationale de l’Europe le 9 mai, nous l’avons rencontré pour connaître son rêve européen dont il ouvre le débat dans son ouvrage L’Europe: défaite ou défis paru en novembre 2012 aux éditions Fortuna.

Dans le titre de votre ouvrage, vous écrivez «défaite» au singulier et «défis» au pluriel, pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Je considère effectivement que l’Europe et la construction européenne est en difficulté. Si elle ne peut aboutir, alors ce sera une défaite des valeurs, valeurs qui étaient portées par les générations précédentes depuis les années 50. Pour éviter cette défaite, il existe un certain nombre de défis à surmonter. Si nous sommes incapables aujourd’hui de surmonter ces défis, il y aura effectivement de fortes probabilités que le projet européen échoue.

Le projet européen est né après la Seconde guerre mondiale pour installer la paix par l’intermédiaire de l’économie, c’est la raison pour laquelle l’Union européenne s’est vue décerner le prix Nobel de la paix en 2012. Pouvez-vous nous en dire plus sur les valeurs en présence?

Les valeurs des pères fondateurs de l’Europe étaient des valeurs humanistes, des valeurs de la démocratie et des valeurs d’ouverture. Quand en 1950 on a créé la CECA (la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) à parité dans la gouvernance entre la France et l’Allemagne, c’est un véritable défi. Si on se rappelle ce qu’il s’est passé après la Deuxième guerre mondiale, la France faisait partie des pays vainqueurs et nos exigences face aux pays perdants étaient d’une tout autre nature. On voit bien alors que l’Europe s’est construite sur des valeurs humanistes, presque sur des valeurs de pardon, pour dire qu’il est possible de construire ensemble après avoir fait la guerre. Ces valeurs, sur lesquelles l’Europe s’est construite, on les retrouve dans la charte des droits fondamentaux et dans les traités qui font référence aujourd’hui à la construction européenne.

La charte des droits fondamentaux européens ne semble pas être très connue en France, est-ce parce qu’il y a un problème de communication au sein des pays membres?

Auprès des Français aujourd’hui en tout cas, le débat sur l’Europe et l’Union européenne (UE) sont de plus en plus mis à distance. Pourtant l’Europe participe à la réhabilitation de certains équipements publics. Grâce à l’UE et au FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) des autoroutes ont été construites, des entreprises ont reçu des aides à l’investissement. Dans certains pays ou dans les départements d’outre-mer français, toutes les actions de l’Europe sont communiquées sur des panneaux publics. En France, à Paris, ces panneaux-là n’existent pas. La plupart des centres villes en France ont été réhabilités sur le fond du FEDER et la plupart des réhabilitations des bâtiments publics en France ont été faits sur des fonds européens à hauteur de 40%. Il y a une communication institutionnelle et politique en direction du grand public qui n’existe pas en métropole. On voit bien qu’il y a quand même un hiatus car il serait même normalement obligatoire d’afficher les sources de financement quand, à un moment donné, un projet est développé sur des fonds européens. Cela revient à dire que la plupart de nos personnalités politiques font le choix de ne pas afficher d’où vient l’argent qui leur permet de financer un certain nombre de choses au local, au département, au régional et au niveau national.

Dans votre ouvrage, vous parlez justement de la montée des nationalismes et des populismes. Quelles en sont les raisons et comment en sortir pour construire l’Europe?

Quand en l’an 2000, Jörg Haider, du parti d’extrême droite, arrive au pouvoir en Autriche, il y a un tollé dans tous les pays européens. L’UE prend la parole en disant que si cette situation perdure, l’Autriche sera isolée dans le concert international. Il y a vraiment eu une prise de parole très importante au niveau politique. C’était en l’an 2000, nous sommes maintenant en 2013. L’extrême droite et l’extrême gauche sont de plus en plus fortes dans les pays européens, et parfois participent à des gouvernements. Sur cela, il n’y a plus ou très peu de prise de position. On observe aussi que cette montée des extrêmes surfe sur un rejet de l’UE. Vous avez ces extrémismes ou ces populismes qui mettent en avant la question européenne et qui produisent l’euroscepticisme, le repli sur soi en développant un phénomène de bouc émissaire, disant que c’est la faute de l’UE. On le voit dans chaque pays et c’est une montée qui est dangereuse. Certes, elle existe à cause de la crise économique et financière de 2006 et 2008 et ce phénomène est aussi lié à une question culturelle.

La montée des extrémismes serait-elle liée à une question culturelle?

C’est lié à des questions générationnelles et culturelles. Aujourd’hui en Europe, les gens se posent la question si l’UE respecte les cultures et les identités. Il y a cette question de fond dans beaucoup de nos débats européens. La crainte est celle de croire que l’UE retire du pouvoir aux pays membres, ce qui constitue un élément très important, sur la montée des populismes et des nationalismes. Il existe plusieurs possibilités pour éviter ses craintes. Il faut se rappeler par exemple ce que disait Jean Monnet, un des pères fondateurs de la communauté européenne, que l’Europe est là pour unir les hommes, pas forcément les États.

Quelles seraient les mesures pour sortir de ces populismes?

Il faudrait qu’on change diamétralement de discours politique en valorisant les atouts et les apports de l’Europe. Il faut continuer la démarche de rencontre des peuples car la remise en cause de l’UE peut mettre des freins à l’échange entre les peuples. Il y a des problèmes sur la question des programmes d’échanges Erasmus et sur le budget européen, alors que ce sont des outils permettant d’unir les personnes en Europe. L’éducation par exemple devrait être une compétence co-partagée entre l’UE et les États membres car la question de la culture renvoie inévitablement à la question de l’éducation des personnes. Actuellement, l’éducation reste une compétence nationale alors qu’il faudrait développer des liens en matière éducative entre les pays européens. Le fait de faire de l’éducation une compétence co-partagée obligerait les États membres à développer un certain nombre d’actions en commun telles que faciliter la mobilité des personnes, les échanges et l’apprentissage des langues, les équivalences de diplômes entre les universités, etc.

Il serait également intéressant de penser à des mesures symboliques, car l’appartenance culturelle passe aussi par le symbole. Nous avons en France des cartes d’identité et nous sommes en même temps européens. Il serait intéressant de mettre sur nos cartes d’identité à côté du logo de la République Française le logo de l’Union européenne, montrant notre appartenance à l’Europe.

Globalement, il faudrait travailler sur la redéfinition de l’intérêt commun. Aujourd’hui, l’UE nous permet de résister à un certain nombre de pressions internationales. Cela nous oblige à faire ensemble ce que nous faisions précédemment de façon séparée. Dans des moments de tension ou de crise comme aujourd’hui, il faudrait revenir à redéfinir ensemble quel est notre intérêt commun. En disant que l’Europe a reçu le prix Nobel de la paix, ce discours ne passe plus auprès d’un certain nombre de catégorie de personnes; justifier la construction européenne uniquement sur la garantie de la paix n’est plus suffisant. Nous avons cinq générations sur le même continent, la question de la guerre et de la paix parle à nos parents et à nos grands-parents mais notre génération n’a jamais connu la guerre et nos enfants non plus. Il faut donc retravailler le discours européen, pour passer du vivre ensemble pour la paix et pour l’intérêt commun à comment faire une société ensemble.

Les débuts de l’Europe et de la CEE ont été basés sur des mécanismes économiques. On se retrouve 50 ans plus tard confronté à une crise économique impliquant tous les pays européens. Est ce que l’Europe peut se construire autrement que sur des principes économiques?

Placer le seul objectif économique au sein de la coopération européenne n’est pas suffisant. Cependant les États membres n’ont pas voulu attaquer la question de l’Union européenne par la question politique. C’est ce qu’avait souhaité Jean Monnet à l’époque, mais cela n’a pas eu lieu. Le pari, qui avait été fait, était de résoudre par la question économique ce qui n’avait pas pu être fait par la question par le politique, d’où la création des marchés communs. Cette question est donc forcément prégnante.

Dans mon livre, je défends que la crise soit un atout pour avancer dans la construction européenne dans sa dimension économique et financière. On a créé l’euro, mais on l’a créé sans mettre en place des outils permettant de contrôler et de réguler ce que vont faire les états membres avec l’euro. Avec la crise récente, on a débouché sur un pacte budgétaire que les États membres au moment de la création de l’euro ne voulaient pas. Ce pacte budgétaire permet quand même de contrôler un minimum les dépenses entre les États membres. Cela est un plus en terme de coopération économique et financière, ce qui doit ouvrir la porte à une politique d’harmonisation fiscale dans la zone euro.

La crise dans ce cas-là, a donc une vraie vertu. Tout le monde a bien compris que la sortie de l’euro serait dramatique pour les pays, donc les États se mettent à essayer d’harmoniser leurs outils budgétaires pour défendre la monnaie unique. La difficulté est qu’il faut faire face à une opinion publique plutôt eurosceptique, il y a alors une vraie difficulté démocratique.

Votre ouvrage évoque une vision humaniste et optimiste concernant l’avenir de l’Europe, vous parlez en particulier de l’émergence du fédéralisme européen. Comment ce rêve européen peut-il se construire demain et quels sont les freins notamment de la France à ce sujet?

Aujourd’hui, il y a une première vraie difficulté. Pour pouvoir résister à la pression internationale, pour pouvoir défendre un certain nombre d’acquis, pour se développer, se posent un certain nombre de questions au niveau supranational. Ces questions ne peuvent pas être réglées par un seul état, mais doivent se régler à plusieurs. Aujourd’hui, l’Allemagne, l’Angleterre, la France etc. n’existeraient pas seuls au niveau international. Ils ne peuvent exister que s’ils se regroupent à un niveau supranational.

La difficulté, c’est que lorsque l’on fait des élections au niveau national, on demande à des personnes élues nationalement de répondre à des problèmes internationaux. Il faudrait qu’on fasse pression au niveau des différents pays pour avoir de vraies élections européennes. Ça n’empêche pas de continuer à avoir des élections au niveau national, il s’agit en fait de pouvoir donner une légitimité politique au niveau supranational.

Par exemple, si vous faites un référendum en Grèce pour leur demander s’il faut payer le cadastre, des impôts et s’il faut réformer les biens de l’Église, aucun Grec ne va voter favorablement à ce type de mesures. Si vous posez la question à l’ensemble des citoyens européens, vous avez une légitimité démocratique pour intervenir.

Est-ce que cela apporterait un pouvoir exécutif à l’UE?

Pour la réception du prix Nobel en 2012, la question s’est longtemps posée pour savoir qui allait recevoir le prix Nobel, et il avait trois personnes. C’est pour cela qu’il faut donner une vraie légitimité aux représentations politiques de l’Union Européenne. Aujourd’hui, le Parlement c’est la représentation politique des citoyens et le Conseil de l’Europe, la représentation légitime des États membres, cela manque de visibilité. De nombreux pays membres pensent perdre leur souveraineté si jamais il y avait une élection politique an niveau européen. Cela est dans la tête des personnalités politiques qui gouvernent, alors qu’on pourrait parfaitement imaginer qu’ils gagneraient en souveraineté. Ce n’est pas parce que nous aurions une présidente ou un président de l’Union Européenne, que chaque président ne serait pas légitime en France, en Allemagne ou en Angleterre, etc. En France, vous avez les élections d’un maire, d’un président de Conseil général ou régional, ils sont tout à fait légitimes même s’il y a un chef d’État et un président de la République. A l’inverse, personne ne peut remettre en cause aujourd’hui le Président de la République, à cause des élections des présidents régionaux.

En quelques mots, que diriez-vous à nos lecteurs pour donner envie de lire votre ouvrage?

Pour lutter contre les populismes et les nationalismes, les extrêmes de droite ou de gauche, il faut être en capacité aujourd’hui d’ouvrir le débat européen. L’ouvrage essaie d’ouvrir ce débat, parce que le sujet est occulté. Le deuxième point, c’est dire que l’Europe n’a pas que des vertus mais elle nous protège. Elle est le premier marché mondial et la troisième puissance mondiale industrielle. Selon moi, il y aurait à développer l’ensemble de ses points positifs dont aujourd’hui on ne parle pas ou très peu.

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.