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Les différents visages de la laïcité en France

Écrit par David Vives, Epoch Times
16.05.2013
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  • Dans un contexte multiculturel français, la laïcité permet aux enfants scolarisés de vivre ensemble grâce à l’apprentissage des droits civiques et du respect des autres. Sur la photo le secrétaire aux Affaires Etrangères, Renaud Muselier en visite dans une école française d’Abidjan, en 2004. (AFP PHOTO/Issouf Sanogo)

Un rapport récent de la Commission américaine sur les libertés religieuses a pointé un certain nombre de pays pour leur manque de tolérance dans l’exercice de la liberté religieuse. Pour la première fois, la France se trouve dans le rapport. Le rapport pointe entre autre «les restrictions imposées à l’expression religieuse, en particulier les vêtements religieux et les symboles visibles, l’abattage rituel, la circoncision et la construction de mosquées et de minarets».

«Dans certains pays, une laïcité très agressive place les personnes religieuses dans des positions inconfortables et difficiles en ce qui concerne le plein exercice de leurs convictions et de leurs croyances» continue le rapport. D’après Katrina Lantos Swett, présidente de la Commission, les conséquences du positionnement des autorités françaises entraineraient une plus grande discrimination au niveau de l’emploi: «Ces restrictions limitent les opportunités d’emploi et économiques, particulièrement pour les femmes musulmanes qui portent le foulard».

Notre pays a toujours été attaché aux libertés et à la défense des droits civiques liés aux libertés individuelles et à la croyance. Le rapport va jusqu’à parler d’une «atmosphère d’intimidation». Pourtant l’apparition du concept de la laïcité dans l’histoire ne contient pas de connotation négative. Comment, la laïcité censée garantir la liberté de croyances de tous, peut-elle être qualifiée d’«agressive» en France?

La laïcité en France

En France, la pratique de la laïcité a été écrite noir sur blanc dans l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme, au sortir de la révolution française: «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble l’ordre public établi par la loi.»

Le sentiment religieux s’est ainsi éclipsé lentement du domaine public vers la sphère privée, et en 1905, ce qui était un bras de fer entre catholiques et anticléricaux s’achève finalement avec la séparation officielle de l’Église et de l’État. Probablement, à cause des guerres successives et de l’arrivée de la mondialisation, le débat n’a pas été ré-ouvert avant la dernière décennie, avec par exemple la question des «signes ostentatoires».

L’interdiction de la burqa en 2011 s’est basée sur l’article du code pénal selon lequel il est interdit de couvrir son visage dans l’espace public. Il n’était pas question à proprement parler de religion mais de respect d’un espace public partagé par tous. Cette actualité avait eu le mérite de rouvrir la question du «Vivre ensemble». Le thème de la laïcité était néanmoins revenu sur le devant de la scène, dans un contexte d’application très différent de sa première évocation au début du XXe siècle.

Cependant, il semble que le terme de «laïcité» est bien difficile à cerner. D’un point de vue empirique, qu’est ce qui correspond à un signe ostentatoire? Selon quel degré mesure-t-on si un signe est ostentatoire? La loi, tout comme les sondages, est binaire: c’est oui, ou c’est non. Elle s’embarrasse mal des questions philosophiques et théologiques intrinsèques à la société, preuve en est, l’oscillation de l’appareil judiciaire sur la question du voile. 

La différence historique entre la tolérance anglaise et la laïcité française

En Angleterre, on comprend la religion d’un point de vue très différent. Alors qu’en France, au XVIIIe siècle, l’autorité royale était en déclin, il y avait quelques dizaines de religions en Angleterre et aucune n’avait une position dominante. A ce propos, Voltaire (qui était contre l’idée de la religion mais défendait l’idée d’un «grand horloger» dans l’Univers) disait: «s’il n’y avait en Angleterre qu’une religion, le despotisme serait à craindre, s’il y en avait deux, elles se couperaient la gorge, mais il y en a trente, et elles vivent en paix, heureuses».

Que ce soit les divers courants catholiques, ou l’Église anglicane, jamais une religion n’a eu le dessus sur une autre. Si l’Anglicanisme a été adopté comme religion d’État, c’était justement pour s’opposer dans un premier temps à l’autorité du pape. L’Église anglicane n’a jamais pu par la suite uniformiser les différentes branches du christianisme. A ce propos, les réformateurs ont dit volontiers que «les anglicans craignent plus ceux qui poursuivent les hérétiques que les hérétiques eux même», explique le théologien français Guy Bedouelle. La tolérance religieuse, a établie par voie de fait, un ciment naturel à la coexistence des expressions religieuses.

Plus tard, sous l’impulsion de John Locke (qui inspira la naissance du libéralisme au siècle des Lumières), il a été déterminé que l’État n’avait pas de légitimité suffisante en ce qui relève la conscience individuelle. La séparation entre le pouvoir exercé par le gouvernement civil et la religion elle-même a été nette. Ainsi, la liberté de conscience est un droit «naturel», sans que l’on ait à mentionner la laïcité. Les colons anglais peuplant l’Amérique exportèrent par la suite cette vision: l’État, bien qu’affilié à une religion, ne s’implique pas dans l’exercice des cultes et croyances dans le domaine public. A l’école anglaise publique, l’enseignement des religions est obligatoire depuis 1944; bien que les élèves puissent en être dispensés; l’étude des religions se fait de manière ouverte et débattue, en mettant l’accent sur le socle des valeurs communes.

On peut alors voir qu’il est difficile pour les anglais et américains de comprendre qu’ici, en France, une loi puisse tracer une quelconque limite à l’exercice des croyances.

Evolution des civilisations, naissance de la laïcité

Il existe également, dans l’histoire, des exemples frappants de cohabitations positives des religions. L’empire Ottoman, à son apogée au XVIe siècle s’étendait à travers l’Europe, le Moyen Orient et une partie de l’Afrique du Nord. Celui-ci était composé de musulmans, de juifs, de chrétiens, et tolérait de très nombreuses croyances. Alors que les chrétiens orthodoxes devaient combattre l’absolutisme papal, ils trouvèrent refuge auprès des musulmans ottomans, ouverts au dialogue et à la coexistence. Beaucoup de juifs furent accueillis chez les musulmans turcs après être chassés de la péninsule ibérique.

En Chine, sous la dynastie des Tang (618-906), les religions furent florissantes: le bouddhisme, le taoïsme et le confucianisme se développaient simultanément. Les religions occidentales de l’Islam et du christianisme furent accueillies et l’Islam prit racine en Asie à cette époque. Cette coexistence pacifique fut florissante en termes de production artistique et de pensées philosophiques. On dénombra pas moins de 48.000 poèmes écrits durant cette période,  et les essais et romans visaient tous un très haut niveau artistique.

La tolérance, dans l’histoire semble être la preuve de la maturité d’une civilisation. Lors de l’écriture des Droits de l’homme et du Citoyen en 1793, l’Europe entière traversait des changements bouleversants. La laïcité française a pris pied dans un contexte difficile, alors que les religions apparaissaient de plus en plus autoritaires. Elles faisaient alors partie intégrante du contrat social qui allait redessiner l’avenir du «Vivre ensemble». 

La laïcité positive et l’inclusivité de la tolérance

Avec le déclin progressif de la foi, l’athéisme s’est peu à peu imposé et la République s’est substitué aux religions. La notion de laïcité, telle qu’on la comprend en France prend sens maintenant dans un monde multiculturel aux enjeux complexes. Quand on parle aujourd’hui de laïcité positive, c’est pour apporter plus de tolérance vis à vis de la pratique religieuse dans la société. L’Église séparée de l’État, l’État, devenant le seul gérant de l’organisation de la cité, doit alors devenir le garant du «Vivre ensemble» et des valeurs de la société. L’approche française à cet égard possède dans son histoire quelques exemples positifs.

L’association de la Mission laïque française (MLF) pourrait être citée. Cette dernière gère 125 établissements scolaires répartis aux quatre coins du globe et accueille 500.000 élèves. L’association répond à «une forte demande d’éducation à la française de la part de familles qui ne sont ni francophiles, ni francophones», précise son président Yves Aubin de la Messuzière. Pierre Deschamps, qui a crée la MLF en 1902, souhaitait «amener les populations locales à se perfectionner eux-mêmes et non d’aller contre leur nature en tentant de les assimiler».

La laïcité, au cours de son histoire a toujours existé en parallèle de la religion. Cependant, quelque soit le sens donné au terme «laïcité», la tolérance reste une vertu propre à l’individu, que les lois de la Nation ne peuvent lui inculquer. Avec la bienveillance et le respect de l’autre, elles sont les valeurs nécessaires à l’équilibre d’un peuple et à son humanité.

Pierre Deschamps, au terme de sa vie, déplorait l’échec de l’éducation des peuples colonisés par les nations européennes: «On a cherché à les dominer et à les assimiler, au lieu de les aider à se développer dans le sens de leur évolution propre. Plus de compréhension et plus d’amour auraient obtenu de tout autres résultats».

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