Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Survivre en autosuffisance à Montréal

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
28.05.2013
| A-/A+
  • Un exemple de jardin comestible devant la façade d’un appartement (Nathalie Dieul/Époque Times)

Il est presque banal d’entendre parler de l’achat local de nos jours, responsabilité de consommation que le citoyen a le loisir de prendre ou non. Acheter local permet pourtant de contribuer à faire des gains dans les domaines économique, politique, social, mais d’abord environnemental. Il s’agit d’un des grands chevaux de bataille d’Équiterre, organisme à but non lucratif ayant un poids considérable dans les mouvements de société du Québec qui concernent les options équitables, locales et solidaires à la portée de tous. On associe la plupart du temps l’achat local à tout ce qui a trait à l’alimentation, mais toujours dans un contexte où le consommateur a le choix. Et si nous étions dans un contexte où les Montréalais étaient restreints à survivre?

Parlant de subsistance ou d’autosuffisance forcée, il est inévitable de traiter d’agriculture urbaine et surtout de sa condition actuelle pour comprendre si elle serait viable à grand déploiement dans un futur proche. D’abord, il faut se rappeler le fameux jardin interdit de Drummondville qui avait fait les manchettes des médias en juillet 2012. Il était question d’un jardin comestible de façade qui avait causé bien des ennuis au couple Beauchamp-Landry. Un peu moins d’un an après, Drummondville a finalement accepté de donner libre cours à cette tendance mondiale. Le citoyen avait remporté sur le politique. À Montréal, le poids du citoyen pèse dans la balance, au point où il est celui qui a rendu possible le bourgeonnement de l’agriculture urbaine.

Rappelons que le Québec est déjà passé de 47 % à 80 % en autosuffisance alimentaire alors que Jean Garon était ministre de l'Agriculture au Parti québécois de 1976 à 1985. Cette année, en mai, le Parti québécois de Pauline Marois a proposé une nouvelle politique alimentaire, alors que la province avait plongé à environ 33 % en autosuffisance.

Dans la première Politique de souveraineté alimentaire du Québec, le vice-premier ministre et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, François Gendron a déclaré «[…] Je souhaite qu'ensemble, nous travaillions pour qu'au moins 50 % des produits consommés par les Québécois soient des produits de chez nous». Si demain matin la population du Québec devait se fier à son autosuffisance alimentaire, elle perdrait bien des joueurs. C’est pourquoi la question d’agriculture urbaine semble être un enjeu important.

Gaëlle Janvier, chargée de projet en agriculture urbaine pour Alternatives, s’est questionnée depuis longtemps sur cette solution pour la ville de Montréal.

Alternatives est une organisation de solidarité œuvrant pour la justice et l’équité au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, autant sur le plan des droits de l’homme, civils, économiques, environnementaux, sociaux et culturels.

«Je considère que cultiver sur les terres de la ville est une chose fondamentale pour le développement d’une ville saine», partage la jeune femme. Gaëlle Janvier souligne que son engouement, avant de le placer dans un contexte de crise quelconque, ne vient pas de la classe politique. «La tenue des consultations publiques [sur l’agriculture urbaine] n’a pas été l’initiative de la Ville de Montréal. Ça a été l’initiative des citoyens, justement parce qu’il n’y avait pas une attention qui avait été portée sur les règlements, sur les moyens et le financement pour appuyer les projets qui se développent sur notre territoire actuellement», déclare-t-elle.

«Souvent, les arrondissements ne se sont pas concertés sur les règlements. Ce n’est pas toujours très clair, ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l’être. La plupart du temps, quand on n’a pas de règlement, c’est que les municipalités ne se sont tout simplement pas penchées sur la question. C’est souvent par un manque d’intérêt qu’on ne retrouve pas de règlement. Donc, il ne faut pas non plus monter sur un piédestal les municipalités qui ne se sont pas dotées d’un règlement», défend Mme Janvier.

Retombées positives

«En plus, il y a des centaines d’études qui montrent que [le fait d’avoir un potager près de chez soi] améliore la santé des personnes âgées, que ça diminue les îlots de chaleur, qu’il y a une très faible utilisation en eau comparativement à d’autres systèmes d’exploitation de terrain, que ça réduit les coûts d’une ville, etc.», rapporte Gaëlle Janvier

«Je trouve tristes ces devantures de maison tout en béton. C’est extrêmement coûteux pour la Ville, mais pourtant, ça, il n’y a aucun problème pour les faire construire. C’est vraiment très surprenant. Avec l’agriculture urbaine particulièrement, il y a des questions de société, une nouvelle façon de développer les villes. En fait, ce n’est pas une nouvelle méthode, ça a toujours été fait. Ça a été écarté dans les dernières années, mais il faut la ramener dans les villes. C’est extrêmement important pour arriver à un cycle durable», avance la chargée de projet Projet Jardins sur les toits à Alternatives.   

«Les citoyens et surtout les fonctionnaires ne saisissent pas complètement le dossier. Je propose un dialogue ou même une formation qui leur serait destiné afin qu’ils comprennent les bienfaits de la culture en ville, la baisse des coûts pour eux, etc. Lorsqu’il y a une production alimentaire dans les villes, il y a souvent, entre autres, une utilisation extrêmement respectueuse de l’eau. Pourquoi permet-on l’utilisation de gazon qui utilise une quantité faramineuse d’eau alors qu’un jardin en demande beaucoup moins?», se demande-t-elle.

Bonne nouvelle, on commence à voir des balbutiements dans le domaine de l’agriculture urbaine.    Pour la saison 2013, le marché Solidaire Frontenac achètera les fruits et les légumes cultivés dans la cour arrière des citoyens dans l'un de ses 22 points de vente, du mois de juillet au mois d'octobre prochains. L’objectif est de façonner un système d’approvisionnement urbain solidaire. Dans la même veine, une autre initiative qui s’intitule «Troc ton jardin» a fait son entrée. À travers des assemblées ordinaires, les citoyens sont amenés à échanger leur surplus, qu’il s’agisse de fruits et de légumes de jardin, de fruits sauvages, de plantes médicinales, de jeunes pousses, etc.

Grandes surfaces… cultivables

Judith Colombo, agronome de formation, travaille à la planification agricole et à la mise en marché de la ferme D-Trois-Pierres. Cette entreprise fait de la gestion agricole. Mme Colombo a pu partager ses connaissances sur les différentes terres où une agriculture pourrait rassasier les Montréalais qui ne pourraient se nourrir autrement qu’en mangeant local.

«D-Trois-Pierres a un partenariat avec la Ville de Montréal pour gérer la ferme écologique du parc-nature du Cap-Saint-Jacques dont elle est propriétaire. On parle d’un parc agricole de 45 hectares pour la culture, ce qui comprend un champ cultivable, une forêt et une érablière. La capacité de production de ces champs est moyenne, comme elle est rocheuse, mais possède une très bonne terre. Il y aurait encore des travaux à faire pour la rendre encore plus productive, comme des travaux de drainage souterrain, pour l’irrigation, etc. La Ville possède aussi un autre parc agricole, celui du Bois-de-la-Roche, où se trouvent près de 90 à 100 hectares pour la culture. Au total, presque 200 hectares disponibles à la production maraîchère, certifiée biologique ou en voie de l’être, qui sont situés dans l’ouest de l’Île», élabore Mme Colombo. Elle ajoute à cela que la moitié de l’Île-Bizard est cultivable, en plus de nombreux terrains privés, des champs qui ont toujours gardé leur vocation.

Voici quelques rendements moyens[1], c'est-à-dire une quantité de légumes qui peut être produite sur un hectare (100 m2) :

Ail : 15 tonnes/ha

Betteraves : 24 tonnes/ha

Carottes : 32 tonnes/ha

Oignons : 38 tonnes/ha

Pommes de terre : 31 tonnes/ha

[1] Données tirées du Maraîchage biologique diversifié : guide de gestion globale de Anne Weill.

Récoltes urbaines perdues

Très répandu, le gaspillage alimentaire est un trait caractéristique des grandes villes. Beaucoup plus méconnu, il existe le gaspillage de milliers de fruits non récoltés des nombreux arbres fruitiers présents à Montréal. Cela a donné naissance à l’organisme Fruits Défendus, qui tente de lutter contre cette tristesse locale. Il propose de créer des rencontres et de mettre en contact des propriétaires d’arbres fruitiers et des cueilleurs bénévoles. «Une fois récolté, le butin est partagé en trois : un tiers des fruits va au propriétaire de l’arbre; un tiers est partagé entre les bénévoles [cueilleurs]; le dernier tiers est reversé à une banque alimentaire ou à un organisme de charité», peut-on lire sur le blogue de Fruits Défendus.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.