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Murano, les splendeurs de l’art vénitien

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
29.06.2013
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  • Petite amphore à deux anses en verre rouge - verre médicéen. Fin XVIe - début XVIIe siècle. Collection particulière Giuseppe Maranghi. (©Archivio fotografico Civici Musei d’Arte e Storia di Brescia, Fotostudio Rapuzzi)

Translucide, opaque, fantaisiste ou sobre, le musée Maillol présente une collection de plus de deux cents pièces exceptionnelles de verre de Murano du XVe siècle à nos jours.

Les objets, en grande partie inédits, issus de collections publiques et privées, retracent l’évolution de ce verre précieux, de son art et de ses fonctions tout au long de ces six siècles. Le parcours commence par les grandes cours européennes de la Renaissance comme les familles Este ou Médicis, et passe à travers l’époque rococo du XVIIIe, l’art déco des années vingt et se termine avec les œuvres contemporaines du groupe Studio Glass  qui a choisi le verre comme unique mode d’expression.

Le verre de Murano – «aussi fin que des brins de soie» d’après Georges Bastard –, auquel Venise doit sa renommée, a inspiré artistes, écrivains, poètes et nobles. Le centre européen de la verrerie a connu la gloire aussi bien que la misère – les impressions de Louise Colet sur son voyage en Italie en témoignent, comme il est rapporté dans son ouvrage L’Italie des Italiens (1862).

Selon Patrizia Nitti, la directrice du musée Maillol, il s’agit non seulement d’une exposition d’objets mais d’un événement sociologique qui permet de poursuivre l’évolution du goût et de l’art de la table du XVe siècle à nos jours. Cependant, l’un des objectifs non moins importants de cette exposition était de réhabiliter cet art, devenu synonyme de bibelots kitch fabriqués en Extrême-Orient et retrouvés dans les magasins touristiques de Murano et de Venise. L’exposition nous rappelle donc que les maîtres de verrerie existent toujours et que des pièces nobles font partie intégrante de la poétique de l’art contemporain. C’est d’ailleurs par les œuvres contemporaines que l’exposition débute, nous rappelant que l’art authentique de la verrerie n’est pas perdu, mais au contraire, trouve toujours les moyens de se renouveler.

Une interaction entre l’Orient et l’Occident

L’art de la verrerie, né de la magie du feu et du sable, remonte à la nuit des temps, et sa production, au IIIe voire Ve millénaire av. J.-C, dans le berceau de la civilisation en Mésopotamie. Mais ce n’est que vers le Ier siècle av. J.-C., au début de l’époque romaine, que les Phéniciens soufflent le verre et révolutionnent la technique de cet art, qui est devenu, dès lors, une vraie alchimie composée des quatre éléments. Dans la Bible, le verre est mentionné comme un objet de luxe, au même degré que l’or. Au Ier siècle, le maître verrier Ennion signe déjà ses œuvres.

Cependant, l’art de la verrerie connaît un vrai développement au XIIe siècle à Venise et devient l’industrie la plus importante après les chantiers navals. D’ailleurs, elle est vite déplacée dans l’île de Murano pour éviter les incendies, mais surtout pour garder les secrets du métier. Pendant longtemps, les maîtres verriers n’étaient pas autorisés à quitter l’ile, et la violation de cette loi coûtait la vie du transgresseur.

  • Trembleuse – une tasse spécialement conçue pour savourer les boissons à la mode. Trembleuse Miotti émaillée en u00ablattimo», XVIIIe siècle, Naples, Museo Diego Aragona Pignatelli Cortes. (©fotografie claudio garofalo napoli)

Lieu de croisement entre l’Europe et l’Orient, la Vénétie a pu occuper une place importante dans la fabrication du verre. Ce croisement entre deux mondes a permis une interaction enrichissante entre l’héritage des  traditions de l’empire romain et les techniques utilisées dans l’Orient. Ainsi, des petits chefs-d’œuvre émaillés ornés finement, flacons, vases ou coupes désignent la nouvelle technique de peinture sur verre.

Nouvelle ère, nouvelles techniques

Certes, la période la plus glorieuse de cet art culmine sans doute au XVe siècle. La prise de Constantinople par les Ottomans fait fuir les maîtres verriers de l’Orient. Ceux-ci trouvent refuge à Venise. Le monde de l’Islam cesse la fabrication d’objets d’art en verre. Ainsi, renforcé  par  les nouveaux immigrants de la verrerie, l’île monopolise le marché du verre, ajustant sa production pour satisfaire les goûts de luxe des grandes cours. Avec cette tendance, des lignées de verriers se mettent en place. De nouvelles techniques voient le jour et d’anciennes sont revalorisées. La peinture à l’émail regagne sa place d’antan alors que l’imitation de la porcelaine est une nouvelle technique en vogue. Le calice Le Triomphe de la justice est merveilleusement orné par les dessins qui combinent l’émail et l’or sur fond bleu, telle une enluminure.

Selon certains, c’est probablement à cette époque que le maître verrier Angelo Barovier met au point le Cristallo – un verre limpide semblable au cristal. C’est le même Angelo Barovier qui inventera le verre blanc opaque, le lattimo, imitation de la porcelaine chinoise. Des cruches de verre, des vases, des coupes, des salières transparentes, bleu, vert, blanc, à la chinoise, ou aux motifs orientaux : une assemblée fascinante de formes, de couleurs et d’ornements.

Plus on avance dans le temps et plus les techniques sont affinées et menées à la perfection. Le verre filigrané est recherché et la méthode ancienne est remplacée par une nouvelle technique qui consiste en «la fabrication des cannes en cristal contenant un fil de couleur et combinées pour obtenir des verres d’une grande finesse et aux effets chromiques spectaculaires, ainsi que le verre craquelé soumis à un choc thermique dans l’eau froide», racontent les commissaires de l’exposition, Rosa Barovier Mentasti, issue de la dynastie des maîtres verriers  de Murano et Cristina Tonini, spécialiste du verre vénitien. Les seaux en verre craquelé ont souvent servi à la jeune épouse pour bénir le lit conjugal et faisaient donc partie du trousseau de mariage dans les grandes Cours.

La nouvelle technique de la peinture en émail permet aussi une richesse de détails encore plus impressionnante. La gravure à la pointe du diamant entre en jeu et permet de graver minutieusement des scènes entières sur le verre soufflé. Les objets deviennent purement décoratifs. Objets convoités par des princes, des rois et même des papes, toutes les Cours d’Europe cherchent à imiter le verre vénitien.

  • Calice au u00abTriomphe de la Justice», XVe siècle, Florence, Museo del Bargello. (©Su concessione del Ministero per i Beni e le Attività Culturali)

Les ateliers de Florence

C’est alors que malgré les lois draconiennes, plusieurs maîtres verriers quittent l’île pour exporter leurs savoir-faire. Et au XVIe siècle, des maîtres verriers vénitiens s’allient avec les meilleurs artistes de la capitale culturelle d’Italie, Florence. Des objets inédits sortent de ces ateliers pour amuser les invités ou être offerts à la diplomatie européenne. La fabrication du merveilleux vert émeraude ou du rouge rubis atteigne leur summum.

L’âge baroque arrive et le verre de Murano surprend encore. Si la Renaissance mettait en avant l’esthétique de l’Antiquité et le raffinement, le Baroque fait appel à la fantaisie et incite aux bizarreries. Une nouvelle mode est lancée, les lustres : des lustres à tous les plafonds, extravagants, des couleurs et des motifs à faire tourner la tête. C’est aussi l’âge de l’illusion et des effets d’optique.

En 1797, Venise perd son indépendance et sa chute entraîne le déclin de l’art de la verrerie. Le verre de bohême remplace le verre vénitien jusqu’au XXe siècle. L’Art déco remet en valeur le verre de Murano et lui rend sa gloire d’autrefois. Mais c’est surtout grâce à Peggy Guggenheim, amoureuse de l’île et fascinée par le savoir-faire des verriers, que des artistes tel que Man Rey, Arp ou Fontana s’y intéresseront. Le verre ne se limite donc plus à sa dimension artisanale et retrouve sa place dans le domaine de l’art – une tradition et une collaboration qui perdure avec des artistes contemporains tels que Mona Hatoum, Javier Pérez ou Fred Wilson.

Fragile Murano

Musée Maillol 

du 27 mars au 28 juillet 2013

Horaires: 10h30-19h00

nocturne vendredi jusqu’à 21h30

Tarifs: 11 €

9 € - 26 ans, chômeurs, RSA

gratuit - 11 ans

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