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Economie partagée: innover pour changer le monde

Écrit par David Vives, Epoch Times
11.07.2013
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  • Muhammad Yunus, le fondateur de la banque de microcrédit Grameen Bank – littéralement u00abbanque des villages». Cette banque, crée en 1976, est présente aujourd’hui dans 50.000 villages au Bangladesh. L’initiative du professeur Yunus est une référence dans le phénomène en pleine expansion de l’innovation sociale. (AFP PHOTO/Miguel Medina)

Quand on demande au professeur Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006, si l’innovation sociale peut faire sortir l’être humain de la crise économique et sociale qu’il traverse actuellement, celui-ci répond avec le sourire: «Les humains sont des êtres incroyables! Ils trouvent toujours une solution.» Cette déclaration pleine d’optimisme, lancée au milieu d’une Up Conférence, un dispositif global au service de l’innovation sociale, n’est peut-être pas qu’un simple slogan.

À y regarder de près, on comprend les raisons qui autorisent l’optimisme. Pour comprendre l’enjeu de l’économie partagée, de l’innovation technologique et sociale, il faut aborder les limitations propres au système actuel. Ces limitations, apportées par le monopole des grands groupes industriels dans leur domaine d’activité, ne répondent plus ni aux demandes des consommateurs, ni aux réalités des entrepreneurs. D’un point de vue écologique et humanitaire, le tableau est le même. Le consommateur est écarté du processus dont il est pourtant l’un des acteurs.

Le rêve américain, tel qu’on le voit de façon très globale et qui se décline très bien à l’étranger, définit une certaine réalité sociale où l’individu est encouragé à prospérer et à accumuler les richesses. Aujourd’hui, avec Internet, avec le web 2.0 et l’avènement des communautés, la donne serait-elle en mesure de changer? C’est tout l’enjeu de l’innovation sociale, un des termes génériques utilisés pour décrire cette réalité émergente.

On observe que la progression verticale, dans laquelle un individu gravit peu à peu les échelons du pouvoir et de la richesse personnelle, tend à laisser de plus en plus de place à un développement à l’horizontal. L’individu construit des réseaux qui appuient ses projets, il développe ses compétences dans plusieurs domaines, partage et communique ses expériences, tout cela grâce à la vaste communauté du web.

L’État, de moins en moins pesant dans la politique industrielle

L’État s’est progressivement dépossédé de la question du monopole industriel. En 1985, un salarié sur cinq travaillait dans une entreprise publique, contre moins d’un sur dix aujourd’hui. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter, à en croire les déclarations de l’actuel président il y a quelques mois, sur la réduction de la participation de l’État dans les entreprises publiques. La privatisation et l’ouverture des capitaux fait peser la balance du côté des industriels dont l’objectif est uniquement de faire de l’argent au détriment du développement local.

Pour mémoire, le groupe Arcelor est né de la fusion de plusieurs groupes sidérurgiques, espagnols, luxembourgeois et français, avant d’avoir été repris à la suite d’une OPA hostile par l’indien Mittal Steel.  Aujourd’hui, Lakshmi Mittal déclare «ne pas avoir peur» des chefs d’États et des ministres. D’après une étude de l’ONG belge Corporate Europe Observatory, comme lui, 450 chefs d’entreprises ont cru bon, en 2011, de se frotter à des États en les attaquant en justice. Ils étaient seulement 38 en 1996.

Si tout cela est possible, c’est parce que les accords de libre-échange et la mondialisation permettent ce genre de manœuvre. D’après les travaux de trois chercheurs de l’École polytechnique de Zurich portant sur 43.000 sociétés transnationales, il apparaît que 737 firmes contrôlent 80% de ces sociétés. Le lobbying est une de leurs activités favorites et elles dépensent beaucoup pour influencer les règlementations qui leur conviennent.

Le scénario du gros poisson qui mange le petit est, semble-t-il, une habitude depuis que l’économie de marché est ce qu’elle est. Peut-on attendre, dans une économie soumise au bon vent des marchés, une régulation digne de ce nom de la part des gouvernements? Rien n’est moins sûr. Les rapports de productions, au fil du temps, se sont singulièrement complexifiés, et les entrepreneurs sont confrontés à des problèmes de plus en plus épineux. On peut constater, de ce point de vue, que les réponses trouvées du côté de l’innovation technologique et sociale échappent, par leur nature, à la domination de l’industrie, sans pour autant dépendre de la participation de l’État.

Les plateformes de mise en relation

Répondre à une logique humaine, à des besoins de la vie quotidienne en améliorant le sort de tous, voilà  un idéal souvent partagé au sein de la grande communauté de l’innovation sociale. Pour bien comprendre ces nouveaux paradigmes que sont l’innovation sociale et l’économie partagée ou collaborative, il faut regarder du côté des nouvelles possibilités offertes par Internet et le web 2.0.

Internet est au centre de ce modèle économique et l’utilisateur, quant à lui, est au centre d’internet. Il s’agit de s’appuyer désormais sur les possibilités qui ne peuvent se retrouver dans le monde physique et qui doivent forcément passer par internet. Un exemple très simple est le covoiturage: il est désormais possible, en passant par des sites spécialisés tel que blablacar.fr, d’effectuer n’importe quel trajet à un prix qui est souvent 2 fois moins élevé que celui d’un billet de train.

Le principe se base donc sur une plateforme collaborative. Celle-ci est destinée à mettre en relation une personne possédant la capacité (une voiture dans ce cas), et la personne désirant bénéficier de cette capacité (le covoitureur). Ce système de mise en relation, fonctionnant d’un bout à l’autre grâce à l’outil internet, est donc celui d’un service à la personne.  Ces plateformes jouent ainsi le rôle d’intermédiation.

Un autre exemple: La ruche qui dit oui. «Une ruche est un point relais installé chez un particulier permettant un commerce direct avec les producteurs.» La personne désireuse d’ouvrir une «ruche» rassemble un réseau d’amis, de voisins, dans son entourage, et contacte un producteur. Quand la demande est satisfaisante pour le producteur, celui-ci livre la ruche, qui redistribuera aux personnes désireuses du produit.

L’idée: permettre à toute une communauté de bénéficier de produits locaux issus de l’agriculture ou de l’élevage, tels que la viande, le pain, le vin, les œufs, les légumes. Ce système, supprimant les intermédiaires de l’industrie alimentaire conventionnelle, permet d’acheter à moindre prix des produits de qualité.

Principe d’autofinancement, le crowdfunding

Le financement des projets d’auto-entrepreneurs s’écarte lui aussi sensiblement des voies habituelles. Toujours basé sur le principe de mise en relation et de consommateur/acteur, le crowdfunding est un des nouveaux concepts issu du web 2.0 et là encore, les plateformes existantes sur le web se multiplient selon les services et le type d’échange.

Selon les tenants de cette théorie, le public lui-même est considéré comme une nouvelle forme d’organisation du travail et des secteurs économiques. D’après Jérémy Vachet, chercheur à la Maison des sciences de l’homme de Paris VIII, «la caractéristique web 2.0 est que cela change profondément la positions des individus et la manière de percevoir ce qu’ils ont dans leurs mains. Les individus constituant la foule ne sont pas considérés comme des consommateurs mais comme des acteurs à part entière du processus de production, de promotion et de distribution.»

Parmi les exemples de plateformes recourant à ce système, on peut citer Kisskissbankbank. Sur ce site, une personne pourra déterminer un montant dont elle a besoin pour financer son projet. Puis, il lui faudra fédérer une communauté autour de ce projet, convaincre ces personnes que son investissement est bon, tout en promettant une contrepartie, des sortes de retour sur investissement. Au terme d’une collecte, la personne pourra ou non financer son projet. Par ailleurs, le système est sécurisé par le site internet Kisskissbankbank.

Cela implique qu’une personne devra posséder des compétences, telles que monter une vidéo pour expliquer son projet, et cela requiert également la capacité de se vendre soi-même. Dans le crowdfunding, la confiance devient un capital.

Eviter les erreurs et dérives du crowdfunding

Le développement du web 2.0 connaît également ses dérives. Le fait que l’on ne vende plus un produit, mais un projet incarné par son porteur incite à devoir se vendre soi-même. Par exemple, une étudiante américaine a récemment financé ses études de 50.000 dollars par le crowdfunding. En contrepartie, en engageant ainsi sa carrière, celle-ci se considère comme un crédit vivant. D’autre part, il peut exister un risque de travail gratuit, car toutes les tâches effectuées par le porteur d’un projet, et qui auparavant étaient effectuées par des intermédiaires, peuvent ne pas être rentables.

Les plateformes peuvent également profiter d’une situation de monopole, et engranger beaucoup de bénéfices grâce, entre autres, aux données des utilisateurs. Car lorsqu’il y a projet, les gens qui vont verser des fonds vont constituer une banque de données. «Que faire de ces plateformes de données? Ces dernières peuvent très facilement circuler et être revendues. Ce sujet est un peu tabou […] Il suffit de relier les gens les uns aux autres. Du point de vue des études marketing, c’est le paradis», commente Jérémy Vachet.

Ces dérives ne sont pas inhérentes au système lui-même, car il appartient à tout porteur de projet de bien maîtriser les informations de ce dernier. Certains utilisateurs confirmés suggèrent, plutôt que de miser sur le soutien des proches, amis, famille, qu’il est plus judicieux de miser sur les personnes pouvant être intéressées par le projet et y trouver leur intérêt.

Un nouveau terrain pour l’entreprenariat solidaire

La vision de l’auto-entreprenariat s’appuyant sur la technologie du web 2.0 s’insère parfaitement dans les problématiques du monde moderne. Dans cette lignée, le principe des «Up Conferences», action montée par le groupe SOS, est: «d’anticiper, décloisonner, inspirer». Au cours d’un Dreamstorming solidaire, un événement organisé dans le cadre des «Up Conferences», un certain nombre d’initiatives sont portées à la connaissance du public.

Dans la plupart des cas concernant l’innovation sociale, l’accent est mis sur le principe de collaboration. Il est à noter que la libre concurrence, qui définit les rapports économiques conventionnels, existe toujours dans ce système. Cependant, un certain nombre de fonctions qui étaient auparavant assumées par des intermédiaires (grossistes de fruits et légumes, conseillers bancaires, etc.) ont disparu du circuit. C’est dans ce contexte que l’individu peut se réapproprier d’une façon plus souple le projet qu’il désire développer, le type de consommation qui l’intéresse, et le lien qu’il établit avec ses proches (sa communauté).

Se réapproprier l’enjeu humanitaire

Du temps de la Route de la Soie, les liens commerciaux étaient des vecteurs d’échanges culturels, et présentaient une source d’enrichissement qui dépassait largement le seul profit personnel. Aujourd’hui, les relations économiques entre Occident et Orient se font bien souvent au mépris des droits de l’Homme. De plus, l’environnement est de moins en moins propice à une relation équitable apportant des bénéfices aux deux parties.

Favoriser l’épanouissement de l’individu dans un projet, lui permettre de se réappropprier des valeurs humaines dans son action, voilà un enjeu fort. Peut-être d’autant plus précieux que ces valeurs sont absentes dans les rapports économiques modernes. Les initiatives présentes sur le web à ce jour sont extrêmement diversifiées, et concernent tout aussi bien l’entreprenariat, que le développement durable les actions à vocation humanitaires. En Inde, en Afrique, dans tous les pays du monde, des ONG ou des particuliers montent des actions pour en faire bénéficier une communauté, souvent pauvre ou mal éduquée.

Vemalas Valas témoigne de son aventure qui l’a menée au fil du temps à prendre part à l’éducation de jeunes enfants issus des bidonvilles de Singapour. «Au début, je venais ici pour donner des leçons… Par la suite, c’est moi qui en ai apprises, les enfants m’en ont beaucoup données. Bien que venant de milieux défavorisés, ils sont si joyeux!», commente t-elle sur le site sparknews.fr. Cette plateforme de partage des solutions, innove par plusieurs aspects en mettant en avant les initiatives positives qui contribuent à «changer le monde».

Faire ce qu’il n’était pas possible d’envisager auparavant, voilà un concept fort de l’innovation sociale. Le partage d’expériences ou de compétences entre membres de la communauté devient, dans le processus, un facteur de confiance dans la mise en œuvre des projets. D’après le professeur Yunus Muhammed, «la jeunesse détient ce pouvoir de créer, mais les jeunes ont besoin de voir que cette capacité de création soit présente chez les autres pour s’assurer qu’ils en sont eux-mêmes capables […] L’éradication de la misère passera par l’innovation!»

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