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Des maladies pomicoles aux maladies humaines

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
22.08.2013
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  • Les pommiers du Verger biologique Maniadakis lors de la floraison des pommiers durant le mois de mai (Gracieuseté de Manuel Maniadakis)

«Les produits chimiques, les pesticides que j’utilisais dans mon verger à l’époque pour me débarrasser des maladies des pommiers ont commencé sérieusement à affecter ma santé. La personne qui applique est la personne qui est le plus en contact avec le produit. Même si vous avez un masque ou des gants, il y a toujours une partie qui est absorbée par le corps. J’ai eu des maux de tête considérables, ça me faisait vomir, sans compter bien d’autres symptômes. J’ai découvert que les produits que j’appliquais étaient vraiment nocifs pour l’homme et causaient le cancer. J’avais quitté Montréal justement pour éviter la pollution et je viens à la campagne et j’applique moi-même un poison qui me rend malade, ce n’était pas cohérent», confie Manuel Maniadakis, propriétaire du Verger biologique Maniadakis situé à Franklin Centre.

 

La tavelure, maladie fongique, et la mouche de la pomme sont les principaux rivaux des pomiculteurs. Les «remèdes» disponibles contre ces ravageurs peuvent aussi les affecter sur différents plans. Malgré cela, ce n’est pourtant pas le choix de tous les pomiculteurs que de passer à des pesticides complètement naturels et être éventuellement un verger certifié biologique.

François Turcotte, copropriétaire avec son frère Luc des Vergers François et Luc Turcotte à l’île d’Orléans, a pu noter une diminution de près de 50  % des pesticides dans la production des pommes depuis les années 1980 chez l’ensemble des pomiculteurs. Ils utilisent toujours des pesticides dans leurs vergers. «Le début de ces années marque une période où les technologies et les recherches étaient insuffisantes en ce qui concerne la pomiculture. Vers les années 1990, plusieurs nouveaux moyens de contrer certains problèmes sont apparus. Il s’est notamment créé beaucoup de pièges à insectes. Avant, on traitait [arrosait les vergers de pesticides de synthèse] de façon préventive. Par exemple, si on prend la mouche de la pomme qui arrive vers le 15 juillet, on faisait un traitement, qui est bon pour dix jours. Par la suite, on faisait un deuxième traitement et comme on n’avait pas de pièges à mouche, on ne prenait pas de chance, on traitait une troisième fois au début du mois d’août», retrace M. Turcotte.

  • Une bonne population d’abeilles est toujours en vie dans les pommiers biologiques de M. Maniadakis et l’aide à lutter contre les mouches de la pomme, une problématique des climats humides. (Gracieuseté de Manuel Maniadakis)

«Le piège à mouche de la pomme que nous utilisons est une boule rouge qui se veut une imitation d’une pomme mûre, placée à différents endroits dans les hectares. La mouche pond habituellement ses œufs sous la pelure de la pomme. Par la suite, un petit ver se développe et fait en sorte que la pomme devient inconsommable. Avec les pièges, le scénario change. La mouche entre dans le verger et vise une fausse pomme. Elle se fait prendre par la colle qui se trouve à la surface. Tous les trois ou quatre jours, si on atteint huit mouches sur les quatre pièges, ça justifie un traitement. On traite généralement une fois par saison, des fois deux, mais c’est rare. Tout dépend de la température et de l’humidité. Le cycle de vie d’une mouche est de 10 jours. Le climat humide du Québec engendre ce problème, tout comme la tavelure», indique le pomiculteur de l’île d’Orléans.

«La tavelure est un champignon apparaissant au sol au printemps sous l’action de la pluie. Il va se loger sous le feuillage et par la suite, en cours de saison, le champignon va aller sur le fruit. Un fruit atteint par ce champignon ne peut être vendu. Avant, on traitait de façon préventive, mais comme dans chaque région pomicole du Québec se trouve une petite station météorologique, avec des logiciels qui nous indiquent le cycle de vie du champignon, ça change les façons de faire. Ça a permis d’abord de réduire presque de 30  % l’application de fongicides. Il s’est aussi formé au Québec différents clubs d’encadrement techniques avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Un club, c’est un groupe de pomiculteurs qui engagent un agronome à leur service qui fait la régie de leur verger  : récolte, dépistage d’insectes, etc. Ça a aussi permis de réduire la quantité de pesticides», rapporte François Turcotte.

Monique Audette, plongée dans l’univers des pommes depuis les années 1980, est pomicultrice et propriétaire avec son conjoint, Luc Vincent, du Verger du Lac à Dunham. Elle avait jadis considéré la solution «bio», mais sans passer à l’action en ce sens.

«Le bio m’a intéressée sérieusement à la fin des années 1980, début 1990 avant de faire l’acquisition d’un endroit pour planter. J’avais considéré la voie biologique, j’avais même des contacts en Europe où il y a plus de pression de la part du public et les circonstances ont fait que je n’ai pas acheté un terrain pour faire ça. Les années ont passé et j’ai trouvé que l’approche biologique était devenue trop idéologique. Ça ne m’intéresse pas d’être dans un carcan idéologique», répond l’agronome de formation.

«Le bio pour la pomme est très très difficile sur l’est du continent. Ce n’est pas surprenant que la plupart des vergers soient dans l’ouest du pays. Je connaissais très bien les variétés de pommes résistantes à la tavelure, qui auraient permis une culture biologique avec moins de travail, mais le gros problème, c’est que ces pommes ne sont pas très bonnes au goût. À mon sens, on mange un fruit d’abord pour son goût. C’est pourquoi je me suis lancée dans une pratique qui met le goût à l’avant-plan, tout en respectant l’environnement. On est très content du choix qu’on a fait. On est tout à fait à l’aise avec les interventions [arrosage de pesticides] que l’on fait dans le verger», poursuit celle qui a fait son cours en arboriculture fruitière et travaillé au gouvernement fédéral en recherche sur la pomme.

«Dans la production bio, pour gérer les maladies, il faudrait faire de 12 à 15 applications fongicides [naturels]. Dans un verger ordinaire, on fait sept interventions fongicides. L’intervention veut dire qu’on passe avec son tracteur pour asperger les arbres et les fruits. L’agriculteur bio va sans doute utiliser son tracteur de 12 à 15 fois plutôt que 7 fois comme chez nous. On ne regarde pas le carburant, les effets de serre produits, le temps perdu par le producteur bio», insiste-t-elle.

Manuel Maniadakis rétorque aux utilisateurs de pesticides de tenter l’expérience de boire une quantité de pesticides pour voir si cela ne les affecte pas. Pour sa part, contre les mouches de la pomme, il utilise, entre autres, l’argile naturelle. «J’ai déjà fait le test [boire de l’argile] et je n’ai rien eu comme symptômes. Ce serait bon de voir si les pomiculteurs qui emploient les pesticides sont capables de faire la même chose sans répercussion sur leur santé», suggère-t-il. Il a aussi créé un milieu afin que les abeilles et les guêpes puissent chasser les mouches de la pomme. Contre la tavelure, il utilise le soufre et le cuivre au lieu des fongicides existant sur le marché.

«Je fais de la culture biodynamique de Rudolf Steiner en plus d’être biologique», précise M. Maniadakis. Quant au tracteur utilisé, il possède la dernière technologie qui consomme très peu d’essence, alors que bien des agriculteurs fonctionnent avec de vieux modèles très polluants. «En une heure, j’ai tout arrosé [de pesticides naturels], tandis que les vieilles machines arrosent toute la journée, donc roulent toute la journée», complète-t-il.

L’agriculture biodynamique est un système de production agricole favorisant la diversité et l’autonomie des cultures tout en prenant en considération les préoccupations environnementales.

Mme Audette déplore aussi le fait que les pomiculteurs font face à des pressions importantes par rapport au coût et à la rareté de la main-d’œuvre, alors que le prix de la pomme n’augmente que très peu. Il lui importe d’avoir des méthodes qui sont efficaces, dont l’utilisation de pesticides qui réduit, entre autres, le nombre d’employés.

Quant à M. Maniadakis, il vit bien avec le fait qu’il a besoin de plus d’employés pour arriver à faire le travail. «Si on veut faire un éclaircissement [retirer un certain volume de pommes pour permettre aux autres d’avoir une taille acceptable pour le consommateur], on peut appliquer un produit chimique et, en une heure, l’affaire est réglée. Dans le bio, on n’a pas le choix, on doit avoir une petite équipe de cinq ou six personnes pour aller éclaircir les pommiers, ça peut durer deux ou trois semaines. Même chose pour l’herbicide de synthèse, ça agit en quatre ou cinq heures. Désherber manuellement ou avec une machine, on parle de 20-25 heures», précise-t-il.

«La Fédération des producteurs de pommes du Québec croit à une utilisation rationnelle et raisonnée des pesticides […] La recherche sur des solutions de rechange aux pesticides s’intensifie. Peut-être que d’ici quelques années, il sera possible d’offrir plus de solutions alternatives aux producteurs», souligne Mélanie Noël, conseillère au développement et à la recherche à la Fédération des producteurs de pommes du Québec.

«Il y a toujours cette vision romantique qui est véhiculée par les médias  : on a le bon producteur bio, qui fait la culture de proximité et le mauvais agriculteur qui utilise des pesticides à l’autre extrémité. Les médias amènent ça généralement comme noir et blanc. Le public ne sait pas encore à quel point faire des fruits exige une quantité de travail et toute la difficulté qui s’y cache», se désole Mme Audette. Elle trouve que, globalement, le Québec tient la pomme pour acquis. «Une des preuves est que la relève est de moins en moins présente. Cela pourrait faire qu’on se retrouve avec de plus en plus de pommes importées si on ne valorise pas davantage le métier», assure-t-elle.

Manuel Maniadakis va beaucoup mieux depuis qu’il a changé radicalement sa façon de faire pousser ses pommes. On trouve sur son verger de la pomme, de la poire, du cidre de glace bio, du cidre de poire, du jus de pomme et bien d’autres produits. On y compte 13 acres de pommes et 5 acres de poires. Il a acheté un verger traditionnel en 1991. Il a commencé à faire ses recherches sur le bio au début des années 2000.

Le verger du Lac appartenant en partie à Monique Audette y produit des pommes Sunrise, GingerGold, McIntosh, Gala, Honeycrisp, Spartan, Empire, Cortland et bientôt des Aurora Golden Gala et des Ambrosia. Le verger produit pour le marché de gros et pour le marché frais c’est-à-dire pour la consommation immédiate.

La Ferme avicole Orléans de François et Luc Turcotte, comprenant six hectares de verger, produit une vingtaine de variétés de pommes, dont les traditionnelles McIntosh, Cortland, Spartan, Empire, quelques nouvelles variétés comme la pomme Honeycrisp, Zestar, Sunrise, Lobo, Paulared, etc. La ferme a axé sur la variété de pommes plutôt que sur la transformation. La principale production de la ferme est la production avicole  : l’élevage de dindes et de poulets.

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.