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L’ouverture et la liberté d’Internet sont menacées par de nombreux pays

Écrit par John Negroponte
17.09.2013
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  • Un internaute iranien consulte la toile dans un cybercafé d’un centre commercial de Téhéran le 6 janvier 2013. Selon le chef de la police iranienne, la République islamique développe un nouveau logiciel de contrôle des sites de réseautage social. Les dirigeants du pays font de l’éradication de la dissidence en ligne et de la lutte contre la soi-disant guerre douce contre l’influence occidentale sur Internet, qui est très filtré par des blocages qui sont contournés par les technophiles et les populations instruites du pays. (AP/Photo/Vahid Salemi)

Internet, tel que nous le connaissons est un espace ouvert, sécurisé et résistant. C’est un fait. Le réseau a été conçu et a évolué de cette façon. En raison de sa nature ouverte, Internet s’est répandu à un rythme fantastique et il a transformé le monde en facilitant la communication et l'innovation tout en générant une énorme croissance économique. Aujourd’hui, près de 2,5 milliards de personnes, soit plus d'un tiers de la population mondiale, sont des internautes. Et 2,5 milliards d'autres seront connectées d’ici la fin de la décennie.

Cependant, le réseau dans son approche actuelle, ouverte, que les gouvernements, les entreprises et les particuliers du monde entier connaissent est menacé. Seule une mobilisation concertée des parties prenantes peut protéger son ouverture.

Internet est devenu au fil de son évolution victime de son propre succès. Les nombreuses entités qui reposent sur les services du web – les gouvernements, les entreprises et les particuliers de tous horizons aux objectifs variés – ont des besoins différents. Il arrive que ces besoins se chevauchent et parfois ils s’opposent. Cependant, plusieurs gouvernements souverains cherchent à prendre le contrôle de leurs sphères intérieures et du flux des données et des informations qui circulent entre les pays. Cette tendance menace l'ouverture qui constitue l'un des fondements d’Internet.

Les États-nations sont de plus en plus tentés de réglementer l'activité sociale, politique et économique ainsi que le contenu du cyberespace. Dans de nombreux cas, ils suppriment l'expression qu'ils considèrent comme une menace. Plus de 40 gouvernements justifient leurs actions en prétendant protéger les enfants ou pour des raisons de sécurité nationale. Aussi, se permettent-ils de restreindre les informations, les données et les flux du savoir sur Internet.

  • Dans un cybercafé de Pékin, deux internautes chinois surfent sur leurs ordinateurs portables le 2 novembre 2012. Les 538 millions d’internautes chinois posent un réel défi aux tentatives du Parti communiste de formater l’opinion publique. (Wang Zhao/AFP/Getty Images)

La censure d’Internet se présente sous de multiples formes, dont celle des opinions (Vietnam, Arabie saoudite); la censure de fournisseurs d’accès Internet (FAI) ou de sites bien précis (Australie, Pakistan, Russie); la censure d'informations spécifiques (Chine, Allemagne); exiger la suppression d’informations (France, Singapour), réclamer les adresses IP des utilisateurs (dans plus de 50 pays), ériger des lois qui bloquent la coopération transfrontalière et la circulation d’informations (Brunei et Vietnam). Plus radicalement, d'autres nations, dont l'Iran, la Chine, l'Arabie saoudite et la Russie ont envisagé de créer des réseaux informatiques nationaux qu’elles contrôlent étroitement. Elles ont aussi envisagé de couper leurs connexions à l'Internet mondial. La controverse suscitée par les révélations d’Edward Snowden, ancien employé de l’Agence de Sécurité nationale américaine (NSA), a fait la une des médias. Toutefois, elle masque les défis globaux plus larges que l'infrastructure d’Internet affronte dans le monde.

Avec le réseau, la communication, le commerce et les affaires sont facilités et deviennent partie intégrante de nos vies modernes. À l’échelle mondiale, les répercussions de la censure sont graves. Les lois qui restreignent la circulation de l'information créent non seulement des disparités dans l'accès des populations à la connaissance, mais ont aussi des effets négatifs sur la forme, de l'architecture, de la sécurité et de la solidité d'Internet. En 2012, par exemple, deux propositions de loi au Congrès américain – ayant pour objectif le filtrage du système de noms de domaine, ou DNS, ce qui aurait permis au gouvernement d'exiger des entreprises américaines qu'elles bloquent l'accès à certains sites Web – ont été jugées dangereuses pour la cyber sécurité.

En outre, les règles de fonctionnement restrictives et discriminatoires compliquent les affaires et ralentissent les croissances économiques nationales mondiales. En 2010, les revenus générés par Internet ont représenté 4,7 % du produit intérieur brut américain, soit 68,2 milliards de dollars, et devraient augmenter à 5,4 % du PIB en 2016. Les États-Unis accaparent plus de 30 % des revenus mondiaux d'Internet et plus de 40 % du revenu net. Avec les filtrages, blocages et autres restrictions du flux des données, les entreprises (quelle que soit leur taille) auront du mal à atteindre les clients, à fournir des services ou à partager l'information cruciale au niveau mondial.

Les États-Unis disposent de plusieurs solutions possibles pour remédier à ce problème. Cependant, l'une des plus prometteuses, comme nous le soutenions dans un récent livre blanc de la politique étrangère : exiger que tous les futurs accords commerciaux incluent une clause de défense de la libre circulation des informations et des données. Et cela au-delà des frontières nationales, tout en protégeant la propriété intellectuelle et l'élaboration d'un cadre réglementaire mondial interopérable pour le respect des droits des individus à la vie privée.

Dans le passé, les accords commerciaux ont planché sur la libre circulation des marchandises, de la piraterie et des droits de l’homme. Les accords commerciaux du futur feraient pareils, et certains ciblent déjà cette problématique. Ainsi l'accord de libre échange entre la Corée et les États-Unis appelle les deux pays à «s'abstenir d'imposer ou de maintenir des barrières qui bloquent inutilement le flux des informations électroniques au-delà de leurs frontières». Les États-Unis ont signé des accords commerciaux avec la plupart des pays de la planète, et ces accords nous offrent une occasion de promouvoir nos valeurs.

Afin de tirer parti de ces recommandations et de promouvoir davantage le commerce numérique des États-Unis, voici les pistes envisagées par le groupe de travail :

•    Le Partenariat Trans-Pacifique, les négociations commerciales américano-européennes à venir et les futurs accords bilatéraux doivent garantir la libre circulation de l'information au-delà des frontières.

•    Les États-Unis et leurs partenaires commerciaux doivent instaurer une procédure numérique régulière, pour les demandes de retrait de contenu et les données utilisateur, qui est cohérente pour tous les pays. Ce qui pourrait empêcher des pays comme Singapour, qui a annoncé que les sites d'information qui diffusent des actualités sur le pays sans autorisations du pouvoir pourraient être condamnés à une amende si elles ne suppriment pas lesdites informations quelles qu’elles soient, jugées inacceptables par le gouvernement, indépendamment de promulguer une procédure régulière pour le contenu des demandes de renvoi.

•    Les États-Unis et leurs partenaires doivent rendre les transferts intergouvernementaux plus transparents et plus efficaces en améliorant le traité d'entraide judiciaire ou MLAT. Les États-Unis ont déjà plus de 60 accords d'entraide juridique en place.

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Avec ses homologues européens et japonais, le représentant américain au commerce doit coordonner la pression sur l'Inde et le Brésil afin d’activer la réglementation des marchés, les exigences de localisation et d'autres obstacles non tarifaires du commerce.

•    Les États-Unis doivent protéger la propriété intellectuelle tout en préservant les droits des utilisateurs à accéder à des contenus licites. Le Congrès américain a débattu de cette question lors des négociations sur la loi contre le piratage en ligne (Stop Online Piracy Act, SOPA) et la protection de la propriété intellectuelle (Protect Intellectual Property Act, respectively, PIPA). À l’arrêt pour l’instant, les deux projets de loi reviendront sous une forme ou une autre bientôt.

•    Les États-Unis devraient aider à créer un environnement épanouissant pour l'économie Internet. Cela profitera aux États-Unis et au reste du monde.

Les entreprises et les universités américaines sont à la pointe de la technologie, et les États-Unis restent un important exemple à suivre. Comme modèle positif, l’Amérique peut faire fortement pencher la balance, et les entreprises technologiques du pays ont déjà pris les devants. Google, Twitter, LinkedIn, Microsoft et d'autres sociétés publient régulièrement des rapports de transparence qui détaillent les demandes qu'ils reçoivent du gouvernement sur les données des utilisateurs du monde entier.

Dans des domaines tels que la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, les succès ont dépendu en grande partie du leadership par l'exemple. Les États-Unis ne sont propriétaires d’Internet et ne sont responsables ni de sa réparation ni de sa maintenance. En effet, aucun pays ne peut réparer Internet, qui est aujourd’hui utilisé par tous les pays du globe. Toutefois, les États-Unis peuvent fixer des normes élevées dans l'espoir que le reste du monde suivra.

Il est très peu possible qu’un Internet ouvert et accessible au monde entier continue d’exister sans une volonté délibérée de le promouvoir et de le défendre. Les forces politiques, économiques et technologiques cherchent par tous les moyens à fragmenter Internet en des sortes de réseaux nationaux. Chaque gouvernement contrôlerait ainsi sa sphère intérieure et le flux des données et des informations qui circulent entre les pays. Ce n’est dans l’intérêt ni des États-Unis ni du reste du monde qu’Internet mondial soit fragmenté et dilué dans des systèmes nationaux.

John Negroponte est un membre éminent de Brady-Johnson. Géostratège et maître de conférences en relations internationales à l'Université Yale, il fut le premier directeur du renseignement national, sous la présidence de George W. Bush. Avec Samuel J. Palmisano, il a coprésidé le groupe de travail sur le livre blanc de la politique étrangère, en faveur d’un Internet ouvert, accessible au monde entier, sécurisé et résistant.

Copyright © 2013 The Whitney and Betty MacMillan Center for International and Area Studies at Yale.

Version originale : Urgent Need to Protect the Internet

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