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Au cœur des Alpes, le Queyras et le Val Varaita

Écrit par Christiane Goor, Epoch Times
22.09.2013
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  • Plaisir de randonnées sur les sentes fleuries du Parc naturel régional du Queyras. (Charles Mahaux)

Reliés par le col Agnel, un des plus hauts d’Europe, culminant à 2.740 mètres d’altitude et inaccessible en hiver, le Queyras et le Val Varaita ont choisi de jouer à fond la carte de l’Union européenne en proposant des itinéraires touristiques transfrontaliers qui permettent de découvrir tour à tour ces deux régions franco-italiennes dont les heures s’égrènent au rythme des cadrans solaires.

Cette démarche insolite, et innovante de prime abord, s’inscrit pourtant dans un juste retour aux sources de l’histoire. Bien avant qu’on n’invoque la notion d’Europe des nations, il existait déjà une cohésion entre les vallées au-delà des cols. En dépit de la diversité de leurs paysages et de leur habitat, ces deux régions franco-italiennes partagent un passé historique commun, une langue commune et même l’art de construire des cadrans solaires.

Retour aux sources

Tout commence en 1343, lorsque le dauphin Humbert II, criblé de dettes, renonce, en échange d’une coquette somme de 12.000 florins-or, à son droit de suzeraineté sur plusieurs communes isolées au cœur des Alpes. En autorisant la création de la République des Escartons, la Grande Charte accorde la liberté de gestion de leurs territoires aux cinq communautés réparties sur les deux versants des Alpes. Le Queyras et le Val Varaita forment deux des cinq escartons qui s’organisent dans un esprit de solidarité unique à l’époque. Aujourd’hui, on peut encore admirer à la mairie de Château-Ville-Vieille une armoire aux huit serrures servant à entreposer les archives de l’Escarton. Elle ne pouvait s’ouvrir qu’en présence des responsables des huit communes du Queyras, dépositaires de chaque clé correspondante. Ce souci démocratique avant la lettre fut toutefois supprimé en 1789 en vertu des principes de l’abolition des privilèges. Rien d’étonnant qu’un tel passé, brimé dans son élan, ait renforcé l’instinct d’autonomie des montagnards, déjà coupés du monde durant les longs mois d’hiver.

Cette histoire commune va de pair avec une langue commune, l’occitan, qui a toujours entretenu sa singularité rebelle, refusant de se plier à la loi de la langue d’oïl régnante, le français. L’Occitanie a ainsi accueilli les dissidences religieuses. Patrie des hérésies, elle a autorisé que temples protestants et églises romaines se côtoient dans les hameaux. Les troubadours choisissaient cette langue chantante pour mythifier l’amour courtois que fredonnent aujourd’hui les joueurs de vieille qui animent les bals populaires dans les villages italiens. Sur les marchés, aux terrasses des cafés, les jeunes et les moins jeunes s’interpellent en occitan, une langue d’intimité qui tisse les liens au-delà des frontières entre les Queyrassins et les Varaitois.

  • Maisons compactes et trapues, peu ouvertes sur la rue avec au rez-de-chaussée l’étable, la bergerie ou le logis, tel est l’habitat traditionnel dans le Parc. (Charles Mahaux)

La tradition populaire des cadrans solaires, dessinés en trompe l’œil à même les façades, vient du Piémont et témoigne des échanges vivaces entre les deux communautés. Ils indiquent l’heure réelle qui peut afficher plus d’une demi-heure de retard sur une montre classique, selon l’été ou l’hiver. Peints directement sur les façades avec des pigments naturels, ils sont généralement soulignés d’une devise qui donne à chacun le loisir de réfléchir à sa propre destinée. Comme le tracé des heures est calculé en fonction de l’orientation de la façade, chaque horloge est en soi une œuvre originale qui mérite une visite le long d’une route historique d’une frontière à l’autre, à la recherche des plus beaux cadrans solaires des Alpes du Sud.

Le Val Varaita, un pays vert

Au-delà du col Agnel, le rideau des Alpes s’étire le long d’une vallée dominée par le mont Viso. Le climat humide, sensible aux influences maritimes de la Méditerranée, a tapissé les flancs de la montagne d’un patchwork de forêts profondes qui conjuguent toutes les nuances du vert. Au pied du mont Viso s’étend le bois de pins cembros, le plus vaste des Alpes Occidentales. Ailleurs, châtaigniers, frênes et mélèzes dessinent un dense sous-bois de feuillus qui abrite de multiples sentiers de randonnées. Des chemins balisés, de différentes catégories de difficulté, sillonnent les vallons les plus cachés, permettant toujours d’atteindre des refuges accueillants, où la tarte aux myrtilles se déguste avec un petit verre de génépy. Les crêtes découvrent des panoramas à couper le souffle ou encore des petits lacs limpides au bord desquels il fait bon se reposer au soleil.

Ici aussi, les Alpes déroulent leur arc serti de villages isolés où le cachet traditionnel et l’identité montagnarde ont été préservés. Chianale, Celle, Casteldelfino, autant de hameaux dont les maisons de pierre recouvertes de lauzes se resserrent autour de l’église et de son clocher campanile. Le four communal, la fontaine, un banc public, autant de lieux de rencontre qui rassemblent les villageois. Les chalets aux balcons ajourés, tournés vers les cimes, racontent une vie paisible. Sur les façades des églises et des habitations, des peintres itinérants ont jadis marqué les lieux avec la représentation illustrée des histoires de la Bible. Ce chemin de la foi porte le joli nom de Mista, un mot occitan qui désigne les petites images pieuses qui marquaient les pages des missels. Lorsque le soleil vient éclairer ces rues étroites, les façades s’illuminent et l’on pressent une relation secrète entre les gens de la montagne et la pérennité. Ici, seuls les cadrans solaires rythment les journées figées dans la contemplation d’un territoire remarquable.

  • Terre de soleil avec plus de 300 jours d’ensoleillement par an, le Queyras possède une grande concentration de cadrans solaires. (Charles Mahaux)

Le Queyras, un si haut pays

Les montagnes y sont tellement escarpées que les deux cols d’accès, l’Izoard et l’Agnel, ferment aux premières neiges d’automne. Le dernier lien avec le monde reste alors la route qui côtoie les méandres des gorges du Guil, un torrent impétueux dont le bassin dessine le Queyras. Au détour d’un virage, entre les magnifiques forêts de mélèzes et les massifs rocheux, surgit la citadelle féodale de Château-Queyras qui barre toute la vallée du haut de son éperon rocheux.

À l’abri des influences océaniques, le massif bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel avec en moyenne 300 jours de soleil par an, dont la moitié au moins s’accompagne de gelées. «Sept mois d’hiver, cinq mois d’enfer» résume le dicton qui prend tout son sens au village de Saint-Véran, la commune la plus élevée d’Europe, à 2.040 mètres d’altitude. Toutes orientées au sud, les maisons s’alignent de chaque côté d’une rue unique à flanc de pente. Une manière de partager le soleil sans jamais faire de l’ombre à son voisin. Ici plus qu’ailleurs, les habitations sont construites sur une solide assise en mur de pierre très épais. La partie supérieure, appelée fuste, n’est autre qu’une grange pittoresque en troncs de mélèze empilés et croisés aux angles. Elle abritait jadis la récolte de fourrage qui alimentait le bétail durant la longue période hivernale. Aujourd’hui les chalets sont reconvertis en résidences secondaires, on se prélasse sur les balcons à claire-voie où ne sèche plus le seigle dont on faisait le pain.

Le Queyras, c’est aussi un extraordinaire jardin d’altitude inondé de soleil. On dit qu’on y trouve autant de fleurs que d’habitants, soit plus de 2.500 espèces différentes. Les prairies de fauche disposées en terrasses s’étagent jusqu’aux forêts. Entretenues par l’homme qui vit de son exploitation, elles permettent l’explosion de centaines de fleurs d’alpage: le millepertuis, l’astragale queue de renard, l’anémone des Alpes, la gen-tiane, l’armoise, la joubarbe, la campanule alpestre, l’orchidée, le lys de St-Bruno, et bien d’autres encore qui font le délice des insectes que viennent gober de nombreux oiseaux: la caille des blés, le tarier des prés, la pie-grièche, etc.

  • Célèbre pour ses gorges étroites et ses rapides, le Guil se navigue en rafting depuis Château-Queyras sur environ 14 km. (Charles Mahaux)

Des musées à ciel ouvert

Pour mieux appréhender l’âme d’un pays, rien de tel qu’une expérience  physique qui confronte chacun à ses propres limites au cœur d’un univers à la fois exigeant et accueillant. Une descente en rafting dans la combe du Guil permet d’éprouver en toute sécurité un cocktail d’émotions fortes. Le départ a lieu au pied de l’imposante forteresse médiévale de Château-Queyras. D’amont en aval, le torrent a percé une profonde vallée dont les schistes lustrés sont dominés par d’imposants versants herbeux. Le Guil s’enfonce en cabriolant dans la gorge de l’Ange Gardien avant de s’engager entre des falaises encaissées qui donnent à l’expérience un caractère aventureux totalement dépaysant. Le temps n’a plus de repère dans ce site sauvage qui dévoile des trésors impossibles à admirer autrement: des cascades joyeuses, la silhouette d’un aqueduc romain en ruine, un nid de bergeronnettes... Ces deux heures de navigation intense nécessitent un véritable travail d’équipe où chacun doit donner le meilleur pour franchir sans encombre l’enchaînement des rapides du torrent.

Ce même travail de solidarité est essentiel pour ceux qui choisissent la découverte du Guil en via ferrata, ces itinéraires rocheux équipés de câbles, d’échelles, de ponts de singe et de passerelles à caractère acrobatique. Ni randonnée, ni escalade, cette activité ludique permet pourtant d’approcher au sec les eaux bouillonnantes du Guil. Bien au-dessus des têtes, le hameau aligne maisons et bergeries dominant le vide. Collé contre la roche, on se sent en équilibre profond avec un environnement unique en soi au cœur des Alpes du sud.

Charles Mahaux, photographe. Christiane Goor, journaliste. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.

Infos pratiques:

Accès

Le Queyras est aisément joignable en voiture depuis Paris. Il est également possible de prendre un vol pour Turin et d’y louer une voiture. Le Val Varaita est à une centaine de kilomètres de l’aéroport et le Queyras à 2 heures de route.

Informations

Pour surfer sur les activités de la région, apprécier les hébergements et découvrir les grands événements de la saison: www.queyras.com et www.vallevaraita.cn.it

Le site italien n’est pas encore traduit en français mais l’agence Segnavia à Brossasco offre un service complet de qualité pour organiser un séjour www.segnavia.piemonte.it

Pour les gourmands

L’altitude oblige, la nourriture est assez riche mais savoureuse. En Italie, les raviolas, les poulentas, les fromages de lait de vache moelleux et délicats, les saucissons, autant de produits qui sont le reflet du terroir… En France, les plantes sauvages se cuisinent en soupe et en mousse, l’agneau se marie avec le miel, les terrines et les saucissons de montagne sont faits à base de gibier. Les liqueurs et les confitures sont également réalisées avec les fleurs des alpages: génépy, confiture de pétales de pissenlit, liqueur de myrtille… Un délice.

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