Bruce Lee est le Elvis du Kung Fu. Il demeure, dans la mémoire collective, l’icône qu’il était en 1974. On connaît Bruce. Bruce nous appartient. Mais qui a enseigné à Bruce? Le grand maître de Kung Fu, Ip Man.

Bien que deux films aient été faits sur Ip Man, Le grand maître de Wong Kar Wai, mettant en vedette Tony Leung Chiu Wai et Zhang Ziyi, fait de Ip Man un nom que tout le monde reconnaîtra, pas très loin de son protégé électrisant, Bruce le tout-puissant.

L’histoire se déroule entre 1930 et 1952. Elle commence avec la vie de Gong Yutian (Wang Qingxiang), un maître de Kung Fu du Nord prêt à prendre sa retraite. Il a une fille, Gong Er (Zhang Ziyi), qui est maître suprême à sa manière.  

La région du Sud choisit Ip Man pour la représenter. Pour bien le former (il s’agit de la portion du film la plus entraînante), plusieurs maîtres accomplis de différentes écoles lui transmettent l’essence unique de chacune de leurs pratiques.

À une époque meurtrière, comptant partout de dangereux experts en arts martiaux, chacun se doit d’être vigilant. Et, à travers tout cela, se tient Ip Man, qui personnalise une figure qui avait une envergure sur le plan moral. Le visage d’Ip Man brille par sa chaleur, son humilité et sa compassion. L’acteur Tony Leung, le polyvalent comédien aux traits avenants et apaisants, est tout bien choisi pour ce rôle.

La cinématographie est merveilleuse, elle est à couper le souffle et les arts martiaux rassasient le spectateur. Fait intéressant, il a été demandé à tous les acteurs, d’étudier le Kung Fu pendant trois ans avant le début du tournage du film.

Les aficionados du genre cinématographique Wuxia (films avec des héros pratiquants les arts martiaux) seront comblés. Le film comporte des éléments magiques, mystiques : des maîtres volent dans les airs, des coups de pied finissent par s’enfoncer dans le fer, des pierres deviennent poussière et des ondes de choc composées d’énergie sont propulsées.

Néanmoins, peut-être y a-t-il un peu trop de scènes ralenties lors des séquences sous la pluie, de lents essorages de serviettes dans le bain : trop d’effets au ralenti en général, accompagnés d’une lourde musique jouée au piano.

La reconstitution historique des décors et des costumes est magnifique. 

La toujours plus belle Zhang Ziyi fait du mandarin une musique.

Le film qui devait originellement durer quatre heures a dû être écourté à 2 h 10 pour la consommation du public. L’aspect narratif en est affecté.

Tout le monde a entendu parler du qi. Le Kung Fu en Chine est le «Gonfu». Le style de combat éclectique de Bruce Lee, le «Jeet Kune Do», a été développé après avoir jeté par-dessus bord le «Chun kung fu» d’Ip Man et c’est une tendance générale dans les arts martiaux modernes. Cela pourrait expliquer pourquoi le MMA moderne (modern mixed-martial arts) n’implique plus d’énergie du gong.

Traditionnellement, en Chine, on parlait de gong (énergie plus élevée que le qi engendrée par le corps d’un pratiquant d’arts martiaux) qui est seulement développé quand une forme d’art demeure pure et lorsque l’artiste s’élève à l’aide de hauts standards de moralité. C’est aussi considéré comme une forme de purification et d’élévation spirituelle.

Bruce Lee est peut-être bien plus populaire qu’Ip Man, mais le grand maître était celui qui possédait le gong!