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Le renflouement de l’Ukraine alimenté par le gaz de Poutine

L’Europe pourrait avoir renoncé trop rapidement à un accord commercial potentiel pour le renflouement de l’Ukraine

Écrit par David R. Cameron
10.01.2014
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  • Le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch adresse un clin d’œil au Président Russe Vladimir Poutine (à droite), le 17 décembre 2013, lors d’une cérémonie de signature au Kremlin à Moscou. Poutine a déclaré que les compagnies énergiques publiques de Russie et d’Ukraine avaient signé un accord modifié réduisant le prix du gaz naturel que Moscou prétend trop élevé pour son voisin qui serait à court d’argent. (Alexander Nemenov/AFP/Getty Images)

Le 21 novembre, l’Ukraine a annoncé qu’elle ne signerait pas un accord d’association avec l’Union européenne, lors d’une réunion qui devait se dérouler une semaine plus tard, à Vilnius, Lituanie, avec des dirigeants de l’Union européenne et des partenaires orientaux, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et l’Ukraine. L’accord aurait engagé l’Union européenne et l’Ukraine à créer une Zone profonde et complète de libre-échange qui pourrait entrainer plus de commerce et d’investissement entre l’Ukraine et les 28 états membres de l’Union européenne.

Compte tenu des liens économiques, militaires et culturels établis de longue date avec l’Ukraine, et de l’ambition du Président Vladimir Poutine d’étendre son union douanière avec la Biélorussie et le Kazakhstan et enfin de créer un «espace économique commun» et une union économique eurasienne des états postsoviétiques non baltes; il était évident que la Russie ferait tout son possible pour empêcher l’Ukraine de signer l’accord. Les mois précédent le sommet de Vilnius, la Russie a imposé des contrôles douaniers ou des quotas sur les importations de l’Ukraine, et demandé le paiement de 1 milliard de dollars (plus de 733 millions d’euros) d’arriérés pour les fournitures de gaz, a menacé d’élever le prix du gaz cet hiver et mis sur pied des restrictions sur les Ukrainiens entrant en Russie pour y travailler.

La décision de dernière minute de l’Ukraine de ne pas signer l’accord de l’Union européenne était ainsi, peut-être inévitablement, rédigée en termes géopolitiques, suite à une lutte entre l’Europe et la Russie sur le futur alignement de l’Ukraine. Mais l’ampleur du plan de sauvetage annoncé le 17 décembre après une réunion à Moscou, entre Poutine et le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch a rendu évident le fait que, bien que les conséquences puissent être géopolitiques, l’impulsion de la décision de l’Ukraine était économique et une lutte que l’Europe aurait pu remporter.

Dangereux déficits

L’Ukraine se trouve–ou du moins était jusqu’à ce que le plan de sauvetage soit annoncé–au seuil de l’insolvabilité. En 2013, elle accuse un déficit de compte courant équivalent à plus de 8% du PIB et un déficit de son budget de plus de 6,5%. Ses réserves de change couvrent seulement trois mois d’importations. Elle doit rembourser 8 milliards de dollars (prés de 6 milliards d’euros) de dettes étrangères de cette année, dont 3,7 milliards de dollars (plus de 2,7 milliards d’euros) au Fonds Monétaire sur ses emprunts 2008. Et elle doit payer à la Russie prés de 12 milliards de dollars (prés de 9 milliards d’euros) par an pour le gaz. Avec un déficit important du compte courant, un déficit budgétaire substantiel, peu de réserves, des remboursements de dettes important en devises fortes, et même des paiements de gaz à la Russie, l’Ukraine n’était qu’à quelques mois d’un défaut de paiement.

À l’automne, l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International ont discuté d’un accord de confirmation possible pour l’Ukraine, similaire à l’arrangement de 15,5 milliards de dollars (11 milliards d’euros) présenté en 2010. Mais, il est évident, dès le départ que, du fait de la gravité de la crise économique en Ukraine et la suspension de l’arrangement de 2010, après que seulement 3,4 milliards de dollars (2, 5 milliards d’euros) aient été déboursés parce qu’elle avait refusé la mise en place d’une condition, toute aide aurait été accompagnée de conditions difficiles.

Cependant, bien que les bénéfices de ces conditions pourraient apparaitre sur le long terme, il était aussi évident que leur effet immédiat serait coûteux en termes politiques, pas le moindre pour Ianokouvitch, qui espère une réélection dés le début 2015. Une flexibilité plus importante du taux de change de la monnaie pourrait l’entrainer à se déprécier face au dollar, accroissant ainsi le coût du pétrole et du gaz importés, tous les deux cotés en dollars. L’Ukraine devrait aussi supprimer sa subvention importante des ménages pour le coût de l’énergie, condition qu’elle avait refusé de mettre en application lors de l’accord de 2010.

Début novembre, Poutine, après deux longues réunions secrètes, a accepté, qu’en échange d’une absence de signature de l’accord de l’Union européenne et la reprise de négociations sur des liens commerciaux étroits avec la Russie; la facture de gaz serait réglée, le prix de ses futures livraisons de gaz serait réduit, les contrôles douaniers récemment imposés et les quotas importés seraient terminés et que la Russie fournirait une aide financière supplémentaire.

Alors que le somment de Vilnius approchait, il est devenu apparent que toute aide du Fonds Monétaire International et de l’Union Européenne serait non seulement accompagnée de rudes conditions mais aurait été très éloignée de ce dont l’Ukraine avait besoin pour éviter un défaut de paiement–une aide allant de 15 à 20 milliards de dollars (de 11milliards à plus de 14, 7 milliards d’euros). Une lettre du Fonds Monétaire International au gouvernement Ukrainien du 20 novembre a officiellement offert 5 milliards de dollars (plus de 3, 6 milliards d’euros) et noté qu’elle aurait dû rembourser les 3,7 milliards de dollars suite au prêt de 2008. L’Union européenne a offert 610 millions d’euros, environ 840 millions de dollars (plus de 617 millions d’euros), avec les conditions du FMI. Le lendemain, Ianoukovitch a annoncé que l’Ukraine ne signerait pas l’accord de l’Union européenne.

Tendance Européenne ou Russe

À un certain niveau, la décision n’était pas surprenante. Il y a, bien sûr, de nombreuses personnes à Kiev et en Ukraine occidentale qui, se considérant comme européennes, ont soutenu la Révolution Orange et ses dirigeants - Viktor Iouchtchenko, président élu en 2004 et Ioulia Timochenko, ancienne Premier ministre, actuellement emprisonnée et candidate présidentielle en 2010 et rêvent de rejoindre un jour l’Union européenne.

Mais, il y en a beaucoup d’autres, en particulier dans le centre industriel du pays majoritairement russophone et dans le sud de l’Ukraine, qui se sentant liés par la culture et les intérêts économiques russes, soutenaient Ianoukovitch, ancien gouverneur de l’oblast de Donetsk, au cours des élections présidentielles de 2004 et de 2010, et favorisaient les liens étroits avec la Russie, qui reste plus de deux décennies après la chute de l’URSS, le principal partenaire commercial de l’Ukraine.

Et là, on voit sans aucun doute où penchent les sentiments d’Ianoukovitch. Lors des élections présidentielles de 2004, Poutine a visité deux fois le pays lors de sa campagne pour lui. Sa première initiative politique majeure après avoir remporté l’élection présidentielle de 2010, a été de prolonger le bail à long terme de la Russie sur les installations portuaires de Sébastopol, base de sa flotte en Mer Noire. La seconde a été la loi interdisant à l’Ukraine d’entrer dans une alliance militaire, excluant la possibilité d’une future adhésion à l’OTAN.

Opportunité manquée pour l’Union européenne

Néanmoins, l’Union européenne et le Fonds Monétaire International auraient pu fournir à l’Ukraine l’aide financière nécessaire et modérer l’impact à court-terme de ses conditions. Mais pour une quelconque raison que ce soit la fatigue liée à la crise de la zone euro, la préoccupation de l’Union européenne par la création d’une union bancaire, l’aversion à fournir des fonds à un pays non-membre de l’Union européenne ayant bafoué les conditions d’un ancien accord, l’aversion d’aider Ianoukovitch et son gouvernement, ou la connaissance de l’accord de début novembre entre Poutine et Ianoukovitch–en dépit du fait qu’ils ont dédié des centaines de milliards d’euros à une poignée de membres de la zone euro au cours des quatre dernières années, ils ont tourné le dos à l’Ukraine et ainsi, ouvert la porte à Poutine.

Après que Poutine et Ianoukovitch se soient réunis à Moscou, le 17 décembre, il a été annoncé que la Russie rachèterait 15 milliards de dollars (plus de 11 milliards d’euros) de la dette du gouvernement ukrainien grâce à son Fond de Richesse National, qui reçoit une partie des revenus d’état du pétrole et du gaz, et abaissera le prix du gaz fourni par Naftogaz, détenu pour un tiers par l’État ukrainien, ce qui équivaut à 4 milliards de dollars (près de 3 milliards d’euros) par an.

Bien sûr, ils ont nié que la future adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière de Russie avec la Biélorussie et le Kazakhstan était une condition pour le plan de sauvetage. Mais cette aide augmente considérablement les chances que l’Ukraine, dans le futur, rejoigne l’Union douanière, si ce n’est que parce que son économie deviendra même encore plus liée et dépendante de la Russie qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Ainsi, si dans quelques années, le monde se réveille aux nouvelles que l’Ukraine a rejoint l’Union douanière et s’est dédiée à participer à «l’espace économique commun» et l’Union eurasienne économique envisagées par la Russie, des historiens regarderont en arrière fin 2013 et se demanderont pourquoi l’Union européenne et le Fonds Monétaire International n’ont pas eu la clairvoyance d’aider l’Ukraine quand elle a eu besoin de leur aide.

David R. Cameron est un professeur de science politique à l’université de Yale et directeur de son programme d’études dans l’Union Européenne. Droits d’auteur 2014 Le Centre Whitney et Betty MacMilian pour les Études Internationales et régionales à Yale.

Version en anglais: Putin’s Gas-Fueled Bailout of Ukraine

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