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La désinformation: arme de choix du Kremlin

Écrit par Gary Feuerberg, Epoch Times
08.12.2014
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  • Le président russe, Vladimir Poutine, est interviewé durant sa visite dans les bureaux de la chaîne étatisée RT (Russia Today), reconnue pour ses bas standards journalistiques. (Yuri Kochetkov/AFP/Getty Images)

WASHINGTON – Avec son annexion de la Crimée, son agression dans l’est de l’Ukraine et la menace militaire et économique qu’il pose aux pays de l’OTAN, le Kremlin semble s’être lancé dans un nouveau genre de guerre froide. Peu importe ce qu’en raconte Vladimir Poutine, ses motifs ne sont pas anodins. L’Occident a répondu avec surprise, confusion, paralysie et inaction.

Pour comprendre et contrer le modus operandi du Kremlin, l’Institute of Modern Russia (IMR), un cercle de réflexion basé à New York, a commandité la publication d’un rapport spécial. Les auteurs Peter Pomerantsev et Michael Weiss décrivent les méthodes utilisées par le Kremlin pour confondre ses adversaires et exploiter les faiblesses de l’Occident.

La menace de l’irréalité : comment le Kremlin utilise l’information, la culture et l’argent pour faire la guerre dépeint la Russie comme un État mafieux, dont les dirigeants n’ont aucun scrupule à répandre des mensonges dans les médias et à les agrémenter, au besoin, de menaces militaires voilées ou de déploiement de troupes.

Poutine et son ministre des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, peuvent emprunter un ton diplomatique, alors que la Russie mène vraiment une bataille contre l’Occident qui laisse ce dernier perplexe. Les pays démocratiques n’ont pas encore trouvé la manière de traiter avec Poutine et les défis qu’il pose à la liberté, la démocratie et la sécurité.

«Essentiellement, ils utilisent l’information à des fins militaires et je reconnais qu’en tant que journaliste, je n’avais aucun outil analytique pour en faire l’analyse», explique M. Pomerantsev. Ce dernier s’exprimait devant le National Endowment for Democracy (NED) le 13 novembre dernier.

«Aux environs de 2004, des théoriciens du Kremlin et des membres de la Douma ont discuté de mettre sur pied des organisations d’émigrés russes à l’étranger pour déstabiliser les pays étrangers», explique-t-il. Dans la préface du rapport, M. Pomerantsev indique que l’Église russe orthodoxe devait être utilisée aux mêmes fins.

C’est livrer une guerre en faisant une utilisation minimale de l’armée. MM. Pomerantsev et Weiss affirment que, dans le conflit ukrainien, la Russie a utilisé des groupes d’autodéfense, mais quand cela était insuffisant, elle a réalisé des incursions à petite échelle qui «ont changé la donne sur le terrain sans jamais que ce soit trop pour justifier une déclaration de guerre en bonne et due forme».

L’énigme Poutine

«Un des aspects les plus étranges de la géopolitique au XXIe siècle est le refus de l’Occident de voir en Poutine un adversaire ou un ennemi», mentionne M. Weiss dans la préface du rapport de 44 pages. Pendant 14 années, les États-Unis et l’Europe croyaient avoir un «partenaire honnête ou un allié au Kremlin», peu importe comment il se comportait, affirme M. Weiss. L’annexion de la Crimée et l’invasion de l’est de l’Ukraine ont tout changé.

Michael Weiss est le rédacteur en chef de l’Interpreter, une publication quotidienne en ligne qui traduit des articles de presse et des blogues en langue russe. Il s’agit d’un projet de l’IMR.

«[Poutine] est très habile pour arnaquer l’ouverture et la transparence du système occidental, particulièrement les médias occidentaux, qui deviennent essentiellement ses complices dans sa guerre de l’information», affirme M. Weiss.

  • Peter Pomerantsev, auteur britannique et documentariste, a coécrit un rapport sur l’utilisation de la désinformation par le Kremlin. (Gary Feuerberg/Époque Times)

Désinformation sur l’Ukraine

MM. Pomerantsev et Weiss affirment que l’arme de choix est la désinformation, qui va beaucoup plus loin que la simple propagande. Par exemple, la télévision russe en Russie et en Ukraine a créé la réalité que les «“fascistes” s’étaient emparés du pouvoir à Kiev, que les Russes ethniques dans l’est de l’Ukraine étaient en danger de mort et que la CIA livre une guerre contre Moscou».

Les braves gens qui ont déposé le président ukrainien corrompu, Viktor Yanukovych, ont été qualifiés de fascistes. Les auteurs citent Ben Judah qui dit que «Le Maidan [square central au cœur du mouvement] n’a jamais été en mesure de se débarrasser de l’impression qu’il représentait l’extrême-droite.»

Les journalistes occidentaux ont commencé à chercher des néo-nazis parmi les contestataires, et ainsi le discours du Kremlin a réussi à ternir l’image du Maidan aux yeux des Occidentaux.

Un autre exemple de désinformation est quand Poutine a utilisé le terme «Novorossiya» pour désigner une zone du sud-est de l’Ukraine qu’il pourrait un jour annexer. Ce terme a été repêché dans l’histoire tsariste. Les auteurs affirment que les gens de la région ne s’identifient pas comme vivant en Novorossiya. Néanmoins, «les gens ont commencé à songer à la Novorossiya». Les médias russes montrent des cartes de la région, les livres d’école commencent à en parler, elle a maintenant un drapeau, une agence de presse et plusieurs comptes Twitter.

Les spécialistes de la désinformation russe ont trouvé des histoires imaginatives pour expliquer l’écrasement de l’avion MH17 de la Malaysian Airlines, causant la mort de 298 personnes lorsqu’il a probablement été descendu par un missile russe tiré par les séparatistes. La chaîne RT, financée par le Kremlin, a répandu des théories du complot telles que l’avion avait été descendu par l’armée ukrainienne qui pensait s’attaquer à l’avion privé de Poutine.

La cyberarmée du Kremlin a ciblé le site du Guardian qui couvrait la tragédie, l’inondant de 40 000 commentaires par jour, empêchant toute forme de discussion pertinente et sapant les communications normales.

Les technocrates des médias russes savent que les médias occidentaux, comme la BBC ou le New York Times, doivent présenter différents points de vue pour respecter l’éthique journalistique. C’est ainsi que peu importe l’absurdité ou la grossièreté du mensonge, lorsque le ministère des Affaires étrangères russe fait une déclaration sur les responsables de la tragédie, les médias occidentaux sont «obligés de rapporter les deux versions de l’histoire», explique M. Weiss.

RT s’appelait auparavant Russia Today, mais le nom a été changé pour masquer le fait que la chaîne  est financée par le Kremlin ou même associée à la Russie, selon les auteurs. La chaîne ne tente pas de trouver la «vérité objective» qui, selon ses patrons, n’existe pas.

RT est très populaire en ligne en raison de ses thèmes antiaméricains et antioccidentaux et de ses abondantes théories du complot.

«Récemment, RT en espagnol a diffusé un reportage qui examinait si les États-Unis étaient responsables de l’épidémie Ebola – soit un écho moderne à la désinformation soviétique avançant que la CIA était à l’origine du virus du sida», indique le rapport.

Concernant la guerre civile syrienne, RT a diffusé une émission au sujet d’un massacre allégué perpétré par les rebelles à Adra. Même après qu’il était évident qu’il n’y avait pas eu de massacre à Adra, les commentateurs de RT continuaient d’en discuter comme si c’était la réalité, indique le rapport.

«Même si les gens ne le croient pas, ils en parlent encore», fait remarquer M. Weiss. La désinformation russe n’a pas l’objectif de convaincre les autres que leur version est véridique, c’est plutôt de les «distraire, de les confondre, de leur dire de regarder par là, mais pas par ici.»

Recommandations

Le rapport recommande une manière de contrer «l’utilisation de l’information à des fins militaires». Les médias légitimes devraient adopter la pratique que lorsqu’il y a une tentative évidente de tromperie, ils ne devraient pas reproduire l’information dans leurs reportages. Dans des cas comme ceux-ci, les médias devraient résister à la pratique de tenter de présenter une perspective «équilibrée».

De plus, une raison importante pourquoi il n’y a pas plus d’enquêtes journalistiques menées sur Poutine et la «corruption pratiquement institutionnalisée» de l’État russe est la crainte d’être poursuivi pour diffamation par les riches criminels russes, particulièrement au Royaume-Uni où les lois sont plus favorables à ce genre de poursuites. Peu de publications ont les moyens d’exposer les personnalités associées au Kremlin. Les auteurs recommandent donc la mise sur pied d’un fonds pour aider les journalistes qui sont accusés de diffamation.

Version originale : Russia’s Weapon of Choice: Information Warfare

Plus de 204 717 860 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.