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Crédible le projet de Mars One?

«Cynique et rabat-joie envers Mars One», témoigne un scientifique des fusées

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
11.02.2014
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  • Jaymie Matthews, professeur d’astronomie de l’université de Colombie-Britannique (Jaymie Matthews)

Aussi excentrique que pertinent, le coloré et médiatisé professeur d’astronomie de l’université de Colombie-Britannique, Jaymie Matthews, aurait voulu faire autrement que d’être cynique et rabat-joie par rapport au projet Mars One. Se considérant comme un enfant d’Apollo, cet expert d’astrophysique a rassemblé une série de lacunes percutantes concernant l’organisation sans but lucratif aux hautes ambitions.

«Montre-moi l’argent»

M. Matthews voit en Mars One un excès d’optimisme, surtout lorsqu’il est temps de parler de technologie et de budget. «Ça fait 40 ans que personne n’est allé sur la Lune qui est à environ 400 000 km, trois jours de voyage aller. Avec Mars, on parle de dizaines de millions de kilomètres de la Terre, d’un voyage de plus ou moins huit mois. On n’a pas fait de voyage de trois jours depuis 40 ans. Nous avons une technologie plus avancée et l’expérience plus poussée afin de construire le nécessaire pour retourner sur la Lune, mais si les États-Unis devaient décider de refaire un voyage sur la Lune, ils ne pourraient recycler ni réutiliser les modèles du temps. Ils devraient tout refaire en partant de zéro. Le talent devrait aussi être réassemblé et harmonisé. Pour Mars, c’est presque impensable», affirme le «scientifique de fusées».

«Les coûts d’Apollo, fin des années 1960, étaient d’environ 23,9 milliards de dollars américains. Si l’on transfère cette somme en argent américain d’aujourd’hui, cela aurait coûté plus de 100 milliards de dollars. Ça, c’est le coût pour se rendre chez notre voisine la Lune et d’y envoyer une douzaine de touristes qui rapporteraient quelques cailloux comme souvenir, pas pour transporter des vaisseaux contenant des modules d’habitation pour y installer une colonie. Je ne comprends pas comment on pourrait envoyer quatre personnes avec une distance aussi prodigieuse que celle de Mars, permettre la colonisation et faire en sorte qu’ils survivent là-bas pour six milliards de dollars. Ça n’a pas de sens pour moi», confesse Matthews.

«Je dirais que les deux fondateurs de Mars One ne sont pas assez riches pour que leur projet lève. Nous avons besoin d’un Richard Branson [propriétaire de Virgin], additionné à un Bill Gates. Si on les avait, en plus les fondateurs de Google [Larry Page et Sergey Brin] et Mark Zuckerberg [fondateur de Facebook], s’ils étaient à bord du projet, l’aspect économique serait assuré et le projet jouirait d’une crédibilité exceptionnelle sur tous les plans. Ajoutez à cela un TED Talk [populaires conférences internationales dans de nombreux domaines] et on pourrait considérer la colonisation de Mars comme chose faite», pense-t-il.

«Je ne veux pas dénigrer les deux fondateurs de Mars One qui ont l’air des hommes d’affaires qui ont réussi dans la vie et qui ont des bases en astrophysique. J’ai des bases en astrophysique, mais pas nécessairement ni les compétences, ni les contacts et ni les ressources pour créer un projet qui a pour but d’aller sur Mars. Ils ne pourront pas y arriver avec le modèle Kickstarter [modèle financier où le public est invité à investir selon leurs moyens dans un produit en développement], qui ressemble à celui qu’ils ont décidé d’utiliser», s’exclame le professeur d’astronomie de l’université de Colombie-Britannique.

«Mars One n’obtiendrait pas de financement s’ils passaient à l’émission Dans l’œil du Dragon. Leur modèle d’affaires n’est qu’une page très abrégée. Les dons de particuliers reçus dans la dernière année sont moins que 200 000 $, venant de partout sur la planète. Le projet a été pourtant très médiatisé aux quatre coins du monde. Comme dans le film Jerry Maguire, je dirais “Show me the money!” Je ne vois pas l’argent. Ils n’ont pas non plus le consortium qu’il faut, mais on ne sait jamais quand un joueur clé peut faire surface. On ne retrouve pas non plus l’infrastructure de la NASA, où celle de l’agence spatiale russe ou européenne, japonaise, etc. La perte de crédibilité en affaires ne pardonne pas», se désole sincèrement Jaymie Matthews.

Compétition nécessaire

L’aspect compétitif du projet Mars One est l’une des choses qui auraient pu le rendre intéressant, considère M. Matthews, mais il n’y a rien sur le plan politique qui excite les sens comme ça a pu être le cas pour la course au premier homme sur la Lune.

«Quand les Américains ont gagné la course pour mettre les pieds sur la Lune [1969], ils étaient en délire. Rendu à Apollo 15 [1971], on n’interrompait même pas les soaps américains pour montrer des extraits en direct sur la Lune. On est devenu indifférent très rapidement», lance-t-il. 

Par ailleurs, le projet aurait, entre autres, comme source de financement, des commanditaires, des investisseurs de tout acabit et une téléréalité de la vie des astronautes et martiens d’adoption. Encore là, ça ne tient pas la route, selon M. Matthews.

«L’équipe a utilisé le modèle d’affaires des Olympiques dans la promotion de leur projet. Comparer les Olympiques et Mars One est comme comparer des pommes avec des oranges. Les Olympiques ont fait leurs preuves, leur audience est fidèle, c’est rendu un classique de la télévision, il s’agit d’une compétition entre pays, etc. Nous n’assisterons pas à une compétition à savoir quel astronaute de tel pays survivra, un peu comme téléréalité Survivor», précise-t-il.

«Chris Hadfield a été actif sur les médias sociaux et a créé un intérêt pour sa mission de six mois. Est-ce qu’il a généré indirectement de l’argent pour la NASA? Directement pour l’agence spéciale canadienne? Je ne pense pas. Nous aurions droit à un ennui mortel à quatre dans des boîtes de conserve sur la planète rouge, où il n’y a rien autour. Combien de gens vont regarder ça jour après jour? Qui seront les partenaires financiers de cela? Quand “l’amarissage” se fera, oui, il y aura un certain suspense. Après ça, combien de temps pourra-t-on maintenir un intérêt?», se demande le professeur d’astronomie.

Petits détails…

Plusieurs «petits détails» font ressortir l’invraisemblance du projet selon Jaymie Matthews. «Même la marchandise promotionnelle de Mars One est un peu douteuse. Leur site web ne donne même pas une vue détaillée de leurs chandails qu’ils vendent! Ces petites choses simples, si elles ne sont pas respectées, cela fait qu’on y croit moins. C’est comme le système de santé d’Obama, le principe est bon, mais quand le tout fut lancé leur site web n’a pas fonctionné comme il devait. Le site web de Mars One a plusieurs faiblesses dont le fait de ne pas m’inspirer confiance, ni me donner le goût de les soutenir davantage», s’afflige-t-il.

«Je ne suis pas convaincu qu’il est juste d’envoyer n’importe qui là-bas. Je crois qu’il est important d’avoir dans les “colonisateurs” des gens bien compétents, qui ont pu prouver qu’ils peuvent survivre ensemble dans les conditions les plus extrêmes, sans espoir de revenir sur Terre», soulève le professeur.

«L’équipe de Mars One a des noms très intéressants pris individuellement, mais ils n’ont pas d’expérience mis ensemble et sur une longue période de temps. C’est très important d’être capable de démontrer que ça fait minimum dix ans qu’une équipe d’experts se suit et demeure soudée dans le but de réaliser un projet. C’est un élément crucial qui peut faire augmenter la crédibilité d’un projet. Le docteur en médecine, Norbert Kraft, est la personne qui m’impressionne le plus dans l’équipe. Il a de l’expérience dans la médecine de l’espace. Il a travaillé pour l’agence spatiale japonaise, russe et la NASA», fait part M. Matthews.

Des points de vue technologique, industriel, scientifique et économique, le chercheur et amant de l’Univers croit qu’il n’y a pas de justification pour se rendre sur Mars, maintenant et durant les 10 ou 20 prochaines années, à part pour une question d’inspiration.

Ce véritable passionné de l’espace ne peut se prononcer sur l’inspiration que pourrait susciter Mars One sans parler de celle de la Lune. «Il y a une différence entre le potentiel d’inspiration de Mars et de la Lune. Quand on parle de la Lune, toute l’humanité ou presque a eu la chance de pouvoir voir la Lune. Chacun n’a qu’à lever la tête. Elle a su faire rêver les êtres humains autant que les faire réfléchir. Quand l’homme est allé sur la Lune, c’était quelque chose d’extraordinaire. En ce qui concerne Mars, je ne pourrais dire quel est le pourcentage de la population mondiale qui l’a vue, cette étoile rouge qui est un peu plus visible à certains moments. Une poignée d’astronomes amateurs l’on vue à travers un télescope sans doute. Ce n’est pas comme si chaque individu l’avait aperçue», explique le sympathique et pince-sans-rire Jaymie Matthews.

«Mars a eu un engouement pour sa possibilité de contenir de la vie, mais d’abord pour l’erreur et le rêve de M. Percival Lowell qui a cru voir des canaux sur Mars et qui a raconté des histoires de races martiennes sur le bord de l’extinction. Cela a touché l’imaginaire collectif et a inspiré plusieurs auteurs dont H. G. Wells qui a écrit The War of the Worlds. C’était un Hubert Reeves/ Chris Hadfield de son temps. Nous savons que c’est complètement faux aujourd’hui. S’il y avait de la vie sur Mars, ce sont des formes basiques. Pour être honnête, l’idée m’excite encore comme scientifique et aussi comme être humain. Cependant, je ne suis pas convaincu qu’un enfant de huit ans serait très inspiré par cette idée. C’est ceux qu’on devrait entendre sur le sujet», suggère Matthews.

«Mars One mérite que l’on écoute, mais qu’on l’écoute avec un sens critique. J’aimerais qu’on prouve que j’ai tort, que ça se fasse plus tôt que tard», termine-t-il.

 

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