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Seul dans Berlin: deux pièces pour un roman

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
17.02.2014
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  • La vie reçoit de nouveau un sens, les actes de résistance remplissent le couple d’espoir. (Laurencine Lot)

Seul dans Berlin, de Hans Fallada, c’est l’histoire d’un régime totalitaire, celui qui pousse ses sujets dans les ténèbres de la bassesse morale, de la peur, de la méfiance et de l’aliénation meurtrière. C’est l’histoire de la vie quotidienne sous le troisième Reich, mais par-delà l’Allemagne et le nazisme, c’est aussi l’histoire de tous les totalitarismes, fascistes ou communistes, qui menacent les démocraties en crise et font la nique au monde libre en arborant une façade qui ne cache ni leur insolence ni leurs crimes et à laquelle ils veulent nous forcer à croire.

Le livre – «semer de bonnes graines»

Seul dans Berlin est basé sur l’histoire vraie d’un couple d’ouvriers berlinois, Otto et Elise Hampel, renommés dans la pièce Otto et Anna Quangel. Ce couple simple et peu instruit a été abusé, comme la plupart des Allemands, par les promesses du Führer, cherchant simplement à sortir du chômage et à retrouver leur fierté, ils l’ont soutenu comme des millions de leurs compatriotes.  Après avoir perdu le frère d’Anna (leur fils dans la pièce) au début de la guerre, ils deviennent lucides et réalisent que le peuple allemand s’est «fait avoir».

Dans cette ambiance où l’homme est un loup pour l’homme, où le simple fait de ne pas appartenir au Parti ou de vouloir s’en éloigner peut entraîner de graves conséquences, le couple décide de garder droiture et dignité en faisant acte de résistance. Leur résistance ne sera pas héroïque. Ils ne changeront rien de leur quotidien bien régulier et calme. Ils ne mettront pas de bombes ni de grandes pancartes dans la rue. Ils écriront juste une petite carte postale chaque dimanche, appelant les Berlinois à résister, puis la déposeront à la sauvette dans la cage d’escalier d’une clinique ou sur la fenêtre d’un immeuble. Elle ne sera peut-être même pas lue et piétinée ou déchirée, ils ne connaîtront pas son sort. Mais cet acte modeste et qui peut paraître dérisoire, est aussi dangereux que de poser une bombe. C’est d’ailleurs le cas. Les cartes deviennent explosives et mettent la police, puis la Gestapo, à leurs trousses. Elise et Otto Hampel tiendront plus de deux ans mais seront finalement rattrapés et exécutés le 8 mars 1943.

Le livre ne se termine pas par la mort du couple mais par une scène de campagne idyllique, seul endroit où les Berlinois peuvent échapper à l’emprise du Parti et « semer de bonnes graines » car tout acte de résistance au totalitarisme est aussi un acte de liberté et d’amour.

L’auteur – la découverte

Hans Fallada (1893-1947), l’auteur de Seul dans Berlin, a subi lui-même une forte pression de la part du régime nazi. Ses premiers livres traitaient de thèmes pacifistes et l’un d’eux, Petit homme, grand homme, a donné lieu à la réalisation d’un film à Hollywood, ce qui lui a causé des problèmes sous le régime nazi. Il a également refusé de rejoindre le Parti, et a saboté sa collaboration à la propagande antisémite ordonnée par Goebbels. Mais les pressions sont telles qu’il en fait une crise de nerfs et sera hospitalisé dans un asile nazi pour «criminels fous». Après la guerre, il est brisé corps et âme. Son ami, le poète Johannes R. Becher, souhaitant l’aider, lui confie le dossier d’Otto et Elise Hampel trouvé dans les caves de la Gestapo, en lui demandant de s’en inspirer pour écrire un livre. Hans Fallada écrit un ouvrage de 899 pages en 24 jours et meurt en février 1947, un mois avant la sortie de son livre.

  • Le couple Anna et Otto Quanguel avec le commissaire Escherich, Claudia Morin, Marc-Henri Boisse et Jean-Paul Dubois (débout). (Laurencine Lot)

Un livre, deux adaptations

Seul dans Berlin a été qualifié de «Meilleur livre jamais écrit sur la résistance anti-nazi» par Primo Levi et de «Meilleur livre de l’année 2009» par le Sunday Telegraph. Il a pourtant été délaissé pendant plus de soixante ans. Il a fallu attendre la traduction anglaise de l’ouvrage en 2009 pour que soit reconnue son importance, et avec elle, la valeur de son auteur.

Le livre qui dépeint une fresque complexe de la vie berlinoise à la manière d’un polar, est certes difficile à adapter à la scène – bien que comprenant de nombreux dialogues – mais cela n’a pas empêché deux metteurs en scène de talent de relever le défi. Il s’agit du Flamand Luk Perceval et de la Française Claudia Morin.

Luk Perceval est surtout connu pour son adaptation, avec l’auteur Tom Lanoye, de l’ensemble des drames historiques de Shakespeare dans une seule pièce qui dure 11 heures, Ten Oorlog, ainsi que pour son travail avec des jeunes auteurs et ses adaptations radicales de certaines pièces du répertoire.

Seul dans Berlin de Perceval, créé pour le Thalia Theater, ambitionne de couvrir la totalité du roman dans une pièce qui dure 4 heures. Le collage monumental de la scénographe Annette Kurz, composé d’objets et de débris d’époque – un sac à main, une mallette de première aide, un collier – reconstitue le plan de Berlin, là où le couple a déposé 276 cartes postales et 18 lettres, mais surtout, rappelle au spectateur la souffrance entraînée par  la guerre, en partant du point de vue de simples citoyens allemands.

Une adaptation modeste et poignante

Claudia Morin a créé une pièce intimiste adaptée au petit espace du Lucernaire. Elle a choisi de se concentrer sur le couple et leur interrogateur, le commissaire Escherich. Une seule table comme décor sert de table de cuisine et se transforme en bureau de police. L’essentiel de l’histoire est dépeint par trois acteurs Marc-Henri Boisse, Jean-Paul Dubois et Claudia Morin elle-même, qui tous, tiennent leur rôle avec une émouvante justesse. Morin parvient à ressusciter toute une époque avec un minimum de moyens et nous convainc que l’on peut se distinguer des autres, dans une société qui a perdu tout repère et humanisme, pour redonner du sens à la vie.

Infos pratiques

Seul dans Berlin?

Mise en scène Claudia Morin

Au Théâtre du Lucernaire

53 Rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

01 45 44 57 34

Du 8 janvier au 1er mars

à 18h30 du mardi au samedi

Relâche dimanche et lundi

www.lucernaire.fr

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